mardi 13 avril 2021

[Shimazaki, Aki] Le poids des secrets 4 - Wasurenagusa

 



 

Coup de coeur 💓💓

 

Titre : Wasurenagusa

Auteur : Aki SHIMAZAKI

Parution : 2003   

Editeur : Léméac / Actes Sud

Pages : 128

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Après un premier mariage raté, Kenji Takahashi découvre qu'il est stérile. Accablé, il quitte la maison familiale. Seule compte encore pour lui sa nurse, Sono. Lorsqu'il fait la connaissance de Mariko, qui vit seule avec son fils Yukio, il en tombe amoureux et l'épouse contre l'avis de ses parents, qui le déshéritent. Quarante-six ans plus tard, retraité, affaibli, il recherche les traces de Sono. Au moment où il retrouve sa tombe, sur laquelle est inscrit le nom de la fleur de myosotis (wasurenagusa), il découvre le secret de ses origines et le malheur qui a frappé ses parents.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Aki Shimazaki est née au Japon et vit à Montréal depuis 1991. D'abord parue entre 1999 et 2004, sa première pentalogie, composée des titres Tsubaki, Hamaguri, Tsubame, Wasurenagusa et Hotaru, a été saluée par la critique et récompensée notamment par le prix Ringuet (2001), le prix Canada-Japon (2004) et le Prix littéraire du Gouverneur général du Canada (2005). Au cœur du Yamato, son deuxième cycle, s’est conclu avec la parution de Yamabuki (2013), qui lui a valu le Prix littéraire Asie de l’ADELF. Maïmaï est le dernier titre du cycle L’ombre du chardon, qui comprend déjà Azami (2014), Hôzuki (2015), Suisen (2016) et Fuki-no-tô (2017).

 

 

Avis :

Après l’échec d’un premier mariage sans enfant, Kenji Takahashi se découvre stérile. Ne supportant plus la pression de ses riches parents traditionalistes pressés de le voir assurer la lignée familiale, conscient que la seule véritable affection qu’on lui ait jamais prodiguée fut en définitive celle de sa nourrice Sono, il se détourne des siens pour épouser, envers et contre tous, une jeune femme sans pedigree ni fortune dont il est tombé amoureux, Mariko, déjà mère du petit Yukio. Près de cinquante ans plus tard, sur la tombe de Sono, il découvre enfin la raison de l’intransigeance de ses parents…

Décidément, dans ce Japon d’avant-guerre où la tradition et l’honneur encadrent toute existence, il n’est aucun personnage de cette série qui ne cache jusqu’à sa mort un drame secret, avec dans son sillage une cascade de désastres impactant à son insu la génération suivante. Ainsi, comprend-on a posteriori que, recroquevillés leur vie durant sur une honte soigneusement dissimulée pour préserver les apparences et leur conformité aux bonnes mœurs japonaises, les parents Takahashi ont dû voir avec horreur leur propre tragédie les rattraper au travers de leur fils. Ne pouvant sans se renier exiger de lui autre chose qu’une rigueur et un sacrifice semblables aux leurs, ils n’ont pu qu’être choqués par les choix différents du jeune homme : un acte de rébellion destiné à poursuivre longtemps celui-ci, déchiré entre son amour pour Mariko et Yukio, et le devoir filial, si fondamental au Japon, qu’il s’est trouvé obligé de sacrifier.

Tous les personnages d’Aki Shimazaki se construisent sur une béance secrète, que le texte laisse deviner au travers des déchirures que leurs existences vécues vaille que vaille finissent par laisser apparaître, souvent au soir d’une vie, à l’heure des bilans et des questionnements. D’une magnifique et touchante humanité, la plume si légère et si épurée de l’auteur n’en finit pas d’éblouir par les profondeurs et les émotions suggérées avec tant de poétique sobriété. Coup de coeur. (5/5)

 

Citations :

Trois ans passèrent sans enfant. « Mariée à un héritier, la femme qui ne peut faire d’enfant en trois ans doit quitter la famille. » Ma mère me rappela cet usage traditionnel et lança un jour à ma femme : « C’est votre faute, l’infécondité ! » Mon père me suggéra une maîtresse en ajoutant : « Tu pourrais garder ta femme. » Je refusai. Satoko ne supporta plus les pressions exercées par mes parents et me dit : « Je voudrais vivre ailleurs. » Je comprenais son désir. Pourtant, je n’osais pas lui répondre que je le souhaitais aussi. « Je suis héritier, dis-je. Je ne peux abandonner ni ma maison ni mes parents. » Alors elle décida de partir.

— On n’oublie jamais les paroles gentilles de quiconque. (…)
« On n’oublie jamais les paroles méchantes de quiconque non plus. »

— C’est incroyable d’avoir une si vieille famille impériale, la plus vieille du monde. Nous avons maintenant le cent vingt-cinquième empereur !
— Pourtant, dis-je, il ne sera pas facile à l’avenir de garder seulement la lignée paternelle. C’est à cause du Code de la famille impériale appliqué à l’ère de Meiji et après la guerre. De fait, huit héritières ont régné entre l’époque d’Asuka et d’Édo.
 — Vous avez raison. C’est pour cela que jusqu’à l’époque de Taïshô, l’héritier dont la femme était inféconde ou qui n’avait que des filles pouvait avoir des concubines afin d’avoir des garçons. Mais cette coutume ne se pratique plus maintenant.
 — Alors, dis-je, on devrait modifier le Code pour que la femme puisse devenir héritière.
 — Très bien, répond-il.
 Son regard est fixé sur les pièces. Je continue :
 — Si l’on attache de l’importance à la continuité de la lignée paternelle ou maternelle, il faudra considérer toutes les possibilités de faire des enfants. Par exemple, la femme dont le mari est stérile pourrait avoir des concubins.
 Monsieur Nakamura me regarde, interloqué :
 — Quoi ? Qu’est-ce que vous avez dit ?
 — Des concubins pour les femmes. Pourquoi pas ? Ce n’est pas seulement les femmes qui sont infécondes. Les hommes peuvent l’être, et parfois les deux.
 — Je ne suis pas certain que je pourrais me faire à cette idée, même dans le cas où je serais stérile. J’aimerais mieux ne pas avoir d’enfant que de voir ma femme coucher avec quelqu’un d’autre.
 Il a l’air embarrassé. Je dis :
 — Moi aussi. Les hommes sont vraiment égoïstes. 
 
— Il y a trop de vénalité. Comme on dit le proverbe : « Même en enfer, le jugement dépend de l’argent. »

Au Moyen Âge, un chevalier se promenait avec sa belle au bord du Danube. Il s’appelait Rudolf et elle, Belta. La fille aperçut, sur la rive, de petites fleurs bleues et elle voulut les avoir. Rudolf descendit. En les cueillant, il tomba dans le courant rapide. Désespéré, il se débattit, mais en vain. Belta paniqua. Il cria, en lançant les fleurs vers elle : « Ne m’oublie pas ! » et il disparut dans l’eau…

 

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