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Titre : Attaquer la terre et le soleil
Auteur : Mathieu BELEZI
Parution : 2022 (Le Tripode)
Pages : 160
Présentation de l'éditeur :
Attaquer la terre et le soleil narre le destin d’une poignée de
colons et de soldats pris dans l’enfer oublié de la colonisation
algérienne, au dix-neuvième siècle. Et en un bref roman, c’est toute
l’expérience d’un écrivain qui subitement se cristallise et bouleverse,
une voix hantée par Faulkner qui se donne.
Depuis plus de vingt ans, Mathieu Belezi construit une œuvre romanesque d’une cohérence étonnante, à la phrase ciselée. La musicalité qui frappe dès les premières lignes d’Attaquer la terre et le soleil fait écho à Le Petit Roi, son premier roman publié en 1998 aux éditions Phébus. Quant à son thème, il renvoie évidemment à sa grande trilogie algérienne, publiée successivement aux éditions Albin Michel (C’était notre terre, 2008) et Flammarion (Les vieux Fous, 2011 ; Un faux pas dans la vie d’Emma Picard, 2015). Est-ce la constance de ce parcours qui explique la fulgurance de ce nouveau roman ? Écrit en quelques mois, Attaquer la terre et le soleil dit en tout cas avec une beauté tragique, à travers les voix d’une femme et d’un soldat, la folie, l’enfer, que fut cette colonisation.
Depuis plus de vingt ans, Mathieu Belezi construit une œuvre romanesque d’une cohérence étonnante, à la phrase ciselée. La musicalité qui frappe dès les premières lignes d’Attaquer la terre et le soleil fait écho à Le Petit Roi, son premier roman publié en 1998 aux éditions Phébus. Quant à son thème, il renvoie évidemment à sa grande trilogie algérienne, publiée successivement aux éditions Albin Michel (C’était notre terre, 2008) et Flammarion (Les vieux Fous, 2011 ; Un faux pas dans la vie d’Emma Picard, 2015). Est-ce la constance de ce parcours qui explique la fulgurance de ce nouveau roman ? Écrit en quelques mois, Attaquer la terre et le soleil dit en tout cas avec une beauté tragique, à travers les voix d’une femme et d’un soldat, la folie, l’enfer, que fut cette colonisation.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Mathieu Belezi a enseigné en Louisiane (États-Unis), et beaucoup voyagé.
Il a vécu au Mexique, au Népal, en Inde, et dans les îles grecques et
italiennes. Il vit désormais à Rome et se consacre à l’écriture depuis
plus de vingt ans.
Avis :
Avec son mari, ses trois enfants et sa soeur, Séraphine débarque en Algérie au tout début de la colonisation du pays par la France, dans les années 1830-1840. Au terme de leur pénible voyage, les colons ne trouvent que les cailloux d’une terre ingrate qu’il va leur falloir tenter d’exploiter dans des conditions effroyables : la boue et le froid l’hiver, la canicule l’été ; la saleté et les épidémies de choléra qui les déciment dans leurs misérables baraquements de planches ; le manque de tout et la peur qui les étreint, entre attaques arabes, pillards, vipères à cornes et lions du désert… Pendant qu’ils s’échinent et tombent comme des mouches, un escadron de soldats français s’emploie à « pacifier » les territoires conquis, sans autre stratégie que de razzier, violer et massacrer.
Raconté dans des mots d’autant plus frappants qu’ils décrivent l’horreur à hauteur de gens simples, au fil de leur narration humble, morne et résignée de ce qui fait leur banalité quotidienne – un enfer d’une violence inouïe dont ils sont absurdement devenus les acteurs, misérables pions sacrifiés dans une partie motivée par de bien plus gros intérêts que les leurs –, le texte est d’une intensité rare, en tout point saisissante. Alors que, dans sa sidération impuissante, Séraphine n’a plus la force que de ponctuer son récit d’une litanie de « sainte et sainte mère de Dieu » et que, du côté des soldats, l’on s’efforce, avec des termes de soudards, de se redonner du coeur au ventre à coups, faute d’autres motifs, d’exonérants « nous ne sommes pas des anges », c’est une bien peu glorieuse épopée que l’on fait mener par ces pauvres hères, abandonnés à leur misère et à leur peur, à leur lâcheté et à leur cruauté, pour implanter sur ces terres d’Algérie une présence française qui se veut irréversible.
