Coup de coeur 💓
Titre : Arrête avec tes mensonges
Auteur : Philippe BESSON
Editeur : Julliard, puis Pocket
Année de parution : 2017 et 2020
Pages : 194
Présentation de l'éditeur :
« Quand j'étais enfant, ma mère ne cessait de me
répéter : " Arrête avec tes mensonges. " J’inventais si bien les
histoires, paraît-il, qu’elle ne savait plus démêler le vrai du faux.
J’ai fini par en faire un métier, je suis devenu romancier. Aujourd’hui,
voilà que j’obéis enfin à ma mère : je dis la vérité. Pour la première
fois. Dans ce livre. Autant prévenir d’emblée : pas de règlement de
comptes, pas de violence, pas de névrose familiale. Mais un amour, quand
même. Un amour immense et tenu secret.
Qui a fini par me rattraper. »
Qui a fini par me rattraper. »
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Philippe Besson est un écrivain, scénariste et dramaturge. En l'absence des hommes,
son premier roman, publié en 2001, est couronné par le Prix
Emmanuel-Roblès. Depuis lors, il construit une œuvre au style à la fois
sobre et raffiné. Il est l’auteur, entre autres, de Son frère, adapté au cinéma par Patrice Chéreau, L'Arrière-saison (Grand Prix RTL-Lire), Un garçon d’Italie et La Maison Atlantique. En 2017, il publie Arrête avec tes mensonges, vendu à plus de 120 000 exemplaires, couronné par le Prix des Maisons de la Presse et Un personnage de roman, portrait intime d’Emmanuel Macron, alors engagé dans la campagne présidentielle. Il revient à l'autofiction en 2019 avec Un certain Paul Darrigrand puis Dîner à Montréal. Ses romans sont traduits dans vingt langues.
Un tango en bord de mer, sa première pièce en tant que dramaturge, a été jouée à Paris près de 200 fois en 2014 et 2015 au Théâtre du Petit Montparnasse.
Il a également multiplié les collaborations avec le milieu du cinéma et de la télévision, ayant notamment écrit le scénario de Mourir d'aimer (2009), interprété par Muriel Robin, de La Mauvaise rencontre (2010) avec Jeanne Moreau, du Raspoutine interprété par Gérard Depardieu, et de Nos retrouvailles (2012) avec Fanny Ardant et Charles Berling.
Un tango en bord de mer, sa première pièce en tant que dramaturge, a été jouée à Paris près de 200 fois en 2014 et 2015 au Théâtre du Petit Montparnasse.
Il a également multiplié les collaborations avec le milieu du cinéma et de la télévision, ayant notamment écrit le scénario de Mourir d'aimer (2009), interprété par Muriel Robin, de La Mauvaise rencontre (2010) avec Jeanne Moreau, du Raspoutine interprété par Gérard Depardieu, et de Nos retrouvailles (2012) avec Fanny Ardant et Charles Berling.
Avis :
En 2007, de passage dans sa région natale, l’auteur croit reconnaître une silhouette et c’est une vague d’émotion qui aussitôt le submerge. Vingt trois ans plus tôt, le lycéen qu’il était vivait son premier amour : six mois d’une relation cachée avec un garçon de son âge, Thomas, perdu de vue depuis, chacun ayant suivi un parcours aux antipodes l’un de l’autre. Pendant que Philippe se lançait dans les études supérieures et une carrière qui allait lui faire parcourir le monde, Thomas s’employait dans une ferme en Espagne…
Entrer dans ce récit autobiographique, c’est se sentir aussitôt happé par son habileté narrative, le rythme de ses phrases courtes, la justesse et la sincérité de son ton. D’abord transformé en point d’interrogation par la brève et intrigante introduction, le lecteur - en particulier celui de la même génération que l’auteur -, se retrouve bientôt rajeuni de trois décennies, par un retour dans les années quatre-vingts au goût de petite madeleine. Pour le narrateur, cette période resurgit avec d’autant plus d’émotion qu’elle fut le théâtre de sa première relation amoureuse, inespérée, absolue et capitale, notamment parce qu’elle le projetait soudain dans la réalité d’une homosexualité jusqu’ici timidement reléguée au plus secret de lui-même.
Très vite le coeur de la narration se resserre autour du secret exigé par Thomas, pointant d’emblée la souffrance de l’amour clandestin, puis, bientôt, dans ce qui prend peu à peu les allures d’une poignante tragédie, l’incommensurable gâchis d’une vie sacrifiée aux apparences. Car, l’écrivain qui, lui, assume aujourd’hui pleinement son identité gay et milite pour les droits des couples homosexuels, va réaliser combien, pour son amour de jeunesse enlisé dans la peur du rejet et le refus de soi-même, la vie a pu se révéler atrocement douloureuse et compliquée. Sobrement relatée, cette histoire authentique et doucement mélancolique finit par vous prendre à la gorge, tant par le drame qu’elle dévoile que par l’émotion contenue de son narrateur.
