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Titre : Terres promises
Auteur : Bénédicte DUPRE LA TOUR
Parution : 2024 (Panseur)
Pages : 320
Présentation de l'éditeur :
Entendez dans ce roman choral les voix oubliées de la conquête de l’Ouest : Eleanor, la prostituée qui attend l’heure de se faire justice ; Kinta, l’indigène qui s’émancipe de sa tribu ; Morgan, l’orpailleur fou défendant sa concession au péril de sa vie. Par delà les montagnes, arpentez les champs de bataille avec Mary ; suivez la traque de Bloody Horse, et rêvez de la liberté sauvage avec Rebecca. Parmi les colons et les exilés, vous croiserez sûrement la route du Déserteur, et une fois imprégnés de la véritable histoire de l’Ouest, le Bonimenteur vous apportera votre consolation contre quelques pièces.
À travers une fresque puissante et
tragique, Bénédicte Dupré la Tour nous offre un premier roman où
s’entrechoquent des vies minuscules emportées par le mouvement furieux des ruées vers l’or. Tour à tour, les histoires se croisent, s’enchâssent et se
démultiplient en constituant une mosaïque brillamment construite et
dévoilant par couches successives la part de mystère et d’ombre en
chacun des personnages. Avec Terres Promises, Bénédicte Dupré la Tour nous montre la cicatrice que portent encore les corps, l’Histoire et la face du monde.
Un mot sur l'auteur :
Avis :
Echappée de l’univers de la bande dessinée pour une première incursion en littérature, Bénédicte Dupré La Tour propose une vision désenchantée de ce qui ressemble à la Conquête de l’Ouest dans un roman choral où le sang le dispute à la boue.
Tous les archétypes sont là : une prostituée, un chercheur d’or, un soldat déserteur, un révérend, des indigènes nomades, l’épouse d’un propriétaire terrien, une asservie et des migrants lancés dans leurs chariots à la conquête de nouveaux territoires. Pourtant, aucune date, aucun nom de lieu, ni même aucun terme ne permet d’affirmer que nous sommes en plein western. Surtout lorsque les colons ont la peau noire et l’asservie une « peau de lune ». Inversant les clichés dans un récit où, en fait de conquête, tout n’est en réalité que bourbier, l’auteur s’emploie à débarrasser notre mémoire de ses distorsions pour une peinture sans concession de ce qui s’avère ni plus ni moins qu’une désastreuse entreprise d’invasion et de colonisation.
Ils sont donc une poignée de personnages, tous des petites gens mus par l’espoir d’améliorer leur sort, à prendre vie, chacun leur tour, dans une série d’histoires, à première vue indépendantes, mais qui s’entrecroisent en un faisceau de destins tous aussi catastrophiques les uns que les autres. Amour à l’abattage ou cannibale, folie de l’or ou de la guerre, transfuge de race amoureux ou militaire : tous ces parcours individuels égrènent les couplets de la désillusion, du désespoir et du malheur dans une traversée des enfers ponctuée, tel un refrain, par les courriers qu’avant sa pendaison, un soldat déserteur envoie à ses proches pour y solder ses comptes. Se superposant peu à peu comme autant d’images, tous ces épisodes – ces mauvais rêves, voudrait-on dire –, dessinent un paysage de désolation dont nul ne sort indemne, ni envahisseurs, ni envahis, comme si toute conquête était de toute façon promise à l’échec.
Facile à lire, vivant et immersif, ce livre qui, lu rapidement, pourrait sembler se fondre dans la masse indistincte de tant d’autres ouvrages seulement agréablement romanesques, prend tout son relief dans ses motifs cachés, tissés en transparence pour une déconstruction de nos indécrottables fantasmes : les eldorados ne sont qu’inventions et leur conquête un vain mensonge. (3,5/5)
Tous les archétypes sont là : une prostituée, un chercheur d’or, un soldat déserteur, un révérend, des indigènes nomades, l’épouse d’un propriétaire terrien, une asservie et des migrants lancés dans leurs chariots à la conquête de nouveaux territoires. Pourtant, aucune date, aucun nom de lieu, ni même aucun terme ne permet d’affirmer que nous sommes en plein western. Surtout lorsque les colons ont la peau noire et l’asservie une « peau de lune ». Inversant les clichés dans un récit où, en fait de conquête, tout n’est en réalité que bourbier, l’auteur s’emploie à débarrasser notre mémoire de ses distorsions pour une peinture sans concession de ce qui s’avère ni plus ni moins qu’une désastreuse entreprise d’invasion et de colonisation.
Ils sont donc une poignée de personnages, tous des petites gens mus par l’espoir d’améliorer leur sort, à prendre vie, chacun leur tour, dans une série d’histoires, à première vue indépendantes, mais qui s’entrecroisent en un faisceau de destins tous aussi catastrophiques les uns que les autres. Amour à l’abattage ou cannibale, folie de l’or ou de la guerre, transfuge de race amoureux ou militaire : tous ces parcours individuels égrènent les couplets de la désillusion, du désespoir et du malheur dans une traversée des enfers ponctuée, tel un refrain, par les courriers qu’avant sa pendaison, un soldat déserteur envoie à ses proches pour y solder ses comptes. Se superposant peu à peu comme autant d’images, tous ces épisodes – ces mauvais rêves, voudrait-on dire –, dessinent un paysage de désolation dont nul ne sort indemne, ni envahisseurs, ni envahis, comme si toute conquête était de toute façon promise à l’échec.
Facile à lire, vivant et immersif, ce livre qui, lu rapidement, pourrait sembler se fondre dans la masse indistincte de tant d’autres ouvrages seulement agréablement romanesques, prend tout son relief dans ses motifs cachés, tissés en transparence pour une déconstruction de nos indécrottables fantasmes : les eldorados ne sont qu’inventions et leur conquête un vain mensonge. (3,5/5)
Citations :
Les villes naissaient plus vite que les hommes, là où les étendues vierges dépassaient l’entendement. Elles surgissaient comme des illusions. Hier rien, et le lendemain, une rue principale flanquée de baraques, de tripots, de chariots et de tentes grises claquant au vent. Il suffisait d’une rumeur, qui enflait de collines en vallées, passait les montagnes, pour que se forment des colonnes d’aventuriers prêts à creuser leur tombe si de l’or se trouvait au fond.
L’homme s’appelait Walter Otzie. Cela ne voulait rien dire. Kinta signifiait brise d’automne. Walter Otzie ne voulait rien dire. Et cette idée plut à Kinta, car Walter Otzie était libre d’être ce qu’il voulait, tandis qu’elle, Kinta, était enfermée dans la brise d’automne, liée pour toujours aux premiers souffles de la saison morte. Sans doute ignorait-elle à quel point il valait mieux procéder de la brise et de l’automne, plutôt que de porter un nom s’alourdissant à chaque génération du poids des non-dits qui constituent le langage, le ciment et l’héritage des familles.
Et maintenant, Nathaniel Mulligan voulait rentrer chez lui, revenir sur ses pas, repasser l’océan, traverser la lande, entrevoir au loin sa maison recouverte de mousse, marcher jusqu’aux trois tombes qui se trouvaient derrière, et s’allonger à côté des siens, au milieu des bruyères. Il ne pousserait jamais, sur ces terres promises, que la mélancolie des très chères terres natales et le désir de revenir mourir parmi les siens.
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