vendredi 19 novembre 2021

[Zukerman, David] Iberio

 

 


 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Iberio

Auteur : David ZUKERMAN

Parution : 2021 (Calmann Lévy)

Pages : 450

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Mercedes n’évoquait jamais son adolescence. Sa vie n’avait commencé que lorsque son fils était venu au monde. C’était avec l’enfant qu’était née la mère.
Mercedes n’avait pas seize ans lorsqu’elle a fui l’Espagne pour s’installer en  France avec Iberio, son fils encore nourrisson. Dix-huit ans plus tard, gardienne d’un immeuble cossu à Paris, Mercedes considère avec autant d’amour que d’exigence et même d’effroi son enfant qui devient un homme. Elle n’en a pas encore conscience, mais désormais s’ouvre devant elle une autre vie. Et  Mercedes, la beauté mystérieuse, la distante et hiératique concierge, accepte de poser pour Ezra Goldweiser, le peintre célèbre du dernier étage...
Dans cet immeuble où la vie tourne autour de Mercedes, alors qu’elle-même ne regarde que son fils, il y a de la passion, du désir, du cynisme, de la jalousie, de l’amour, du désespoir. L’humain dans ses nuances et ses excès.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Né en 1960 à Créteil, David Zukerman  a été successivement ouvrier spécialisé, homme de ménage, plongeur, contrôleur dans un cinéma, membre d’un groupe de rock, comédien et metteur  en scène. Pendant toutes ces années, il a également écrit une quinzaine de pièces de théâtre, dont certaines furent diffusées sur France Culture, et quatre romans qu’il n’a jamais voulu envoyer à des éditeurs.  San Perdido est sa première publication.

 

Avis :

Cela fait dix-huit ans, depuis qu’elle a fui l’Espagne avec son fils Iberio, alors nourrisson, que Mercedes vit à Paris. Désormais la solaire, irremplaçable et très courtisée concierge d’un immeuble cossu, elle n’a d’yeux que pour cet enfant en passe de se muer en homme, qu’elle a élevé avec amour et exigence, dans l’obsession de sa réussite. Lorsque, pour financer les études d’Iberio, elle accepte de poser pour Ezra Goldweiser, peintre célèbre du dernier étage, elle est loin d’imaginer les émotions qui vont secouer l’immeuble, mais aussi le tournant que prendra son existence, jusqu’ici uniquement préoccupée de son fils.

Après sa dramatique ouverture et l’introduction d’un grain de mystère qui laissera mijoter curiosité et inquiétude jusqu’à son twist final, le récit s’installe dans un huis-clos, où l’action s’efface au profit de la psychologie des personnages et de l’atmosphère de l’immeuble. Si Iberio en est le centre de gravité, ce n’est qu’au travers de Mercedes et de sa détermination à conjurer le passé, pour assurer à cet enfant un avenir que le destin semblait initialement lui refuser. En vérité, rien ne parvient à gommer la présence vibrante de cette femme, astre à distance duquel tournent, à défaut peut-être du lecteur un peu las, à la longue, de tant de superlative perfection, les autres personnages fascinés par son inaccessible et mystérieuse beauté.

Pendant que chacun se débat dans les affres terre-à-terre de passions impossibles – le jeune Iberio découvre l’amour sur un quiproquo, le mûr Ezra vit en solitaire son dernier embrasement sensuel, la vieille voisine aigrie par les trahisons de feu son mari cherche une revanche dans sa curiosité méchante et jalouse -, Mercedes prend peu à peu des allures de madone…

D’une lecture fluide et agréable, ce roman ménage longtemps ses effets, semblant même un peu forcer le trait sur la singulière aura de son personnage principal, jusqu’à ce que la conclusion viennent en révéler la raison. Sans sensiblerie ni mièvrerie, il dessine au final un beau portrait de femme, dans une ode à l'amour non dénuée d’humour, puisqu’une de ses scènes m’a franchement fait rire de bon coeur. (4/5)


 

Citations : 

Plus Mme Chanterelle la détaillait, plus il lui semblait que se rabougrissait sa propre carcasse. Jamais, même dans sa jeunesse, elle n’avait été belle. M. Chanterelle la trouvait piquante, au temps de sa vigueur il lui en avait maintes fois donné la preuve, mais elle n’avait qu’une séduction limitée. Avec l’âge, son peu de charme avait fondu et sa silhouette était à présent osseuse. Elle n’était plus qu’une petite musaraigne d’immeuble que la prévoyance de son défunt époux avait mise à l’abri, lui offrant une existence paisible qu’elle finissait de croquer dans une douillette opulence. Seule, sans enfant, elle n’avait plus pour s’occuper que l’étude de ses congénères et scrutait leurs habitudes d’un œil impitoyable.

Il faisait des détours pour éviter les processions de visiteurs qui, les yeux rivés sur les tableaux, glissaient dans un lent défilé. Aux abords des salles, des agents de sécurité sommeillaient sur des chaises. Insensibles à ce qui les entourait, ils montraient un visage morne comme pour prouver qu’ils n’étaient pas là. Leurs prunelles vagues regardaient en eux-mêmes, feuilletant des pensées qui n’appartenaient qu’à eux et qui semblaient plus passionnantes que les vieux cadres dorés.

« Malheur à qui n’a plus rien à désirer, il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède », avait-il lu quelque part.

  

Du même auteur sur ce blog :

 
 

 


 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire