J'ai beaucoup aimé
Titre : Les oiseaux chanteurs (Songbirds)
Auteur : Christy LEFTERI
Traduction : Karine LALECHERE
Parution : 2022 (Seuil)
Pages : 368
Présentation de l'éditeur :
Chypre, 2016. Petra Loizides est inquiète, la nourrice de sa fille s’est
évaporée sans laisser de trace. Yiannis, le locataire qui occupe le
premier étage de sa maison, est lui aussi bouleversé : se serait-elle enfuie suite à sa demande en
mariage la veille ? Mais la jeune sri-lankaise a laissé derrière elle
son passeport et la mèche de cheveux de sa propre fille restée au pays. Petra signale sa disparition à la police mais celle-ci ne réagit pas.
Impuissant, Yiannis continue de son côté ses activités illégales : ruiné
par la crise de 2008, il vit du braconnage des oiseaux, prisonnier d’un
réseau mafieux puissant et dangereux. Ensemble, Petra et Yiannis vont enquêter auprès de nombreuses femmes
invisibles comme Nisha et découvrir la facette sombre d’un pays gangréné
par la corruption et les trafics en tous genres.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Christy Lefteri est née à Londres de parents chypriotes. L’Apiculteur d’Alep,
son deuxième roman, immense succès international, lui a été inspiré par
son travail de bénévole dans un camp de migrants à Athènes. Avec Les Oiseaux chanteurs,
situé à Chypre, Christy Lefteri aborde cette fois le sujet du trafic
humain et du braconnage, avec toujours beaucoup d’humanité.
Son expérience de bénévole dans un camp de migrants à Athènes avait nourri L’apiculteur d’Alep, le précédent roman de l’auteur. Cette fois, ce sont les témoignages de femmes étrangères venues s’employer comme personnels de maison à Chypre, qui ont soufflé à Christy Lefteri cette histoire inspirée de faits dramatiques bien réels.
Nisha a quitté le Sri Lanka et son bébé pour devenir nounou à Chypre. Après neuf ans de bons et loyaux services chez Petra et sa fille Adèle, et au lendemain de la demande en mariage de Yiannis, le locataire qui occupe l’étage de la maison, elle disparaît un soir de 2016, abandonnant passeport et effets personnels. La police refuse d’ouvrir une enquête, au prétexte de l’instabilité de la main d’oeuvre immigrée. Petra et Yiannis, lui-même emberlificoté dans un réseau mafieux de braconnage d’oiseaux depuis son licenciement lors de la crise bancaire et financière de 2008, tentent de retrouver trace de la jeune femme. Ils prennent alors conscience des terribles réalités vécues par toutes ces femmes, endettées à vie auprès d’agences de placement, dans l’espoir de trouver dans des pays riches le travail qui leur permettra enfin, au prix de la distance et de la séparation, de faire vivre leur famille.
L’on pourra penser au roman Chanson douce de Leïla Slimani, quand l’employeuse de Nisha réalise après coup ce dont elle ne s’était jusqu'ici aucunement souciée : la vie privée et les sentiments de celle qu’elle n’avait jamais imaginée qu’entièrement dédiée à son service. En vérité, pendant presque une décennie de partage de son intimité à elle, Petra n’a jamais eu en tête que la fonction, et non la personne, de son employée, tirant parti sans s’en douter du drame personnel de cette dernière, lui imposant ses préoccupations de femme aisée sans même se rendre compte de l’indécence du contraste entre son confort et la misère de l’autre. Pourtant, là n’est pas le pire. Car, cette indifférence généralisée, y compris des autorités, vis-à-vis de ces filles seules et sans recours, coincées par leur dette dans une situation de totale dépendance vis-à vis de leur agence et de leurs employeurs, favorise les pires abus dans le secret de ces maisons ou boutiques où elles sont parfois maltraitées, à peine logées et nourries, réduites en esclavage, et même agressées et tuées.
