vendredi 27 décembre 2024

[Offutt, Chris] Les fils de Shifty

 



 

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Titre : Les fils de Shifty (Shifty's Boys)

Auteur : Chris OFFUTT

Traduction : Anatole PONS-REUMAUX

Parution : en anglais (Etats-Unis) en 2022
                  en français en 2024 (Gallmeister)

Pages : 288

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Mick Hardin se remet d’une blessure de guerre chez sa sœur Linda, shérif de Rocksalt dans le Kentucky, lorsque le cadavre d’un dealer local est découvert. Il s’agit de l’un des fils de Shifty Kissick, une veuve que Mick connaît depuis longtemps. La police refusant d’enquêter, Shifty demande à Mick de découvrir le coupable. Se débattant entre un divorce difficile et son addiction aux antidouleurs, ce dernier commence à fouiner dans les collines, avec la ferme consigne de ne pas gêner la réélection de sa sœur. Il comprend vite que le meurtre a été mis en scène, et bientôt un deuxième fils de Shifty est abattu. Pourquoi le sort s’acharne-t-il ainsi sur la famille Kissick ? Le temps presse et Mick le sait, car dans cette communauté basée sur un code moral intransigeant, la violence appelle la violence.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Chris Offutt naît en 1958 et grandit dans le Kentucky, sur les contreforts des Appalaches, au sein d'une ancienne communauté minière. Il est issu d’une famille d'ouvriers. Une fois son diplôme en poche, il entreprend un voyage en stop à travers les États-Unis et exerce différents métiers pour vivre.
En 1992, il publie un premier recueil de nouvelles, Kentucky Straight, qui est encensé par Jim Harrison, James Salter et Larry Brown. Cet ouvrage est suivi en 1997 par Le bon frère, son premier roman.
Pendant les vingt années suivantes, Chris Offut délaisse la littérature pour le cinéma. Il travaille à Hollywood, où il est scénariste de plusieurs séries télévisées, parmi lesquelles True Blood et Weeds. Il revient au roman avec Nuits Appalaches, lauréat du Prix Mystère de la critique et du Grand Prix du Roman Noir Étranger du festival de Beaune 2020. Son roman suivant Les gens des collines, reçoit le prix Marianne - Un aller-retour dans le Noir. Il est également l'auteur de chroniques parues dans de nombreuses revues et journaux, dont le New York Times et Esquire.
Il vit aujourd'hui dans le Mississippi sur une vaste propriété isolée, et partage son temps entre l'enseignement, l'écriture et le jardinage.

 

Avis :

C’est un coin d’Amérique profonde, une région rurale et plutôt déshéritée, mais qui, au coeur de ses collines des contreforts des Appalaches, abrite une nature généreuse et sauvage, à l’écart du monde et de son tapage. L’on y vit encore selon des codes ancestraux prônant l’ardeur au travail et l’honneur du sang, prêt à se défendre bec et ongle contre ce qui viendrait troubler un ordre depuis longtemps figé. Hommes taiseux et femmes teigneuses ne craignant rien ni personne, tous dans la petite localité de Rocksalt se connaissent ainsi de près ou de loin malgré leur distance bourrue et n’hésiteront pas à se prêter main forte face à l’étranger malveillant.

C’est là qu’en convalescence après une blessure de guerre, l’enquêteur militaire Mick Hardin, déjà protagoniste des Gens des collines, le précédent et premier tome de ce qui sera à terme une trilogie policière, est revenu cohabiter avec les fantômes de son enfance autant qu’avec sa sœur, première femme shérif du comté en pleine campagne pour sa réélection. Alors qu’il se morfond, abusant un peu trop des antidouleurs sans pouvoir se résoudre à signer les papiers de son divorce, Shifty Kissick, une veuve âgée qui le renvoie au souvenir du grand-père qui l’a élevé, lui l’orphelin, dans sa cabane au milieu des bois, lui demande d’enquêter sur la mort de son fils, un dealer sans envergure que la police a déjà classé aux pertes et profits des règlements de comptes entre rivaux.

Ses vieux réflexes militaires aussitôt réveillés pour le bien de « ceux qui n’ont pas encore été tués », voilà notre homme embarqué dans les péripéties musclées d’une affaire aux ramifications inattendues, susceptibles de l’entraîner, selon la vieille loi locale de l’honneur et du sang, dans un exercice d’auto-justice au prix exorbitant. Rondement menée dans un suspense sans faille, l’action laisse les pages se tourner d’elles-mêmes. Mais si, comme à la fin de toute intrigue policière, les coupables trouvent leur châtiment, ce n’est ici, dans une mélancolie déchirée entre l’attachement viscéral à la beauté paisible des lieux et la violence employée pour la défendre, que pour mieux souligner l’insoluble tragédie d’un homme rattrapé malgré lui par les atavismes culturels qu’il s’était évertués à fuir au loin.

Comme à son habitude, Chris Offutt signe avec ce dernier ouvrage bien plus qu’un polar addictif et enlevé. Peinture de l’Amérique rurale du Kentucky comme figée dans un autre temps, sa prose est aussi une réflexion mélancolique et fervente sur ce qui nous pousse, malgré la douleur, à rompre avec nos attachements et nos racines, à envisager l’avenir plutôt que le passé. (4/5)

 

Citations :

Jadis un solide gaillard, Oncle Billy n’était plus qu’un pâle sac d’os sous les couvertures. Sa respiration était laborieuse et s’achevait souvent par une toux prolongée qui effrayait Johnny Boy, comme si son oncle pouvait éjecter une partie de ses poumons abîmés. Il avait travaillé dans une mine de charbon pendant vingt ans mais n’avait pas droit aux allocations fédérales pour l’anthracose. Une nouvelle loi faisait du Kentucky le seul État empêchant les spécialistes d’étudier les radios de poumons endommagés. 


Dans l’avion, son regard se perdit à travers le hublot et il tenta de focaliser ses pensées. Il avait arrêté le rejet de déchets toxiques. Il avait guéri sa jambe, posté des pancartes pour sa sœur et découvert qui avait tué les frères Kissick. Il avait rendu Peggy heureuse en divorçant. Il avait débarrassé Shifty des menaces de Charley Flowers et aidé Jaybird à se sortir du pétrin au Dollar General. La liste était trop courte pour tout le sang versé entretemps. Douze morts, et il était là à se vanter de petites choses. Il se demanda combien de gens essayaient de se convaincre que le meurtre était acceptable au nom d’un Bien supérieur. Il n’était pas dupe. Le Bien supérieur n’existait pas, sinon en tant qu’excuse.


Il n’était jamais aussi à l’aise qu’à l’étranger, où il était parfaitement normal d’être différent.

 

 

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