J'ai beaucoup aimé
Titre : La face nord du coeur
(La cara norte del corazón)
Auteur : Dolores REDONDO
Traductrice : Anne PLANTAGENET
Parution : en espagnol en 2019,
en français (Gallimard) en 2021
Pages : 688
Présentation de l'éditeur :
Amaia Salazar, détachée de la Police forale de Navarre, suit une
formation de profileuse au siège du FBI dans le cadre d’un échange avec
Europol. L’intuition singulière et la perspicacité dont elle fait preuve
conduisent l’agent Dupree à l’intégrer à son équipe, lancée sur les
traces d’un tueur en série recherché pour plusieurs meurtres de familles
entières. Alors que l’ouragan Katrina dévaste le sud des États-Unis,
l’étau se resserre autour de celui qu’ils ont surnommé le Compositeur.
La Nouvelle-Orléans, dévastée et engloutie par les eaux, est un cadre
idéal pour ce tueur insaisissable qui frappe toujours à la faveur de
grandes catastrophes naturelles.
L’association du réalisme cru de scènes apocalyptiques en Louisiane, de rituels vaudous des bayous et de souvenirs terrifiants de l’enfance basque d’Amaia constitue un mélange ensorcelant et d’une rare puissance romanesque.
L’association du réalisme cru de scènes apocalyptiques en Louisiane, de rituels vaudous des bayous et de souvenirs terrifiants de l’enfance basque d’Amaia constitue un mélange ensorcelant et d’une rare puissance romanesque.
Un mot sur l'auteur :
Dolores Redondo est une romancière espagnole, auteur de romans historiques et policiers. En 2009, elle publie un premier roman historique Los privilegios del ángel. En 2013 et 2014, suit la trilogie policière La vallée du Baztan, dont chaque tome a été adapté au cinéma. Elle a reçu les prix Planeta 2016 et Bancarella 2018 pour Tout cela je te le donnerai.Avis :
Remarquée pour ses talents de profileuse lors d’un séminaire international du FBI aux Etats-Unis, la sous-inspectrice espagnole Amaia Salazar accepte de prêter main forte à l’agent Dupree, dont l’équipe est sur les traces d’un tueur en série. L’homme profite de catastrophes naturelles pour s’en prendre, ni vu ni connu, à des familles entières. Or, une alerte ouragan vient d’être lancée : Katrina approche de la Nouvelle-Orléans…
Encore une histoire de psychopathe et d’enquêteurs de choc, me direz-vous. Oui, mais pas n’importe laquelle. Dolores Redondo nous embarque dans une atmosphère toute particulière, aux ingrédients subtilement distillés, qui a toutes les chances de vous envoûter. Et, dans le domaine des sortilèges, Amaia Salazar a une longueur d’avance sur tout le monde. Confrontée dès le plus jeune âge à l’expérience traumatisante du Mal au travers d’une mère mortellement venimeuse, la jeune femme connaît par coeur les signaux du danger et réagit avec une intuition et un sens de la psychologie confondants. Autour des personnages s’épaississent peu à peu le trouble et la curiosité du lecteur, insensiblement amené à la frontière du surnaturel, alors que, sur le fond apocalyptique du terrifiant désastre qui a frappé la Nouvelle-Orléans, viennent se superposer de dérangeantes pratiques vaudoues faisant écho aux terrifiants souvenirs d’enfance d’Amaia. On en oublierait presque notre imperturbable et opportuniste psychopathe, s’il ne continuait à frapper en profitant plus que jamais de la diversion…
Le mélange entre passé et présent, réalité concrète et irrationnel troublant, le tout dans un moment de tourmente historique et tragique restitué avec vérité, font de ce roman un édifice original, aussi complexe que puissant, dont la lecture reste paradoxalement fluide et aisée. L’un de ses temps forts reste indubitablement l’évocation de la Nouvelle-Orléans sous les eaux. Sa population la plus pauvre, celle des quartiers noirs, ne fut majoritairement pas évacuée. Rassemblée en dernier recours dans le grand stade du Superdome dont le toit fut partiellement arraché, elle demeura plusieurs jours coupée du monde et démunie de tout. Le retard et la désorganisation des secours auraient-ils été les mêmes s’il s’était agi des habitants blancs des beaux quartiers ?
