J'ai beaucoup aimé
Titre : La maison des Hollandais
(The Dutch House)
Auteur : Ann PATCHETT
Traductrice : Hélène FRAPPAT
Parution : 2019 en anglais (Etats-Unis),
2021 en français (Actes Sud)
Pages : 320
Présentation de l'éditeur :
Danny Conroy grandit dans une somptueuse demeure en banlieue de
Philadelphie. Malgré un père distant et une mère partie sans laisser
d’adresse, il peut compter sur l’affection de sa sœur adorée, Maeve,
l’intelligence et la drôlerie incarnées. Unis par un amour indéfectible,
ils vivent sous l’œil attentif des “Hollandais”, les premiers
propriétaires de la maison, figés dans les cadres de leurs portraits à
l’huile.
Jusqu’au jour où leur père leur présente Andrea, une femme plus intéressée par le faste de la bâtisse que par l’homme qui la possède. Ils ne le savent pas encore, mais pour Maeve et Danny c’est le début de la fin. Et une fois adultes, ils n’auront de cesse de revenir devant la Maison des Hollandais se heurter aux vitres d’un passé douloureux.
À travers le destin de ces deux quasi-orphelins, Ann Patchett tisse un roman subtil et pénétrant sur les liens filiaux et les lieux de l’enfance – qui tous nous hantent.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Ann Patchett vit à Nashville, dans le Tennesse. Elle est l'auteur de plusieurs romans, dont Bel Canto (Rivages, 2002), qui lui a valu le PEN/Faulkner Award, Dans la course (Jacqueline Chambon, 2010), Anatomie de la stupeur (Jacqueline Chambon, 2014 ; Babel n°1590) et Orange amère
(Actes Sud, 2019 ; Babel n°1724). En 2011, elle a ouvert une
librairie à Nashville – Parnassus Books – après que la dernière enseigne
de la ville a fermé, pour ne pas vivre dans une ville sans librairie.
Avis :
Sans nouvelles de leur mère partie quand ils étaient très jeunes, Danny et Maeve Conroy grandissent entre un père distant, des employés de maison dévoués, et les portraits des Hollandais, les anciens propriétaires de leur somptueuse demeure de la banlieue de Philadelphie. Leur vie bascule quand y entre Andrea, bientôt leur belle-mère, en vérité bien plus intéressée par la magnificence de l’édifice que par ses habitants. Devenus adultes, le frère et la sœur reviendront régulièrement rôder autour de leur ancienne maison, théâtre de leur passé, si douloureux qu’il ne cesse de les hanter.
Imposante construction héritée des années vingt dont on imaginera le faste en pensant à Gatsby le Magnifique, la maison des Hollandais est le point focal du roman. A l’exception de la mère, tournée vers une autre quête, tous les personnages en font, jusqu’à l’obsession, le réceptacle de leurs désirs et de leurs fantasmes, au point qu’elle en finit par prendre des airs d’allégorie d’un bonheur éternellement inaccessible. Enviée par les ambitieux qui rêvent de la posséder, regrettée par les orphelins qui l’ont perdue en même temps que l’affection d’une famille, elle s’avère en tous les cas un mirage et une trompeuse coquille vide, incapable de combler les béances intérieures de ses habitants. Lorsque sera passé le temps de l’orgueil et de l’ivresse de la possession pour les uns, celui de l’éternel ressassement du manque et de la perte pour les autres, restera le tardif et cruel constat de vies enfuies, passées à courir derrière des chimères.
Placé sous les auspices de la rancune et de la frustration, ce roman désenchanté illustre l’accumulation des malentendus et des incompréhensions, venue gâcher la vie d’êtres qui auraient dû s’aimer. La narration prend le temps de camper avec soin ses personnages, suivis sur cinq décennies. Leur portrait crédible s’avère d’une remarquable acuité. Et c’est étreint d’une douce tristesse que l’on achève cette lecture si juste et si fine, portée par une plume agréable, fluide et précise. (4/5)
Imposante construction héritée des années vingt dont on imaginera le faste en pensant à Gatsby le Magnifique, la maison des Hollandais est le point focal du roman. A l’exception de la mère, tournée vers une autre quête, tous les personnages en font, jusqu’à l’obsession, le réceptacle de leurs désirs et de leurs fantasmes, au point qu’elle en finit par prendre des airs d’allégorie d’un bonheur éternellement inaccessible. Enviée par les ambitieux qui rêvent de la posséder, regrettée par les orphelins qui l’ont perdue en même temps que l’affection d’une famille, elle s’avère en tous les cas un mirage et une trompeuse coquille vide, incapable de combler les béances intérieures de ses habitants. Lorsque sera passé le temps de l’orgueil et de l’ivresse de la possession pour les uns, celui de l’éternel ressassement du manque et de la perte pour les autres, restera le tardif et cruel constat de vies enfuies, passées à courir derrière des chimères.
