mardi 8 juin 2021

[Josse, Gaëlle] Ce matin-là

 






J'ai beaucoup aimé

Titre : Ce matin-là

Auteur : Gaëlle JOSSE

Parution : Noir sur Blanc (2021)

Pages : 224






 

 

 

Présentation de l'éditeur : 

Un matin, tout lâche pour Clara, jeune femme compétente, efficace, investie dans la société de crédit qui l’emploie. Elle ne retournera pas travailler. Amis, amours, famille, collègues, tout se délite. Des semaines, des mois de solitude, de vide, s’ouvrent devant elle. Pour relancer le cours de sa vie, il lui faudra des ruptures, de l’amitié, et aussi remonter à la source vive de l’enfance.
Ce matin-là
, c’est une mosaïque qui se dévoile, l’histoire simple d’une vie qui a perdu son unité, son allant, son élan, et qui cherche comment être enfin à sa juste place. Qui ne s’est senti, un jour, tenté d’abandonner la course ? Une histoire minuscule et universelle, qui interroge chacun de nous sur nos choix, nos désirs, et sur la façon dont il nous faut parfois réinventer nos vies pour pouvoir continuer. 
Gaëlle Josse saisit ici avec la plus grande acuité de fragiles instants sur le fil de l’existence, au plus près des sensations et des émotions d’une vie qui pourrait aussi être la nôtre.


Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Venue à l’écriture par la poésie, Gaëlle Josse publie son premier roman Les Heures silencieuses en 2011 aux éditions Autrement, suivi de Nos vies désaccordées en 2012 et Noces de neige en 2013. Également parus en édition de poche, ces trois titres ont remporté plusieurs prix, dont le prix Alain-Fournier en 2013 pour Nos vies désaccordées. Ils sont étudiés dans de nombreux lycées et collèges, où Gaëlle Josse est régulièrement invitée à intervenir. Le roman Les Heures silencieuses a été traduit en plusieurs langues et Noces de neige fait l’objet d’un projet d’adaptation au cinéma.
Aux Éditions Notabilia/Noir sur Blanc, Gaëlle Josse a publié cinq romans : Le Dernier Gardien d’Ellis Island (2014), L’Ombre de nos nuits (2016), Une longue impatience (2018), Une femme en contre-jour (2019) et Ce matin-là (2021).
Gaëlle Josse est diplômée en droit, en journalisme et en psychologie clinique. Après quelques années passées en Nouvelle-Calédonie, elle travaille à Paris et vit en région parisienne. Elle anime, par ailleurs, des rencontres autour de l’écoute d’œuvres musicales et des ateliers d’écriture auprès d’adolescents et d’adultes. Elle a reçu le prix 2015 de littérature de l’Union européenne pour Le Dernier Gardien d’Ellis Island (Notabilia/Noir sur Blanc).


Avis :

Très investie dans son travail au sein d’une société de crédit, Clara, la trentaine, ne comprend pas ce qui lui arrive quand survient le burn-out. Du jour au lendemain incapable de poursuivre le cours de son existence, la jeune femme se retrouve durant des semaines, puis des mois, face au vide, alors que tout, subitement privé de sens, s’effrite autour d’elle. Seule son amie de toujours semble capable de lui prêter main forte...

Gaëlle Josse décrit avec la plus grande clarté la soudaine coupure d’électricité qui empêche soudain le corps de fonctionner, la brutale plongée dans un abîme où plus rien n’a de sens et où tout élan vital semble mort. L’entourage ne comprend pas, s’impatiente et se lasse. Entre médicaments, introspection et long tâtonnement dans une obscurité sans fond, il faut trouver seul la porte de sortie, l’étincelle qui permettra de se réinventer une vie. Peu à peu se dessine la trajectoire d’une vocation manquée, d’un enfermement progressif dans un emploi où la pression croissante rend bientôt insupportable un profond conflit de valeurs.

Si, indéniablement maîtrisé et superbement écrit, le récit rend parfaitement limpide le mécanisme du burn-out, l’on pourra néanmoins regretter un parti-pris narratif très optimiste et lumineux, comme si, soucieuse de ne pas trop plomber un texte construit sur une thématique si sombre et si difficile, l’auteur s’était à la fois gardée d’une trop forte charge émotionnelle et hâtée de regagner au plus vite la rive ensoleillée de l’existence. Intellectuellement séduit par la réflexion de l’écrivain, le lecteur comprend, mais sans la ressentir, une émotion trop prudemment tenue à distance, tandis qu’un certain scepticisme l’envahit quant à la rapidité et à l’évidence du nouveau choix de vie de Clara.

Après mon grand coup de coeur pour Une femme en contre-jour, ce livre intéressant et agréable, où l’on retrouve avec plaisir la jolie plume de l’écrivain, m’a relativement laissée sur ma faim. Si elle ne manque pas de charme, son histoire, un peu trop miraculeuse pour convaincre totalement, reste aussi trop sagement à la lisière de l’émotion pour laisser entrevoir la véritable profondeur du gouffre de la dépression. (4/5)


Citations :

Que faire des jours, que faire du temps, de ces journées qui s’étirent, sans saveur et sans parfum ? Le temps naguère si tendu, si segmenté, est devenu un bloc mou, une matière poisseuse qu’il faut grignoter, éroder minute par minute, dans un parcours aux contours indistincts, sans repères, sans angles, sans prises, un continuum grisâtre qui s’autodévore dans une lenteur infinie.

Elle regarde s’écouler des jours gris de ciment, mats, rugueux, que nulle consolation ne peut adoucir. La tenaille au ventre et l’envie de s’asseoir sur le trottoir d’à côté. Son regard erre sans se fixer, et elle ne parvient plus à entrer dans la ronde, à dire les mots du quotidien, les mots prudents, comme des passerelles tendues au-dessus des rapides. Cette impression d’avoir perdu le lieu, l’axe, le repère, la maison intérieure, de n’être qu’une plume, une feuille malmenée par le vent.

Clara entre dans la librairie, celle au bout de sa rue, où elle s’arrête rarement. Un polar, parfois. Elle retourne quelques livres sur les tables, un peu au hasard des titres, des couvertures, comme si elle attendait d’être aimantée au contact de l’un d’entre eux, et que celui-ci la prenne dans ses bras lorsqu’elle l’ouvrirait. Elle avance dans une canopée pleine de mystères, pleine d’inconnu, d’insaisissable, pleine de vies qu’elle voudrait connaître.



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