Entrer dans ce récit autobiographique, c’est se sentir aussitôt happé par son habileté narrative, le rythme de ses phrases courtes, la justesse et la sincérité de son ton. D’abord transformé en point d’interrogation par la brève et intrigante introduction, le lecteur - en particulier celui de la même génération que l’auteur -, se retrouve bientôt rajeuni de trois décennies, par un retour dans les années quatre-vingts au goût de petite madeleine. Pour le narrateur, cette période resurgit avec d’autant plus d’émotion qu’elle fut le théâtre de sa première relation amoureuse, inespérée, absolue et capitale, notamment parce qu’elle le projetait soudain dans la réalité d’une homosexualité jusqu’ici timidement reléguée au plus secret de lui-même.
Très vite le coeur de la narration se resserre autour du secret exigé par Thomas, pointant d’emblée la souffrance de l’amour clandestin, puis, bientôt, dans ce qui prend peu à peu les allures d’une poignante tragédie, l’incommensurable gâchis d’une vie sacrifiée aux apparences. Car, l’écrivain qui, lui, assume aujourd’hui pleinement son identité gay et milite pour les droits des couples homosexuels, va réaliser combien, pour son amour de jeunesse enlisé dans la peur du rejet et le refus de soi-même, la vie a pu se révéler atrocement douloureuse et compliquée. Sobrement relatée, cette histoire authentique et doucement mélancolique finit par vous prendre à la gorge, tant par le drame qu’elle dévoile que par l’émotion contenue de son narrateur.
Juste et poignant, ce roman magnifique dans la sobriété et la sincérité de son émotion est à la fois un bouleversant plaidoyer pour le droit à être soi-même, et une courageuse mise à nu qui explique la récurrence de certains thèmes dans l’oeuvre de Philippe Besson : la perte, le manque, l’abandon, la difficulté d’être soi. Coup de coeur. (5/5)
Citations :
Plus tard, j'écrirai sur le manque. Sur la privation insupportable de l'autre. Sur le dénuement provoqué par cette privation ; une pauvreté qui s'abat. J'écrirai sur la tristesse qui ronge, la folie qui menace. Cela deviendra la matrice de mes livres, presque malgré moi. Je me demande quelquefois si j'ai même jamais écrit sur autre chose. Comme si je ne m'étais jamais remis de ça : l'autre devenu inaccessible. Comme si ça occupait tout l'espace mental.
Je découvre que l'absence a une consistance. Peut-être celle des eaux sombres d'un fleuve, on jurerait du pétrole, en tout cas un liquide gluant, qui salit, dans lequel on se débattrait, on se noierait. Ou alors une épaisseur, celle de la nuit, un espace indéfini, où l'on ne possède pas de repères, où l'on pourrait se cogner, où l'on cherche une lumière, simplement une lueur, quelque chose à quoi se raccrocher, quelque chose pour nous guider. Mais l'absence, c'est d'abord, évidemment, le silence, ce silence enveloppant, qui appuie sur les épaules, dans lequel on sursaute dès que se fait entendre un bruit imprévu, non identifiable, ou la rumeur du dehors.
Une fois devenu romancier, j'écrirai sur des lieux où je ne me suis jamais rendu, des lieux dont j'aurai simplement lu le nom sur une carte, dont j'aurai aimé la seule sonorité. Un instant d'abandon, par exemple, se passe à Falmouth, dans la Cornouaille britannique, où je n'ai jamais mis les pieds. Les gens qui l'ont lu ont pourtant été persuadés que je connaissais l'endroit comme ma poche. Certains ont même été jusqu'à prétendre que la ville était exactement telle que je l'ai décrite, que c'était saisissant, une telle exactitude. À ceux-là, en général, j'explique que la vraisemblance importe plus que la vérité, que la justesse compte davantage que l'exactitude et surtout qu'un lieu, ce n'est pas une topographie mais la manière dont on le raconte, pas une photographie mais une sensation, une impression.
On ne se défait jamais de son enfance. Surtout quand elle a été heureuse.
Je découvre que l'absence a une consistance. Peut-être celle des eaux sombres d'un fleuve, on jurerait du pétrole, en tout cas un liquide gluant, qui salit, dans lequel on se débattrait, on se noierait. Ou alors une épaisseur, celle de la nuit, un espace indéfini, où l'on ne possède pas de repères, où l'on pourrait se cogner, où l'on cherche une lumière, simplement une lueur, quelque chose à quoi se raccrocher, quelque chose pour nous guider. Mais l'absence, c'est d'abord, évidemment, le silence, ce silence enveloppant, qui appuie sur les épaules, dans lequel on sursaute dès que se fait entendre un bruit imprévu, non identifiable, ou la rumeur du dehors.
Une fois devenu romancier, j'écrirai sur des lieux où je ne me suis jamais rendu, des lieux dont j'aurai simplement lu le nom sur une carte, dont j'aurai aimé la seule sonorité. Un instant d'abandon, par exemple, se passe à Falmouth, dans la Cornouaille britannique, où je n'ai jamais mis les pieds. Les gens qui l'ont lu ont pourtant été persuadés que je connaissais l'endroit comme ma poche. Certains ont même été jusqu'à prétendre que la ville était exactement telle que je l'ai décrite, que c'était saisissant, une telle exactitude. À ceux-là, en général, j'explique que la vraisemblance importe plus que la vérité, que la justesse compte davantage que l'exactitude et surtout qu'un lieu, ce n'est pas une topographie mais la manière dont on le raconte, pas une photographie mais une sensation, une impression.
On ne se défait jamais de son enfance. Surtout quand elle a été heureuse.
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