J'ai beaucoup aimé
Titre : De l'or dans la nuit de Vienne
selon Klimt
Auteur : Alain VIRCONDELET
Editeur : Ateliers Henry Dougier
Année de parution : 2021
Pages : 121
Présentation de l'éditeur :
La toile aux dimensions inhabituelles sortait peu à peu de sa solitude
de lin. Klimt l'avait recouverte d'une ample couche d'or mat, au cuivré
profond, d'une densité puissante propre à accueillir le motif. Il se
souvenait des fonds des fresques de Ravenne et des coupoles de San
Marco et de Torcello, tous dorés eux aussi, aptes à recevoir. L'or comme
un ciel offert à toutes les promesses, disait-il. Car de lui naîtrait
l'objet même du tableau...
Le Baiser de Klimt est devenu le tableau de tous les records : le plus connu du XXe siècle, le plus admiré, le plus copié, le plus "marchandisé" ... Mais que sait-on de sa création ? Et surtout, quel sens Klimt a-t-il voulu donner à son chef-d'oeuvre ?
Le Baiser de Klimt est devenu le tableau de tous les records : le plus connu du XXe siècle, le plus admiré, le plus copié, le plus "marchandisé" ... Mais que sait-on de sa création ? Et surtout, quel sens Klimt a-t-il voulu donner à son chef-d'oeuvre ?
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Alain Vircondelet est universitaire, docteur en histoire de l’art et des
mentalités, écrivain et biographe de nombreuses figures de l’art, de la
littérature et de la spiritualité. Outre ses travaux de référence sur
Duras, Camus et Saint-Exupéry, on lui doit des ouvrages consacrés à
Séraphine de Senlis, Balthus, Picasso, Dora Maar, et plus récemment à
Toulouse-Lautrec, tous traduits en plusieurs langues.
Avis :
Les Ateliers Henry Dougier ont tout récemment inauguré une nouvelle collection, intitulée Le roman d’un chef d’oeuvre, dont le troisième titre s’intéresse au célèbre Baiser de Klimt. C’est Alain Vircondelet, commissaire d’expositions, auteur de biographies et de travaux majeurs sur la peinture, qui nous fait découvrir la genèse et le sens de ce tableau parmi les plus connus au monde.
Réalisation iconique de Klimt, sa Joconde, aime-t-on encore à dire…, le Baiser apparaît comme le chef-d’oeuvre du peintre :
Réalisation iconique de Klimt, sa Joconde, aime-t-on encore à dire…, le Baiser apparaît comme le chef-d’oeuvre du peintre :
Il fallait bien qu’un jour j’accède à la voute céleste, se dit Klimt, parachevant la toile fameuse. L’œuvre d’art est signe du ciel et il faut toute une vie de peinture pour atteindre à l’étoile. Après qu’on l’a accrochée au firmament, le peintre peut mourir ou se faire plaisir en peignant des fleurs ou des paysages, puisqu’il a atteint l’essentiel à quoi il a voué sa vie ».
Et s’il survécut une décennie à son acmé, il passa en effet, après le Baiser, à « des portraits de commande pour survivre mais aussi des tableaux de la nature...
Atteinte d’un firmament, le Baiser est en tout cas le fruit ultime de la période de créativité la plus active de Klimt, celle connue sous le nom de cycle d’or. Ebloui par les mosaïques byzantines et les coupoles de la basilique Saint-Marc à Venise, le peintre trouve rapidement dans le fond d’or de ses peintures le moyen d’exprimer toute la subversion qui l’anime. Dans une Vienne et un Empire vivant leurs derniers feux en ce début de vingtième siècle, alors qu’ors et fastes ne parviennent plus guère à masquer la gangrène, et que par ailleurs Klimt multiplie les aventures sexuelles tout en idolâtrant son éternel amour, chaste celui-là, pour Emilie Flöge, les faire ressortir sur un fond d’or revient à sacraliser ses sujets, à séparer leur beauté de la hideur ambiante, à tenter de les protéger de la fin d’un monde par l’éternité de l’or. Alors, lorsqu’il se représente, étreignant avec autant de dévotion que de tendresse, son si grand et si pur amour qu’il en échappe même aux vicissitudes de la chair, c’est toute la force de son idéal qu’il tente d’enchâsser et de sacraliser en le retenant au bord de la falaise…
La très belle plume d’Alain Vircondelet n’explique jamais en termes finis et définitifs. Elle propose et ouvre les hypothèses, laissant à la sensibilité du lecteur le soin de percevoir l’immensité du sens, celui que le peintre lui-même a longtemps cherché à tâtons, laissant son âme et son inconscient s’emparer de son œuvre pour la façonner peu à peu vers l’expression de son essentiel. Et c’est ce qui fait la force et l’intérêt de cette centaine de pages : converger petit à petit vers une compréhension du tableau, comme l’artiste lui-même a progressé lentement vers l’expression ultime de ce qui lui tenait le plus à coeur. (4/5)
