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Titre : La nuit des pur-sang
Auteur : Xavier de MOULINS
Parution : 2023 (Flammarion)
Pages : 288
Présentation de l'éditeur :
L’aura de la horde plane au-dessus du cortège. La couleur du ciel est
chamboulée. Les derniers nuages foutent le camp. D’en haut tout paraît
simple et fluide. Le galop est une danse. Serait-il capable de remonter
si l’occasion se présentait ? Serait-il en état ? Après tout ça. Alexandre a bien connu les chevaux dans une autre vie.
Énigmatique et saisissant, le nouveau roman de Xavier de Moulins nous entraîne dans le monde des chevaux de course, devenu le refuge d’un homme abîmé par la vie. Les pur-sang l’aideront-ils à affronter ses fantômes et ses deuils pour traverser enfin sa nuit d’encre ?
Énigmatique et saisissant, le nouveau roman de Xavier de Moulins nous entraîne dans le monde des chevaux de course, devenu le refuge d’un homme abîmé par la vie. Les pur-sang l’aideront-ils à affronter ses fantômes et ses deuils pour traverser enfin sa nuit d’encre ?
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Xavier de Moulins est écrivain et journaliste. Il a déjà publié chez Flammarion Le petit chat est mort (2020, Prix littéraire 30 millions d'amis), Mon garçon (2021), Toute la famille ensemble (2022) et La nuit des pur-sang (2023) chez Flammarion.
Avis :
Des années après le drame qui ne cesse de le hanter et qui lui a fait tourner le dos à sa passion pour le cheval, Alexandre est invité par une ancienne connaissance à l’entraînement des cracks à Maisons-Laffitte. Pendant qu’il renoue peu à peu avec le monde équestre, pour les plus grands espoirs de sa mère Elisabeth, qui, douloureusement consciente de n’avoir pas su le protéger des violences d’un père aujourd’hui décédé, cherche obstinément le moyen de lui redonner goût à la vie, l’ex-jockey Tony, reconverti en lad rééducateur de chevaux difficiles, convoie ses derniers champions sans se douter que son ultime sauvetage pourrait bien être celui d’un homme cette fois…Jolie et émouvante, l’histoire a toutes les chances d’embuer bien des yeux, à mesure que les fils narrateurs, tissés respectivement par Alexandre, Tony et Elisabeth, laissent apparaître son motif central, au départ peu visible. Leurré par le premier chapitre, le lecteur devra d’abord faire la part entre réalité et fantasme, personnages vivants et fantômes, pour progressivement réaliser la nature et l’ampleur du traumatisme qui empêche Alexandre de se libérer d’un terrible sentiment de culpabilité et d’enfin faire son deuil du passé. C’est cette construction du livre, d’un trompe-l’oeil initial en un enchaînement de métaphores poétiques, qui, alliée à une écriture puissamment inspirée par la passion profonde de l’auteur pour le cheval et l’univers des courses hippiques, mais aussi par une expérience personnelle qui lui a dicté un personnage présentant quelques traits autobiographiques, fait toute l’originalité de cette narration, inévitablement bouleversante.
De la rééducation de chevaux débordés par leurs peurs au rebond d’un homme qui ne croit plus en lui ni en la vie, le texte fait la part belle à l’équithérapie, fondée sur cette incroyable relation entre l’animal et l’humain, l’un si bien miroir de l’autre que ce binôme affectif favorise prise de confiance et reconnexion avec soi, comme par exemple chez les jeunes autistes. Alors, même si parfois l’ensemble frise la tendance feel good et paraît rester trop en surface de ses somme toute classiques considérations sur la résilience et le droit à vivre heureux, l’on se laisse charmer par la tendresse et par la poésie de ce conte un peu surnaturel, en même temps que griser par la vitesse et la puissance de galops au petit matin, à dos de « fauve de quatre cents kilos ».
Une lecture qui pourra donner envie de revoir le film « Danse avec lui », pour une autre histoire de résilience équestre à laquelle ce livre fait irrésistiblement penser. (3,5/5)
Citations :
Les statues équestres disent la vie et la mort. Si deux sabots ne touchent pas le socle, c’est que le cavalier a été tué au combat.