Avis :
Nisha a quitté le Sri Lanka et son bébé pour devenir nounou à Chypre. Après neuf ans de bons et loyaux services chez Petra et sa fille Adèle, et au lendemain de la demande en mariage de Yiannis, le locataire qui occupe l’étage de la maison, elle disparaît un soir de 2016, abandonnant passeport et effets personnels. La police refuse d’ouvrir une enquête, au prétexte de l’instabilité de la main d’oeuvre immigrée. Petra et Yiannis, lui-même emberlificoté dans un réseau mafieux de braconnage d’oiseaux depuis son licenciement lors de la crise bancaire et financière de 2008, tentent de retrouver trace de la jeune femme. Ils prennent alors conscience des terribles réalités vécues par toutes ces femmes, endettées à vie auprès d’agences de placement, dans l’espoir de trouver dans des pays riches le travail qui leur permettra enfin, au prix de la distance et de la séparation, de faire vivre leur famille.
L’on pourra penser au roman Chanson douce de Leïla Slimani, quand l’employeuse de Nisha réalise après coup ce dont elle ne s’était jusqu'ici aucunement souciée : la vie privée et les sentiments de celle qu’elle n’avait jamais imaginée qu’entièrement dédiée à son service. En vérité, pendant presque une décennie de partage de son intimité à elle, Petra n’a jamais eu en tête que la fonction, et non la personne, de son employée, tirant parti sans s’en douter du drame personnel de cette dernière, lui imposant ses préoccupations de femme aisée sans même se rendre compte de l’indécence du contraste entre son confort et la misère de l’autre. Pourtant, là n’est pas le pire. Car, cette indifférence généralisée, y compris des autorités, vis-à-vis de ces filles seules et sans recours, coincées par leur dette dans une situation de totale dépendance vis-à vis de leur agence et de leurs employeurs, favorise les pires abus dans le secret de ces maisons ou boutiques où elles sont parfois maltraitées, à peine logées et nourries, réduites en esclavage, et même agressées et tuées.
Au fur et à mesure que l’histoire de Nisha et de ses semblables se dévoile à Petra et à Yiannis, l’émotion se fait de plus en plus poignante, en même temps que l’inquiétude grandit. Et, alors qu’en parallèle, le lecteur assiste, consterné, au trafic de ce qu’Elif Shafak appelle « le caviar de Chypre » dans L’île aux arbres disparus, se superposent peu à peu l’image de ces nuées colorées d’oiseaux migrateurs, pris au piège des vastes filets et de la glu de l’industrie du braconnage aviaire chypriote, et celle de ses migrantes venues s’échouer, au terme d’un aventureux et courageux voyage, dans un autre traquenard tout aussi inextricable.
Christy Lefteri nous livre un nouveau roman empreint de chagrin et de révolte, inspiré comme le précédent de ses rencontres et de son engagement bénévole pour la cause des migrants. A n’en pas douter, le succès devrait être encore au rendez-vous, serrant bien des gorges et faisant même couler quelques larmes. (4/5)
Citations :
Ces années d’après-guerre m’ont appris une leçon que je n’ai pas oubliée : on pouvait se renfermer en soi-même, et, comme mon père, ne jamais retrouver la sortie.
Mon amie Mary, des Philippines, eh bien, son employeuse l’a vue se glisser dehors en pleine nuit pour aller rejoindre un garçon. Elle a été renvoyée sur le champ. Après ça, personne n’a voulu l’embaucher, car sa patronne était connue et respectée dans le quartier. Elle s’est retrouvée dans un foyer avec quinze femmes, à l’autre bout de l’île. Elles vivaient dans des conditions tellement abominables qu’elle a fini par vendre son corps pour pouvoir loger avec trois femmes, dans la villa d’un vieux bonhomme, sur la côte.
Diwata Caasi, originaire des Philippines, avait 61 ans. Ses patrons ne l’autorisaient pas à boire dans un verre. Elle devait se contenter d’un pot de confiture, parce qu’elle n’était qu’une bonne. Sa nourriture était tellement rationnée qu’elle mangeait moins que le chat. Elle avait fini par démissionner et s’était retrouvée sans ressources.
