J'ai beaucoup aimé
Titre : Impardonnable
Auteur : Mathieu MENEGAUX
Parution : 2025 (Grasset)
Pages : 234
Présentation de l'éditeur :
Deux récits, deux voix, deux ennemis a priori.
Lui s’appelle Paul Dufourcq. Jusqu’à peu, il avait une situation, une famille, un grand appartement dans le XVIème arrondissement de Paris, une vie. Mais un soir, il rentre en voiture après avoir bu, renverse un jeune homme à scooter et prend la fuite. L’accident tue l’adolescent et envoie Paul derrière les barreaux d’une prison. Elle s’appelle Anna. Elle a perdu sa fille, Lucie, dans des circonstances similaires, mais son coupable à elle s’en est sorti avec un bracelet électronique. Depuis, Anna va de rage en peine. La justice les a broyés tous deux, murant l’une dans la colère et l’autre dans la culpabilité. Pour les aider, on leur propose de participer à une autre forme de justice, dite restaurative. Anna devra rencontrer Paul, l’écouter, lui parler. De son côté, Paul pourra enfin s’excuser. Mais peut-on accorder son pardon à celui qu’on ne hait que par procuration ? Et peut-il affranchir de la culpabilité ?
On suit d’abord à tour de rôle les récits séparés d’Anna et Paul, revivant avec eux leur histoire, du procès aux murs de béton ou de rage entre lesquels ils vivent depuis deux ans. Jusqu’à leur rencontre, point d’acmé de ce roman tendu comme une corde sur laquelle Mathieu Menegaux, funambule attentif, évolue pour nous faire éprouver les sentiments qui rongent ses personnages, honte, rage, peur et désir de vengeance, et éclairer aussi bien les impasses d’une justice qui punit, que les espoirs d’une autre appelant au pardon. Un roman poignant que la tendresse habite.
Lui s’appelle Paul Dufourcq. Jusqu’à peu, il avait une situation, une famille, un grand appartement dans le XVIème arrondissement de Paris, une vie. Mais un soir, il rentre en voiture après avoir bu, renverse un jeune homme à scooter et prend la fuite. L’accident tue l’adolescent et envoie Paul derrière les barreaux d’une prison. Elle s’appelle Anna. Elle a perdu sa fille, Lucie, dans des circonstances similaires, mais son coupable à elle s’en est sorti avec un bracelet électronique. Depuis, Anna va de rage en peine. La justice les a broyés tous deux, murant l’une dans la colère et l’autre dans la culpabilité. Pour les aider, on leur propose de participer à une autre forme de justice, dite restaurative. Anna devra rencontrer Paul, l’écouter, lui parler. De son côté, Paul pourra enfin s’excuser. Mais peut-on accorder son pardon à celui qu’on ne hait que par procuration ? Et peut-il affranchir de la culpabilité ?
On suit d’abord à tour de rôle les récits séparés d’Anna et Paul, revivant avec eux leur histoire, du procès aux murs de béton ou de rage entre lesquels ils vivent depuis deux ans. Jusqu’à leur rencontre, point d’acmé de ce roman tendu comme une corde sur laquelle Mathieu Menegaux, funambule attentif, évolue pour nous faire éprouver les sentiments qui rongent ses personnages, honte, rage, peur et désir de vengeance, et éclairer aussi bien les impasses d’une justice qui punit, que les espoirs d’une autre appelant au pardon. Un roman poignant que la tendresse habite.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Mathieu Menegaux est né en 1967. Il est l’auteur Je me suis tue (Grasset, 2015, Points 2017), primé aux Journées du Livre de Sablet, de Un fils parfait (Grasset, 2017, Points 2018), prix Claude Chabrol du roman noir, porté à l’écran en 2019, de Est-ce ainsi que les hommes jugent ?
(Grasset, 2018, Points, 2019), prix Yourcenar, adapté lui aussi pour la
télévision (Jugé sans justice – France 2), et dernièrement de Femmes en colère (Grasset, 2021) déjà adapté au théâtre et en cours d’adaptation pour le cinéma.
Avis :
La justice et les vies détruites qu’elle côtoie tous les jours sont au coeur des romans de Mathieu Menegaux. Entrelaçant deux affaires de violence routière, son septième ouvrage met à l’honneur la justice restaurative encore peu pratiquée en France.L’on pourrait s’y méprendre et croire longtemps que les deux voix qui entrecroisent leur histoire sont les deux parties d’une même affaire. Mais, dans un cas, la victime est une jeune fille de seize ans qui roulait à vélo, dans l’autre, un adolescent percuté sur son scooter. Les chauffards ont tous deux pris la fuite, abandonnant les jeunes gens à leur mort, mais l’un s’en est sorti avec un bracelet électronique, l’autre, parce qu’un célèbre humoriste venait de défrayer la chronique, avec la peine maximale de sept ans d’emprisonnement.
La première voix est celle d’Anna, la mère qui, dans sa détresse et sa colère, attend réparation de la justice. Celui qui lui a volé sa fille doit souffrir un enfer au moins semblable au sien. Désespérément longue à venir, froidement jargonneuse et distanciée, et surtout injustement laxiste à ses yeux, la condamnation décidée par le tribunal la dévaste. Pour elle, c’est le deuil à perpétuité ; pour le coupable, la liberté, même si sous surveillance électronique.
