J'ai beaucoup aimé
Titre : Le Polonais (The Pole)
Auteur : J.M. COETZEE
Traduction : Sabine PORTE
Parution : en anglais (Afr. du Sud) en 2023,
en français (Seuil) en 2024
Pages : 160
Présentation de l'éditeur :
Lorsqu’un pianiste polonais de soixante-douze ans, interprète renommé de Chopin, s’éprend à Barcelone d’une femme de vingt ans sa cadette, celle-ci est d’abord peu impressionnée. Il lui écrit, l’invite à voyager, lui rend visite à Majorque. Elle se laisse courtiser. En dépit de la barrière de la langue, leur surprenante relation s’épanouit, mais, semble-t-il, aux conditions dictées par Beatriz. Puis vient le temps des dissonances. Est-ce Beatriz qui contrarie leur passion en contrôlant ses émotions ? Ou Witold qui, au moyen de sa correspondance, s’acharne à donner vie à son rêve ?
Avec une délicatesse teintée d’humour, J. M. Coetzee interroge nos présupposés sur l’amour et la complexité des relations humaines. Une œuvre envoûtante, qui réinvente la passion de Dante pour sa Béatrice et rappelle qu’une rencontre – si tardive ou improbable soit-elle – peut être bouleversante.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
J.M. Coetzee, né en 1940, est l'auteur de deux récits autobiographiques et de huit romans traduits dans 25 langues et abondamment primés. Deux d'entre eux, Michael K sa vie, son temps et Disgrâce ont été couronnés par le prestigieux Booker Prize et qualifiés de chefs-d'œuvre par la critique internationale.J.M.Coetzee a reçu le prix Nobel de littérature en 2003.
Avis :
« Il n'applique jamais la même recette à deux ouvrages, ce qui contribue à la grande variété de son œuvre. » Ainsi le jury saluait-il l’écrivain australien originaire d’Afrique du Sud en lui remettant en 2003 le prix Nobel de littérature. A quatre-vingt-trois ans, J.M. Coetzee continue de surprendre avec un ouvrage énigmatique, où un amour ambivalent semble se faire la métaphore, sous la forme d’un « Je t’aime, moi non plus » ou encore d’un chassé croisé infini et désespéré, de la relation de l’écrivain avec l’inspiration et la littérature.Rebutée par l’interprétation inhabituellement peu romantique de la musique de Chopin par Witold, plus encore tenue à distance par leur absence de langue commune, elle n’est déjà que hauteur et ennui lorsque cet homme en âge d’être son père lui déclare sa flamme, la comparant à une autre Béatrice, celle qui fut la muse de Dante. Partagée entre pitié et répulsion, mais au fond flattée et intriguée, elle se montre tentée par un début d’idylle mais, ne mâchant pas ses mots, finit par se persuader de son indifférence. Il lui léguera des poèmes en polonais qui, une fois traduits, continueront à la hanter de leur sens à jamais mystérieux, scellant l’incommunicabilité entre ces deux êtres en même temps que leur impalpable mais bien réel attachement.
A première vue déconcertante de banalité malgré la dissection sèche, presque méchante, d’une relation beaucoup plus ambivalente qu’elle n’y paraît, la narration prend tout son sens lorsque, conscient de la prédilection de l’auteur pour l’ambiguïté et les allégories cachées derrière le réalisme de ses textes, l’on se prend à aligner les indices à la recherche d’un autre sens. De la musique de Chopin à celle des mots, et du vieil interprète à qui échappe le sens des notes, la langue des autres et les caprices de sa muse à l’écrivain âgé s’interrogeant sur ce que la postérité retiendra du sens de son œuvre, ce sont les doutes et le combat de l’homme de lettres à trouver les mots justes, à peine entrevus déjà enfuis, à peine exprimés déjà mal compris, qui semblent s’exprimer ici à propos d’un art littéraire insaisissable par essence.
Un coup de maître que ce livre impossible à écrire plus à l’os et qui pourtant semble recéler un double fond, si ce n’est celui d’une sorte de testament littéraire, à tout le moins celle de l’ironie lucide et un peu triste d’un écrivain se retournant sur toute une vie à tenter de saisir l’insaisissable au bout de sa plume. (4/5)
Citation :
C’est quoi le temps ? Le temps n’est rien. Nous avons notre mémoire. Dans la mémoire il n’y a pas le temps. Je vous garderai dans ma mémoire.
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