Atteinte d’un firmament, le Baiser est en tout cas le fruit ultime de la période de créativité la plus active de Klimt, celle connue sous le nom de cycle d’or. Ebloui par les mosaïques byzantines et les coupoles de la basilique Saint-Marc à Venise, le peintre trouve rapidement dans le fond d’or de ses peintures le moyen d’exprimer toute la subversion qui l’anime. Dans une Vienne et un Empire vivant leurs derniers feux en ce début de vingtième siècle, alors qu’ors et fastes ne parviennent plus guère à masquer la gangrène, et que par ailleurs Klimt multiplie les aventures sexuelles tout en idolâtrant son éternel amour, chaste celui-là, pour Emilie Flöge, les faire ressortir sur un fond d’or revient à sacraliser ses sujets, à séparer leur beauté de la hideur ambiante, à tenter de les protéger de la fin d’un monde par l’éternité de l’or. Alors, lorsqu’il se représente, étreignant avec autant de dévotion que de tendresse, son si grand et si pur amour qu’il en échappe même aux vicissitudes de la chair, c’est toute la force de son idéal qu’il tente d’enchâsser et de sacraliser en le retenant au bord de la falaise…
La très belle plume d’Alain Vircondelet n’explique jamais en termes finis et définitifs. Elle propose et ouvre les hypothèses, laissant à la sensibilité du lecteur le soin de percevoir l’immensité du sens, celui que le peintre lui-même a longtemps cherché à tâtons, laissant son âme et son inconscient s’emparer de son œuvre pour la façonner peu à peu vers l’expression de son essentiel. Et c’est ce qui fait la force et l’intérêt de cette centaine de pages : converger petit à petit vers une compréhension du tableau, comme l’artiste lui-même a progressé lentement vers l’expression ultime de ce qui lui tenait le plus à coeur. (4/5)
Citations :
« Vous voyez, Josef, avait-il dit à son ami, soudain animé d’une grande fièvre, c’est cet enchâssement que je veux peindre dorénavant, cette laideur dans l’or éternel, ces hideurs dans l’éternité de l’or. Parce que Vienne est devenue cela et en même temps, sauver l’amour, les champs de fleurs, les arbres qui croulent sous leurs fruits, et la plainte amoureuse des femmes quand elles aiment, en les sertissant d’or, pour que tout reste dans cette beauté impeccable, séparé du reste du monde. »
Mais il n’y avait pas que l’or. Aussi la nacre et des pierres semi-précieuses dont il voulait se servir pour parer ses modèles. Ce qu’il aimait dans la technique des mosaïstes de Ravenne, c’étaient leurs fonds dorés qui faisaient ressortir le motif de façon presque surnaturelle. Il jaillissait ainsi de nulle autre part que de ces faisceaux de lumière, lui donnant une présence universelle. Le contexte spatial était ainsi évité et dans cet évincement seul le motif, ses femmes fatales par exemple, devenait un objet sacral.
Les critiques, les naïfs et les sots, les vaniteux et les nantis n’y verraient que de l’or comme on déclare qu’on n’y voit que du feu pour dire que l’on ne voit rien ! Ils ne percevraient pas la virulence de sa subversion, l’autre face de cet or dont la violence de l’éclat finit par éteindre toutes choses, jusqu’à l’aveuglement.
Il fallait bien qu’un jour j’accède à la voute céleste, se dit Klimt, parachevant la toile fameuse. L’œuvre d’art est signe du ciel et il faut toute une vie de peinture pour atteindre à l’étoile. Après qu’on l’a accrochée au firmament, le peintre peut mourir ou se faire plaisir en peignant des fleurs ou des paysages, puisqu’il a atteint l’essentiel à quoi il a voué sa vie.
L’art émerveille, prétendait-il. Il permet la rencontre entre celui qui voit le tableau et ce que celui-ci donne à voir. La rencontre et l’apparition : « Les seuls événements qui puissent m’occuper » confessait Klimt.
« L’art bénit et sauve » affirmait-il encore.
Et Le Baiser ne veut rien dire d’autre.
Mais il n’y avait pas que l’or. Aussi la nacre et des pierres semi-précieuses dont il voulait se servir pour parer ses modèles. Ce qu’il aimait dans la technique des mosaïstes de Ravenne, c’étaient leurs fonds dorés qui faisaient ressortir le motif de façon presque surnaturelle. Il jaillissait ainsi de nulle autre part que de ces faisceaux de lumière, lui donnant une présence universelle. Le contexte spatial était ainsi évité et dans cet évincement seul le motif, ses femmes fatales par exemple, devenait un objet sacral.
Les critiques, les naïfs et les sots, les vaniteux et les nantis n’y verraient que de l’or comme on déclare qu’on n’y voit que du feu pour dire que l’on ne voit rien ! Ils ne percevraient pas la virulence de sa subversion, l’autre face de cet or dont la violence de l’éclat finit par éteindre toutes choses, jusqu’à l’aveuglement.
Il fallait bien qu’un jour j’accède à la voute céleste, se dit Klimt, parachevant la toile fameuse. L’œuvre d’art est signe du ciel et il faut toute une vie de peinture pour atteindre à l’étoile. Après qu’on l’a accrochée au firmament, le peintre peut mourir ou se faire plaisir en peignant des fleurs ou des paysages, puisqu’il a atteint l’essentiel à quoi il a voué sa vie.
L’art émerveille, prétendait-il. Il permet la rencontre entre celui qui voit le tableau et ce que celui-ci donne à voir. La rencontre et l’apparition : « Les seuls événements qui puissent m’occuper » confessait Klimt.
« L’art bénit et sauve » affirmait-il encore.
Et Le Baiser ne veut rien dire d’autre.
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