Coup de coeur 💓
Titre : Amiante
Auteur : Sébastien DULUDE
Parution : 2024 (La peuplade)
Pages : 224
Présentation de l'éditeur :
Thetford Mines, ville phare de l’industrie de l’amiante québécoise,
été 1986. Steve Dubois, neuf ans, et le petit Poulin, dix ans,
s’abandonnent aux plaisirs de l’amitié. La belle saison est rythmée
d’aventures sur les hauts terrils et d’évasions à travers les paysages
mi-forestiers mi-lunaires. Les journées des deux inséparables s’écoulent
dans l’oisiveté et l’innocence, sur leurs vélos ou allongés dans leur
cabane parmi les pins. Or, l’année 1986 est riche en tragédies, et l’une
d’entre elles affecte le cours de la vie de Steve comme nulle autre.
Cinq ans plus tard, on le retrouve en proie à son obsession :
reconstituer son paradis évanoui.
Maniant une langue précise et sensuelle, Sébastien Dulude fait le
récit d’une jeunesse fragile et inflammable dans un American Dream
ouvrier en perte d’élan.
La mine, c’est la violence sur certains parents, puis la violence sur certains enfants ; la mine, c’est l’isolement des enfants, et l’isolement, c’est l’ennui, et l’ennui, c’est la violence qui m’a enlevé mon ami.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Avis :
Alors encore capitale mondiale de l’amiante, Thetford Mines a vu grandir le poète et éditeur québécois Sébastien Dulude. Son premier roman Amiante raconte la tendresse de l’enfance comme une bulle merveilleuse et précaire dans un monde abrasif voué inévitablement à la faire éclater.
L’amiante du titre est en ces pages partout et nulle part. Partout parce que c’est elle qui modèle le paysage en un désert lunaire, comme recraché par un volcan. Et nulle part parce que, présence sournoise ourdissant longuement ses coups, elle inquiète d’emblée davantage le lecteur que les personnages, jetant sur le récit la prescience d’une catastrophe en complet contraste avec la fragile innocence des huit ans de Steve Dubois, le narrateur.
Dans cette ville minière, impossible donc d’échapper à la présence de l’amiante. De ses montagnes de résidus empoisonnés percées d’abrupts cratères s’échappe au moindre souffle d’air une poussière grise, opaque et collante, aussi invasive que le grondement sourd des explosions qui rythment le quotidien. Ces coups de canon et l’humeur brutale d’un père harassé, mal payé et inquiet des rumeurs de fermeture, sont avec ces crassiers interdits – terrain de jeux d’autant plus attirant pour les jeunes garçons du coin – à peu près tout ce qui émerge d’un monde dont Steve n’a pas encore pris la mesure de ses implacables cruautés.
Fort symboliquement, ce sera donc encore l’amiante qui, au mitan du livre, sous la forme d’une photographie en double page montrant une vue aérienne de l’immense mine à ciel ouvert, marquera la transition entre les deux versants de l’histoire. Mais d’abord, place à l’insouciance et au bonheur, avec le feu clair et joyeux d’une amitié d’autant plus lumineuse qu’elle fleurit à contre-pied de la solitude et de la crainte. Echappant à une violence paternelle quasi intériorisée comme ordinaire et laissée sans contrepoids par une absence maternelle que lui ne devine pas dépressive, Steve vit avec son indéfectible ami Charlélie, dit « Petit Poulin », un été de liberté fait de courses en BMX à travers les « dompes » interdites, d’orgies de gommes aux cerises et de passion pour les albums de Tintin lus de concert à l’abri de leur cabane-refuge dans un grand pin. Seule intrusion du monde extérieur dans leur bulle de rêve, ils collectionnent, comme d’autres les vignettes autocollantes, les articles consacrés à des catastrophes, pour eux encore fascinantes d’irréalité. Jusqu’à ce jour où le drame frappe dans la vie réelle.