De l’autre côté, celui de ceux qui ont basculé au revers de la société, derrière les barreaux de ce qu’il faut bien appeler l’enfer carcéral, se fait entendre la seconde voix du roman. Paul n’est plus que culpabilité cuisante. Et si l’on compatit sans peine à la souffrance d’Anna, l’on finit par ressentir aussi une forme d’empathie pour cet homme jusqu’ici sans tache, qu’une grave erreur, un soir trop arrosé, a éjecté du monde humain. Sa femme a divorcé, il ne voit plus ses filles et sombre dans le désespoir. Pas un jour où le personnel carcéral ne sonde ses éventuelles intentions suicidaires.
Alors, se référant à Badinter qui insistait sur le droit à réparation et sur la différence entre un monstre et un homme qui a commis un acte monstrueux, Mathieu Menegaux se fait dans cette histoire l’avocat de la justice restaurative. Certes un peu trop miraculeuse dans ce roman où un seul entretien suffit à dénouer les impasses où les deux personnages se trouvaient enfermés, cette pratique complémentaire de la justice pénale consiste à offrir un espace de dialogue, encadré par un médiateur, où victimes et auteurs, pas forcément d’une même affaire, peuvent échanger sur leurs ressentis et leurs attentes. Cette libération de la parole s’avère essentielle à la reconstruction des victimes, tout comme à la responsabilisation, et donc à la réintégration, des auteurs.
Toujours juste et irréprochablement empathique, l’écriture fluide et efficace de Mathieu Menegaux explore sans pathos la douleur de ses personnages dans un récit poignant menant au final à une réflexion de fond sur la justice. Où que l’on place le curseur, le plus souvent au gré des pressions politiques et médiatiques, entre laxisme et punitivisme, l’on perd trop souvent de vue un objectif primordial : la reconstruction des victimes et des auteurs d’actes délictueux et criminels. Un bel hommage en passant au si progressiste et humaniste Robert Badinter. (4/5)
Citations :
Quinze mois pour obtenir un procès, tout ça pour n’avoir que deux heures d’audience ! Deux heures. Le procès du 13 Novembre a duré huit mois. Avec cent trente victimes, ça fait deux jours d’audience par victime. Pas deux heures. La vie de Lucie valait-elle moins ? Tout ça lui semble injuste. Tellement injuste. Il n’y a plus rien à dire, plus rien à faire, juste à attendre. Encore attendre, pour un verdict qui n’apportera ni satisfaction ni réconfort. Maître Furcotte avait raison depuis le premier jour. Le procès ne résoudrait rien. Anna l’avait écouté, avait essayé de s’en convaincre mais en vain. La soif de justice, la nécessité d’être reconnue comme victime et le désir de vengeance, d’une punition légitime, l’avaient emporté sur les mises en garde de l’avocat. Maintenant, le procès est terminé et Anna se sent vide.
L’idée est venue de Badinter, encore lui, qui avait deux obsessions dans sa vie : celle que tout le monde connaît, l’abolition de la peine de mort, et l’autre, moins connue, la place donnée à la victime dans notre système pénal. Dès 1983, il a encouragé la création de premières associations à Rouen, à Strasbourg : quelques années plus tard s’est créé le réseau INAVEM, qui deviendra ensuite France Victimes.
Quand il a entendu parler d’une expérimentation de justice restaurative à la maison centrale de Poissy en 2010, il s’est tout de suite porté volontaire. L’idée était de mettre face à face quatre personnes détenues et quatre victimes d’infractions, impliquées dans des affaires différentes, mais de même nature. Le tout sous l’égide du professeur Robert Cario. Seraient organisées cinq rencontres plénières et une rencontre-bilan, pour aborder les répercussions de l’infraction dans leurs vies. Un espace de parole sécurisé, où chacun pourrait formuler tout ce qu’il n’est pas possible de dire au cours d’un procès, les victimes pouvant poser directement des questions à un criminel, et réciproquement. Pour Bonnefond, l’enjeu était autant d’exprimer ses sentiments que de découvrir la situation et les états d’âme de ces détenus dont il ne connaissait rien.
Je crois que c’est ça que j’ai appris lors de ces rencontres, Anna. Ce ne sont pas des monstres. Ce sont des hommes, qui ont commis des actes monstrueux. Et c’est très différent.
Cette discipline est inspirée de pratiques séculaires des peuples autochtones, les Maoris en Nouvelle-Zélande ou les Inuits au Canada. Chez eux, l’essentiel est de préserver le bon fonctionnement de la communauté après et malgré un traumatisme. Ils doivent renouer le dialogue entre les parties pour leur permettre de continuer à vivre ensemble et restaurer l’harmonie. Les conflits et leurs conséquences sont ainsi résolus au sein de la communauté, plutôt que d’être externalisés vers un système de justice formel. Une pratique ancestrale qui privilégie la réconciliation à la punition ou au châtiment.
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