Point n’est besoin d’avoir lu les précédentes enquêtes d’Amaia Salazar pour suivre et apprécier celle-ci. Sans doute la jeune femme est-elle un brin trop douée pour demeurer absolument crédible. On lui pardonne aisément, tant on prend plaisir à la suivre dans cet ensorcelant thriller noir, dont le machiavélisme flirte avec le démonisme. (4/5)
Encore une histoire de psychopathe et d’enquêteurs de choc, me direz-vous. Oui, mais pas n’importe laquelle. Dolores Redondo nous embarque dans une atmosphère toute particulière, aux ingrédients subtilement distillés, qui a toutes les chances de vous envoûter. Et, dans le domaine des sortilèges, Amaia Salazar a une longueur d’avance sur tout le monde. Confrontée dès le plus jeune âge à l’expérience traumatisante du Mal au travers d’une mère mortellement venimeuse, la jeune femme connaît par coeur les signaux du danger et réagit avec une intuition et un sens de la psychologie confondants. Autour des personnages s’épaississent peu à peu le trouble et la curiosité du lecteur, insensiblement amené à la frontière du surnaturel, alors que, sur le fond apocalyptique du terrifiant désastre qui a frappé la Nouvelle-Orléans, viennent se superposer de dérangeantes pratiques vaudoues faisant écho aux terrifiants souvenirs d’enfance d’Amaia. On en oublierait presque notre imperturbable et opportuniste psychopathe, s’il ne continuait à frapper en profitant plus que jamais de la diversion…
Le mélange entre passé et présent, réalité concrète et irrationnel troublant, le tout dans un moment de tourmente historique et tragique restitué avec vérité, font de ce roman un édifice original, aussi complexe que puissant, dont la lecture reste paradoxalement fluide et aisée. L’un de ses temps forts reste indubitablement l’évocation de la Nouvelle-Orléans sous les eaux. Sa population la plus pauvre, celle des quartiers noirs, ne fut majoritairement pas évacuée. Rassemblée en dernier recours dans le grand stade du Superdome dont le toit fut partiellement arraché, elle demeura plusieurs jours coupée du monde et démunie de tout. Le retard et la désorganisation des secours auraient-ils été les mêmes s’il s’était agi des habitants blancs des beaux quartiers ?
Point n’est besoin d’avoir lu les précédentes enquêtes d’Amaia Salazar pour suivre et apprécier celle-ci. Sans doute la jeune femme est-elle un brin trop douée pour demeurer absolument crédible. On lui pardonne aisément, tant on prend plaisir à la suivre dans cet ensorcelant thriller noir, dont le machiavélisme flirte avec le démonisme. (4/5)
Citations :
Quand on survit, on apprend à vivre.
Ils commandèrent des huîtres Bienville et des fettucine aux écrevisses qu'Amaia trouva délicieuses, même si les deux policiers de La Nouvelle-Orléans n'arrêtaient pas de dire que ce n'était pas la saison.
— Vous devriez venir au printemps, ajouta Bill en s'adressant à Amaia. Quasiment à la porte de chaque maison il y a une marmite de crawfish boil*. On cuit les écrevisses avec du maïs et des pommes de terre, puis on les renverse sur une table couverte de papier journal et on les mange avec les doigts en les trempant dans du beurre fondu et de la sauce piquante.
Toutes les quinze minutes depuis six heures, les autorités avaient employé les grands moyens pour diffuser l'alerte : Katrina causerait des dégâts dévastateurs sur toute la côte du golfe, et les prévisions pour La Nouvelle-Orléans n'étaient pas très optimistes. La ville était située deux mètres sous le niveau de la mer, avec le lac Pontchartrain au nord et l'abondant Mississippi qui la traversait tel un serpent, et la menace d'un raz-de-marée cyclonique commençait à apparaître soudain comme une réalité inévitable. Le Centre national des ouragans annonçait un niveau cinq : des vents de trois cent cinquante kilomètres à l'heure et des rafales de plus de quatre cents kilomètres à l'heure. La Nouvelle-Orléans n'avait jamais connu un ouragan de force cinq.
Les désirs, les peurs et les ambitions des hommes sont les mêmes dans le monde entier. L'histoire de l'humanité est l'histoire de ses peurs. Mais les mythes pour les définir, les nommer et tenter de les contrôler sont différents.