L’illustration médiane franchie et avec elle cinq ans de la vie de Steve, la narration reprend depuis le rivage de l’adolescence, dans un mûrissement où nostalgie et culpabilité se mêlent. Avec la sortie de l’éden viennent la capacité à mettre des mots sur le vécu, tandis qu’à l’amitié perdue succèdent les timides vibrations de l’amour. Mais rien ne viendra jamais effacer le temps perdu du bonheur innocemment partagé, qu’avec une poésie sans pareille, magnifique de simplicité tendre, l’écrivain déroule depuis les profondeurs, en partie autobiographiques, d’une jeunesse faite de solitude, entre euphorie et douleur.
Un roman éblouissant touchant à l’universel, où bien plus qu’un minéral toxique, l’amiante se fait le symbole de la dure réalité du monde, celle qui s’impose à nous lorsque l’enfance commence à s’effriter sur l’adolescence. Coup de coeur. (5/5)
L’amiante du titre est en ces pages partout et nulle part. Partout parce que c’est elle qui modèle le paysage en un désert lunaire, comme recraché par un volcan. Et nulle part parce que, présence sournoise ourdissant longuement ses coups, elle inquiète d’emblée davantage le lecteur que les personnages, jetant sur le récit la prescience d’une catastrophe en complet contraste avec la fragile innocence des huit ans de Steve Dubois, le narrateur.
Dans cette ville minière, impossible donc d’échapper à la présence de l’amiante. De ses montagnes de résidus empoisonnés percées d’abrupts cratères s’échappe au moindre souffle d’air une poussière grise, opaque et collante, aussi invasive que le grondement sourd des explosions qui rythment le quotidien. Ces coups de canon et l’humeur brutale d’un père harassé, mal payé et inquiet des rumeurs de fermeture, sont avec ces crassiers interdits – terrain de jeux d’autant plus attirant pour les jeunes garçons du coin – à peu près tout ce qui émerge d’un monde dont Steve n’a pas encore pris la mesure de ses implacables cruautés.
Fort symboliquement, ce sera donc encore l’amiante qui, au mitan du livre, sous la forme d’une photographie en double page montrant une vue aérienne de l’immense mine à ciel ouvert, marquera la transition entre les deux versants de l’histoire. Mais d’abord, place à l’insouciance et au bonheur, avec le feu clair et joyeux d’une amitié d’autant plus lumineuse qu’elle fleurit à contre-pied de la solitude et de la crainte. Echappant à une violence paternelle quasi intériorisée comme ordinaire et laissée sans contrepoids par une absence maternelle que lui ne devine pas dépressive, Steve vit avec son indéfectible ami Charlélie, dit « Petit Poulin », un été de liberté fait de courses en BMX à travers les « dompes » interdites, d’orgies de gommes aux cerises et de passion pour les albums de Tintin lus de concert à l’abri de leur cabane-refuge dans un grand pin. Seule intrusion du monde extérieur dans leur bulle de rêve, ils collectionnent, comme d’autres les vignettes autocollantes, les articles consacrés à des catastrophes, pour eux encore fascinantes d’irréalité. Jusqu’à ce jour où le drame frappe dans la vie réelle.
L’illustration médiane franchie et avec elle cinq ans de la vie de Steve, la narration reprend depuis le rivage de l’adolescence, dans un mûrissement où nostalgie et culpabilité se mêlent. Avec la sortie de l’éden viennent la capacité à mettre des mots sur le vécu, tandis qu’à l’amitié perdue succèdent les timides vibrations de l’amour. Mais rien ne viendra jamais effacer le temps perdu du bonheur innocemment partagé, qu’avec une poésie sans pareille, magnifique de simplicité tendre, l’écrivain déroule depuis les profondeurs, en partie autobiographiques, d’une jeunesse faite de solitude, entre euphorie et douleur.
Un roman éblouissant touchant à l’universel, où bien plus qu’un minéral toxique, l’amiante se fait le symbole de la dure réalité du monde, celle qui s’impose à nous lorsque l’enfance commence à s’effriter sur l’adolescence. Coup de coeur. (5/5)
Citation :
La poussière fibreuse de la ville d'amiante se soulevait sous nos pas et se fichait en une pellicule grise et crayeuse contre notre sueur. Nos mollets étaient couverts de ce talc qu'on dit cancérigène - pays de l'or blanc.
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