Sans majuscules ni points, la narration s’écoule comme le fleuve du temps et de l’Histoire. Le processus infernal dans lequel les protagonistes se retrouvent pris s’est enclenché bien avant le début de leur récit et se poursuivra bien au-delà de leur bref passage dans l’histoire de cette terre. Ils ne sont que de modestes rouages, mais à travers eux et leur parcours aussi pathétique que sanguinaire, s’enracine un mal profond, une colonisation construite sur la pourriture du sang et de la violence, qui, démentant toute prétention dite « civilisatrice », n’annonce qu’un désastre sans fond.
Peinture ultra-réaliste de l’horreur, c’est avec une efficacité sans pareille que, sur un ton d’autant plus implacable qu’égal et factuel, ce roman dénonce les viles réalités de la colonisation. L’on en ressort saisi par cette abjection, on ne peut plus clairement débarrassée des fards dont l’Histoire tend habituellement à l’enjoliver. Jamais je n'avais été aussi tentée d’associer un livre au célèbre Cri de Münch. (4/5)
Raconté dans des mots d’autant plus frappants qu’ils décrivent l’horreur à hauteur de gens simples, au fil de leur narration humble, morne et résignée de ce qui fait leur banalité quotidienne – un enfer d’une violence inouïe dont ils sont absurdement devenus les acteurs, misérables pions sacrifiés dans une partie motivée par de bien plus gros intérêts que les leurs –, le texte est d’une intensité rare, en tout point saisissante. Alors que, dans sa sidération impuissante, Séraphine n’a plus la force que de ponctuer son récit d’une litanie de « sainte et sainte mère de Dieu » et que, du côté des soldats, l’on s’efforce, avec des termes de soudards, de se redonner du coeur au ventre à coups, faute d’autres motifs, d’exonérants « nous ne sommes pas des anges », c’est une bien peu glorieuse épopée que l’on fait mener par ces pauvres hères, abandonnés à leur misère et à leur peur, à leur lâcheté et à leur cruauté, pour implanter sur ces terres d’Algérie une présence française qui se veut irréversible.
Sans majuscules ni points, la narration s’écoule comme le fleuve du temps et de l’Histoire. Le processus infernal dans lequel les protagonistes se retrouvent pris s’est enclenché bien avant le début de leur récit et se poursuivra bien au-delà de leur bref passage dans l’histoire de cette terre. Ils ne sont que de modestes rouages, mais à travers eux et leur parcours aussi pathétique que sanguinaire, s’enracine un mal profond, une colonisation construite sur la pourriture du sang et de la violence, qui, démentant toute prétention dite « civilisatrice », n’annonce qu’un désastre sans fond.
Peinture ultra-réaliste de l’horreur, c’est avec une efficacité sans pareille que, sur un ton d’autant plus implacable qu’égal et factuel, ce roman dénonce les viles réalités de la colonisation. L’on en ressort saisi par cette abjection, on ne peut plus clairement débarrassée des fards dont l’Histoire tend habituellement à l’enjoliver. Jamais je n'avais été aussi tentée d’associer un livre au célèbre Cri de Münch. (4/5)
Citation :
(…) il pointe le doigt en direction des nuages qui pèsent de tout leur poids d’un bord à l’autre de l’horizon, et qui laissent si peu d’espace entre la terre et le ciel que nous nous demandons si nous aurons encore la place d’avancer debout, s’il ne faudra pas ramper sur les coudes dans cette chienne de poussière que le vent touille comme un brouet de sorcier (…)
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