Une cinquantaine d’écuries sont installées autour de l’hippodrome, des allées cavalières bordent les routes. D’autres essaims de pur-sang apparaissent : cinq cents sortent chaque matin de leur box pour le travail sur les pistes. Les cavaleries se croisent sur le gazon ou dans les arènes de sable, plus profondes et plus difficiles pour les athlètes, qui, en s’y enfonçant, s’y musclent au trot et au galop, conquièrent et améliorent, chaque jour, conditions physique et morale, indispensables pour voler sur les hippodromes.
Le travail du matin permet de gagner l’après-midi sur les champs de courses. La victoire, c’est la finalité.
Tout est nouveau pour lui. Sophie lui explique le théâtre et le fonctionnement du centre et d’une écurie. À Maisons-Laffitte ou à Chantilly, tout est pensé pour les courses. Les cours sont collées les unes aux autres, les nuits sont bercées par les hennissements et les rêves des chevaux. Derrière chaque portail, un mystère, un monde bruisse. Chaque maison a sa méthode, une manière de penser l’entraînement, de préparer les futurs champions, de croire en ses chances et de convoquer le destin. Les après-midi sont dédiés aux compétitions, aux luttes à mort et aux corps-à-corps avec les adversaires.
Les cracks traversent la France en camion pour une chance de victoire sur un hippodrome. Dans ce monde dur et sans pitié, on ne compte ni ses heures ni sa sueur. La routine et la discipline sont les conditions du succès, le courage et la grâce s’occupent du reste.
Les chevaux ne mettent pas de frontière entre leurs émotions et leurs actions, ils cherchent avant toute chose de la cohérence chez un partenaire. Alexandre avait compris très vite qu’un cheval calme et confiant, qu’une monture courageuse appelait un cavalier calme, confiant et courageux. Une bête de quatre cents kilos est le miroir de celui qui la chevauche. Elle peut le tuer d’un coup ou le sauver. Ce qu’un cheval apprend doit s’appliquer à celui qui le monte en premier. Avec lui, on travaille d’abord sur soi ; l’âme, le corps et l’esprit.
Aucun cheval n’accepte pour chef quelqu’un qu’il ne respecte pas.
Il n’y a pas d’âge pour renaître.
Nous passons trop de temps à faire des plans pour l’avenir, à dépendre d’événements qui n’arriveront pas, ou trop tard, à nous souvenir. On réprime trop de choses par crainte des représailles et de l’humiliation, et il faut parfois beaucoup de courage pour exprimer ses sentiments. La seule chose que nous ayons réellement, c’est aujourd’hui, et personne ne nous doit rien.
Ce n’est pas ta faute, mon enfant, si ta femme est morte. Se sentir coupable est ce qu’il y a de pire. Traîner sa culpabilité, ce n’est pas respecter sa vie. Le cœur a besoin d’amour pour guérir et cet amour doit avant tout émaner de soi.
Il le sait, avec eux, les présentations débutent bien avant que les regards se croisent. Un cheval vous scanne au moment où il vous entend approcher et peut vous sonder jusqu’à l’âme.
On peut n’avoir manqué de rien sur le papier et vivre complètement démuni. Alexandre ressemble à un cheval battu par son propriétaire dans l’obscurité de son box. À la racine de ses peurs, il y a son père. Ce père et ses exigences.
Enfant battu. Chaque fois que nous faisons du mal, nous le faisons à tous nos descendants qui le porteront sans en être conscients jusqu’à leur mort. Ce qui empêche l’amour, c’est la peur. La violence naît d’un vide intérieur.
La séparation est une mort qui vous laisse en vie.
Toute expérience humaine est intégralement autocréée. Chacun de nous est l’auteur de ses pensées et de ses émotions. Il faut savoir s’arrêter de s’identifier à tout ce que l’on a accumulé par le passé et arrêter de croire que le futur sera ceci ou cela. Il n’existe pas. La seule chose que nous avons s’appelle le présent. Vivre, c’est prendre conscience de ce qu’on est à l’instant. Être humain, c’est pouvoir façonner les situations dans lesquelles on vit comme on veut les vivre. Pour façonner nos situations, il faut comprendre qui on est. Ensuite seulement on peut envisager d’être bien où nous sommes. C’est tout. Les gens ne savent pas qui ils sont. C’est pour ça qu’ils sont malheureux et courent après un hypothétique bonheur qui ne dépend jamais d’eux. Il est là, le piège.
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