J'ai moyennement aimé
Titre : Je t'ai donné des yeux et tu as
regardé les ténèbres
(Et vaig donar ulls i vas mirar
les tenebres)
Auteur : Irene SOLA
Traduction : Edmond RAILLARD
Parution : en catalan en 2023,
en français en 2024 (Seuil)
Pages : 192
Présentation de l'éditeur :
Après Je chante et la montagne danse, Irene Solà signe un roman vivant et drôle, peuplé de légendes et profondément poétique. De sa prose puissante et musicale, elle célèbre la lumière et les ténèbres, la vie et la mort, la mémoire et l’oubli.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Avis :
Au mas Clavell cloué au plus inaccessible des sombres plis des montagnes catalanes, la vieille Bernedeta se meurt, veillée à son insu par les mortes de la famille qui, s’apprêtant à l’accueillir dans l’au-delà, lui mitonnent un banquet de bienvenue en convoquant avec entrain leurs souvenirs.
Pendant qu’en autant de chapitres, aube, matin, midi, après-midi, soir et nuit égrènent les lentes heures de son agonie, toutes ces femmes en réalité sorcières depuis qu’il y a quatre cents ans, « mont[ée] en graine comme une laitue, sans trouver d’homme qui veuille d’elle », la repoussante Margarida s’est résolue à passer un pacte avec le diable, toutes ces hideuses créatures se chicanent, éreintent les vivants sans comprendre ni même savoir nommer leurs pratiques et possessions modernes, et dévident leurs vieilles histoires qui, imprégnées du folklore catalan, de ses mythes et de ses légendes, réactivent quatre siècles d’histoire régionale.
Présent furtivement au travers des silhouettes, plus ombres que personnages, des hommes du passé – chasseurs de loups, bandits de grand chemin, soldats des guerres carlistes, déserteurs de la guerre civile, ou encore ouvriers assignés aux grands chantiers de l’époque franquiste – et de nos semblables contemporains – évoqués, avec nos voitures sans chevaux et nos petits miroirs emplis de lutins parlants, sous l’angle d’une altérité qui nous exclut de ce huis clos vernaculaire –, c’est le réel qui se fait ici fantomatique pour laisser s’incarner, au fil d’une mémoire transmise uniquement par les femmes et donc polarisée sur les thèmes de la maternité, de la filiation et de la sororité, un tissu complexe de vieilles croyances et superstitions, toute une mythologie populaire empreinte de magie et de démons et résistant encore, tout au moins jusqu’à la disparition de la dernière habitante du mas Clavell, au rationalisme moderne.
Intelligent dans sa construction, nourri jusque dans sa langue d’une longue imprégnation de la culture populaire catalane, mais labyrinthique et désarçonnant dans son exploration de ce qui semble un brouillard de mysticisme, de sataniste, et même de scatologie, le roman pourtant séduisant dans sa démarche recrache son lecteur nauséeux et confus, pressé de regagner une réalité plus éclairée et nettement moins moyenâgeuse. (2,5/5)
Pendant qu’en autant de chapitres, aube, matin, midi, après-midi, soir et nuit égrènent les lentes heures de son agonie, toutes ces femmes en réalité sorcières depuis qu’il y a quatre cents ans, « mont[ée] en graine comme une laitue, sans trouver d’homme qui veuille d’elle », la repoussante Margarida s’est résolue à passer un pacte avec le diable, toutes ces hideuses créatures se chicanent, éreintent les vivants sans comprendre ni même savoir nommer leurs pratiques et possessions modernes, et dévident leurs vieilles histoires qui, imprégnées du folklore catalan, de ses mythes et de ses légendes, réactivent quatre siècles d’histoire régionale.
Présent furtivement au travers des silhouettes, plus ombres que personnages, des hommes du passé – chasseurs de loups, bandits de grand chemin, soldats des guerres carlistes, déserteurs de la guerre civile, ou encore ouvriers assignés aux grands chantiers de l’époque franquiste – et de nos semblables contemporains – évoqués, avec nos voitures sans chevaux et nos petits miroirs emplis de lutins parlants, sous l’angle d’une altérité qui nous exclut de ce huis clos vernaculaire –, c’est le réel qui se fait ici fantomatique pour laisser s’incarner, au fil d’une mémoire transmise uniquement par les femmes et donc polarisée sur les thèmes de la maternité, de la filiation et de la sororité, un tissu complexe de vieilles croyances et superstitions, toute une mythologie populaire empreinte de magie et de démons et résistant encore, tout au moins jusqu’à la disparition de la dernière habitante du mas Clavell, au rationalisme moderne.
Intelligent dans sa construction, nourri jusque dans sa langue d’une longue imprégnation de la culture populaire catalane, mais labyrinthique et désarçonnant dans son exploration de ce qui semble un brouillard de mysticisme, de sataniste, et même de scatologie, le roman pourtant séduisant dans sa démarche recrache son lecteur nauséeux et confus, pressé de regagner une réalité plus éclairée et nettement moins moyenâgeuse. (2,5/5)
Citation :
Le ciel se couvrit. Les premières brumes claires, effilochées, apparurent. Puis ce furent les châteaux sombres et chargés, avec leur cortège de rafales et de tourbillons, d’oiseaux dévoreurs d’insectes et d’insectes sans échappatoire. Les feuilles sèches et les brindilles volaient à ras de terre comme si elles voulaient fuir. Un lourd capuchon recouvrait les pics. Et tandis que les nuages se massaient sur le mas comme un troupeau rassemblé, le soleil glissait des doigts minces et orangés dans les trous et, chaque fois que les nuages les lui coupaient, les arbres tremblaient soudainement, comme si on les avait poussés. La maison, résignée et impassible, tournait le dos à la noirceur qui se concentrait sur sa toiture, comme pour la flairer.
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