Elle regarda le ciel. La brume était montée à mi-hauteur. La visibilité au ras du sol était totale, mais une couche dense de nuages bas et effilochés flottait partout. Comment appelaient-ils ce ciel ? L'odeur des fleurs se répandait, sucrée, entêtante, s'élevant comme une guirlande parfumée autour d'elle. Il lui sembla que la charge d'ozone de la tempête la rendait encore plus enivrante. Plus ils avançaient, plus le terrain descendait. La brume empêchait de voir, et le soleil se reflétait à sa surface avec un étrange éclat qui faisait mal aux yeux. Un nouveau coup de tonnerre fendit l'air et résonna pendant une, deux, trois secondes. (...)
Comment l'appelaient-elles déjà, sa tante et elle ? « De la crème de brume », pensa Amaia, et elle le dit à voix haute en même temps :
— De la crème de brume.
Des terroristes détruisent le World Trade Center et le pays bascule dans le malheur, mais quand une ville entière à forte population noire disparaît sous l'eau, qu'est-ce que ça peut faire ? Aurait-on trouvé normal que quatre jours après la destruction des tours jumelles l'aide ne soit toujours pas arrivée ?
Ils commandèrent des huîtres Bienville et des fettucine aux écrevisses qu'Amaia trouva délicieuses, même si les deux policiers de La Nouvelle-Orléans n'arrêtaient pas de dire que ce n'était pas la saison.
— Vous devriez venir au printemps, ajouta Bill en s'adressant à Amaia. Quasiment à la porte de chaque maison il y a une marmite de crawfish boil*. On cuit les écrevisses avec du maïs et des pommes de terre, puis on les renverse sur une table couverte de papier journal et on les mange avec les doigts en les trempant dans du beurre fondu et de la sauce piquante.
Toutes les quinze minutes depuis six heures, les autorités avaient employé les grands moyens pour diffuser l'alerte : Katrina causerait des dégâts dévastateurs sur toute la côte du golfe, et les prévisions pour La Nouvelle-Orléans n'étaient pas très optimistes. La ville était située deux mètres sous le niveau de la mer, avec le lac Pontchartrain au nord et l'abondant Mississippi qui la traversait tel un serpent, et la menace d'un raz-de-marée cyclonique commençait à apparaître soudain comme une réalité inévitable. Le Centre national des ouragans annonçait un niveau cinq : des vents de trois cent cinquante kilomètres à l'heure et des rafales de plus de quatre cents kilomètres à l'heure. La Nouvelle-Orléans n'avait jamais connu un ouragan de force cinq.
Les désirs, les peurs et les ambitions des hommes sont les mêmes dans le monde entier. L'histoire de l'humanité est l'histoire de ses peurs. Mais les mythes pour les définir, les nommer et tenter de les contrôler sont différents.
Elle regarda le ciel. La brume était montée à mi-hauteur. La visibilité au ras du sol était totale, mais une couche dense de nuages bas et effilochés flottait partout. Comment appelaient-ils ce ciel ? L'odeur des fleurs se répandait, sucrée, entêtante, s'élevant comme une guirlande parfumée autour d'elle. Il lui sembla que la charge d'ozone de la tempête la rendait encore plus enivrante. Plus ils avançaient, plus le terrain descendait. La brume empêchait de voir, et le soleil se reflétait à sa surface avec un étrange éclat qui faisait mal aux yeux. Un nouveau coup de tonnerre fendit l'air et résonna pendant une, deux, trois secondes. (...)
Comment l'appelaient-elles déjà, sa tante et elle ? « De la crème de brume », pensa Amaia, et elle le dit à voix haute en même temps :
— De la crème de brume.
Des terroristes détruisent le World Trade Center et le pays bascule dans le malheur, mais quand une ville entière à forte population noire disparaît sous l'eau, qu'est-ce que ça peut faire ? Aurait-on trouvé normal que quatre jours après la destruction des tours jumelles l'aide ne soit toujours pas arrivée ?
Bonjour,
RépondreSupprimerPour rebondir sur votre critique, c’est au tour de Dolores Redondo et de La Face nord du cœur d’être sur broblogblack :
https://broblogblack.wordpress.com/2022/08/19/81314-il-fait-toujours-nuit-partout-redondo/
En lice pour le Trophée 813 du roman étranger de l’année 2021.
Bel été lisez !
François Braud
Rebonjour, pas encore lu mais je l'ai dans une de mes PAL. En revanche, j'ai adoré la trilogie du Baztan que je recommande. Bonne après-midi.
RépondreSupprimerRebonjour Dasola, merci du conseil, et bonne prochaine lecture.
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