Mutya Santos, une autre Philippine, venait de Manille. Elle était sage-femme dans son pays. Elle s’entendait bien avec sa première employeuse et dînait avec elle chaque soir. A la mort de la vieille dame, on l’avait placée chez un homme qui essayait constamment de la tripoter, entrait dans la salle de bains quand elle était sous la douche et se glissait dans sa chambre pendant son sommeil. Elle s’était plainte à l’agence qui avait refusé d’intervenir. Lorsque son patron l’avait appris, il l’avait congédiée. Elle aussi s’était retrouvée sans rien, avec une énorme dette à rembourser.
Isuri parlait de quitter le Sri Lanka pour être employée de maison en Europe depuis un certain temps. « Beaucoup de femmes le font ! Avait-elle assuré à Nisha, les yeux brillants. Je serais payée le double. Je pourrais envoyer de l’argent à ma famille et en avoir quand même suffisamment pour moi. Je serais bien logée et nourrie. Et je serais libre ! Je pourrais sortir, faire ce que je veux, je n’aurais à rendre de comptes à personne. Je serais ma propre maîtresse. »
L’agence exigeait des frais astronomiques, l’équivalent de dix mille euros. Bien entendu, elle ne disposait pas d’une telle somme, elle paierait donc en plusieurs fois. L’argent serait prélevé sur son salaire dès le premier mois.
Les enfants découvrent le monde à travers nos yeux. S’ils y lisent du bonheur, de la joie ou de l’amour, ils savent que cela existe.
Mon amie Mary, des Philippines, eh bien, son employeuse l’a vue se glisser dehors en pleine nuit pour aller rejoindre un garçon. Elle a été renvoyée sur le champ. Après ça, personne n’a voulu l’embaucher, car sa patronne était connue et respectée dans le quartier. Elle s’est retrouvée dans un foyer avec quinze femmes, à l’autre bout de l’île. Elles vivaient dans des conditions tellement abominables qu’elle a fini par vendre son corps pour pouvoir loger avec trois femmes, dans la villa d’un vieux bonhomme, sur la côte.
Diwata Caasi, originaire des Philippines, avait 61 ans. Ses patrons ne l’autorisaient pas à boire dans un verre. Elle devait se contenter d’un pot de confiture, parce qu’elle n’était qu’une bonne. Sa nourriture était tellement rationnée qu’elle mangeait moins que le chat. Elle avait fini par démissionner et s’était retrouvée sans ressources.
Mutya Santos, une autre Philippine, venait de Manille. Elle était sage-femme dans son pays. Elle s’entendait bien avec sa première employeuse et dînait avec elle chaque soir. A la mort de la vieille dame, on l’avait placée chez un homme qui essayait constamment de la tripoter, entrait dans la salle de bains quand elle était sous la douche et se glissait dans sa chambre pendant son sommeil. Elle s’était plainte à l’agence qui avait refusé d’intervenir. Lorsque son patron l’avait appris, il l’avait congédiée. Elle aussi s’était retrouvée sans rien, avec une énorme dette à rembourser.
Isuri parlait de quitter le Sri Lanka pour être employée de maison en Europe depuis un certain temps. « Beaucoup de femmes le font ! Avait-elle assuré à Nisha, les yeux brillants. Je serais payée le double. Je pourrais envoyer de l’argent à ma famille et en avoir quand même suffisamment pour moi. Je serais bien logée et nourrie. Et je serais libre ! Je pourrais sortir, faire ce que je veux, je n’aurais à rendre de comptes à personne. Je serais ma propre maîtresse. »
L’agence exigeait des frais astronomiques, l’équivalent de dix mille euros. Bien entendu, elle ne disposait pas d’une telle somme, elle paierait donc en plusieurs fois. L’argent serait prélevé sur son salaire dès le premier mois.
Les enfants découvrent le monde à travers nos yeux. S’ils y lisent du bonheur, de la joie ou de l’amour, ils savent que cela existe.
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