Placé sous les auspices de la rancune et de la frustration, ce roman désenchanté illustre l’accumulation des malentendus et des incompréhensions, venue gâcher la vie d’êtres qui auraient dû s’aimer. La narration prend le temps de camper avec soin ses personnages, suivis sur cinq décennies. Leur portrait crédible s’avère d’une remarquable acuité. Et c’est étreint d’une douce tristesse que l’on achève cette lecture si juste et si fine, portée par une plume agréable, fluide et précise. (4/5)
Citations :
“Je considère le passé objectivement”, a dit Maeve. Elle contemplait les arbres.
“Mais on superpose le présent au passé. On regarde en arrière à travers le prisme de ce qu’on sait aujourd’hui, si bien qu’on ne considère pas le passé du point de vue de celui qu’on était, mais de celui qu’on est, ce qui veut dire que le passé a été radicalement modifié.”
Il y a peu d’occasions dans la vie où il arrive qu’on fasse un bond, et que le passé qui avait été notre socle s’écroule, tandis que l’avenir sur lequel on voudrait atterrir n’est pas encore en place. Pendant un moment on demeure suspendu, sans rien connaître, ni personne, pas même soi.
Toutes les injustices que Maeve et Celeste avaient pu commettre l’une envers l’autre des années auparavant étaient devenues des abstractions. Elles s’étaient désormais habituées à leur détestation réciproque. Je ne pouvais pas m’empêcher de penser que si ces deux femmes s’étaient rencontrées en dehors de moi, elles se seraient beaucoup appréciées, ce qui avait d’ailleurs été le cas au début. Elles étaient intelligentes, et drôles, et férocement loyales, ma sœur et ma femme. Elles mettaient leur amour pour moi au-dessus de tout, sans jamais reconnaître la souffrance que je ressentais à les voir s’entredéchirer. À mes yeux, elles étaient toutes les deux responsables. Elles auraient pu arrêter. Elles auraient pu faire le choix de mettre leur rancune de côté. Mais non. Elles s’accrochaient à leur amertume, autant l’une que l’autre.
“Mais on superpose le présent au passé. On regarde en arrière à travers le prisme de ce qu’on sait aujourd’hui, si bien qu’on ne considère pas le passé du point de vue de celui qu’on était, mais de celui qu’on est, ce qui veut dire que le passé a été radicalement modifié.”
Il y a peu d’occasions dans la vie où il arrive qu’on fasse un bond, et que le passé qui avait été notre socle s’écroule, tandis que l’avenir sur lequel on voudrait atterrir n’est pas encore en place. Pendant un moment on demeure suspendu, sans rien connaître, ni personne, pas même soi.
Toutes les injustices que Maeve et Celeste avaient pu commettre l’une envers l’autre des années auparavant étaient devenues des abstractions. Elles s’étaient désormais habituées à leur détestation réciproque. Je ne pouvais pas m’empêcher de penser que si ces deux femmes s’étaient rencontrées en dehors de moi, elles se seraient beaucoup appréciées, ce qui avait d’ailleurs été le cas au début. Elles étaient intelligentes, et drôles, et férocement loyales, ma sœur et ma femme. Elles mettaient leur amour pour moi au-dessus de tout, sans jamais reconnaître la souffrance que je ressentais à les voir s’entredéchirer. À mes yeux, elles étaient toutes les deux responsables. Elles auraient pu arrêter. Elles auraient pu faire le choix de mettre leur rancune de côté. Mais non. Elles s’accrochaient à leur amertume, autant l’une que l’autre.
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