Coup de coeur đđ
Titre : Solito
Auteur : Javier ZAMORA
Traduction : Carole d'YVOIRE
Parution : en anglais (Etats-Unis) en 2022,
en français en 2024 (Gallimard)
Pages : 496
Présentation de l'éditeur :
Du haut de ses neuf ans, Javier quitte ses grands-parents, ses copains
dâĂ©cole et son pays dâorigine, El Salvador, pour retrouver ses parents
dĂ©jĂ installĂ©s clandestinement aux Ătats-Unis. Seul, il part pour un
périple de 3 000 kilomÚtres à travers le Guatemala, le Mexique, la mer
et le dĂ©sert, au bout duquel lâattendent le rĂȘve amĂ©ricain et sa vie de
famille tant désirée.
VĂ©cue et observĂ©e Ă hauteur dâenfant, cette Ă©popĂ©e hors norme semĂ©e de nombreux dangers et Ă©preuves est avant tout teintĂ©e dâĂ©merveillement et dâespoir. Car Javier poursuit vaillamment son long chemin, suivant les passeurs et les autres migrants, dĂ©couvrant de magnifiques couchers de soleil ou de somptueuses Ă©tendues de cactus, mais aussi le meilleur et le pire dont lâhumain est capable.
Devenu un phĂ©nomĂšne mondial, Solito est un tĂ©moignage rare, poignant et universel sur le sort des migrants. LâĂ©criture sensible de Javier Zamora, associĂ©e Ă son jeu avec la langue hispanique, offre une expĂ©rience de lecture singuliĂšre et particuliĂšrement vivante.
VĂ©cue et observĂ©e Ă hauteur dâenfant, cette Ă©popĂ©e hors norme semĂ©e de nombreux dangers et Ă©preuves est avant tout teintĂ©e dâĂ©merveillement et dâespoir. Car Javier poursuit vaillamment son long chemin, suivant les passeurs et les autres migrants, dĂ©couvrant de magnifiques couchers de soleil ou de somptueuses Ă©tendues de cactus, mais aussi le meilleur et le pire dont lâhumain est capable.
Devenu un phĂ©nomĂšne mondial, Solito est un tĂ©moignage rare, poignant et universel sur le sort des migrants. LâĂ©criture sensible de Javier Zamora, associĂ©e Ă son jeu avec la langue hispanique, offre une expĂ©rience de lecture singuliĂšre et particuliĂšrement vivante.
Le mot de l'Ă©diteur sur l'auteur :
Javier Zamora est dâorigine salvadorienne et vit aux Ătats-Unis depuis quâil a traversĂ© la frontiĂšre clandestinement, seul, Ă lâĂąge de neuf ans. AprĂšs des Ă©tudes Ă Stanford et Harvard, il est devenu poĂšte et a publiĂ© un recueil de poĂ©sie remarquĂ©, Unaccompanied. Solito, best-seller du New York Times depuis sa parution en 2022, a conquis des centaines de milliers de lecteurs et a fait de Zamora une figure qui porte la voix des migrants.
Avis :
En 1999 alors quâil avait neuf ans, Javier Zamora quittait le Salvador, seul et clandestin, pour rejoindre ses parents en Californie. Fuyant la guerre civile, son pĂšre avait Ă©tĂ© le premier de la famille, huit ans plus tĂŽt, Ă immigrer illĂ©galement aux Etats-Unis. Sa mĂšre nâavait pas tardĂ© Ă le rejoindre, laissant lâenfant Ă la garde de ses grands-parents. Faute de visa pour leur fils, ils avaient engagĂ© un « coyote », autrement dit un passeur, pour le cornaquer au long des 3000 kilomĂštres de son pĂ©riple Ă travers le Guatemala, le Mexique et le dĂ©sert du Sonora, lĂ oĂč il devrait franchir illĂ©galement la frontiĂšre vers « las Unitades ».
PrĂ©vu pour durer deux semaines, le voyage truffĂ© dâembĂ»ches et dâĂ©preuves devait en rĂ©alitĂ© en prendre huit. Miraculeusement sauf mais durablement traumatisĂ©, il lui faudrait un peu plus de vingt ans pour que, dĂ©sormais diplĂŽmĂ© de Stanford et lĂ©galisĂ© rĂ©sident permanent aux Etats-Unis, devenu activiste en faveur de la cause des migrants, il trouve la force dâaffronter ses souvenirs, dâabord dans un recueil de poĂ©sie, Unaccompanied, publiĂ© en 2017 et saluĂ© par la critique, ensuite dans ce premier roman, best-seller du New York Times en 2022, point dâorgue dâune longue thĂ©rapie en mĂȘme temps quâimpressionnante rĂ©ussite littĂ©raire.
NarrĂ© Ă hauteur dâenfant, sans jamais de commentaire ni de point de vue extĂ©rieurs, le rĂ©cit immerge le lecteur au plus prĂšs du vĂ©cu, dans une spontanĂ©itĂ© sincĂšre et candide qui, quoi quâil arrive toujours prĂȘte Ă sâĂ©merveiller, fĂ»t-ce Ă propos des poissons volants du Pacifique ou de la variĂ©tĂ© des cactus dans le dĂ©sert, considĂšre avec le mĂȘme naturel aussi bien les mille dĂ©tails matĂ©riels des Ă©prouvantes conditions du voyage que les plus terribles dangers qui le jalonnent. Câest donc bien plus horrifiĂ© que lui, lâenfant qui ne comprendra sans doute pleinement que bien plus tard tout ce par quoi il est passĂ©, que lâon voit son premier coyote disparaĂźtre dans la nature, les suivants lâabandonner avec dâautres migrants au beau milieu du dĂ©sert du Sonora, la Migra le refouler deux fois Ă la frontiĂšre des Etats-Unis et plusieurs armes le braquer comme un redoutable criminel.
Aucune analyse ni leçon de morale, aucun pathos ni sensationnalisme donc, mais la seule candeur dâun enfant pour donner chair Ă la peur, la solitude, le froid, la soif, les jours d'attente sans fin, le manque dâargent et la dĂ©pendance Ă des passeurs douteux auxquels il faut bien se fier, la traque policiĂšre et lâinhumanitĂ© administrative, lâhumiliation et la promiscuitĂ© avec les autres migrants, certains prĂȘts Ă toutes les trahisons pour se sauver, dâautres merveilleux dâentraide et de solidaritĂ©, comme Patricia, sa fille Carla et le jeune homme Chino Ă qui Javier Zamora dĂ©die son livre. Ce sont eux qui, le prenant sous leur aile et se faisant passer pour une famille, lui sauvent probablement la vie et lui permettent de parvenir Ă destination.
PrĂ©vu pour durer deux semaines, le voyage truffĂ© dâembĂ»ches et dâĂ©preuves devait en rĂ©alitĂ© en prendre huit. Miraculeusement sauf mais durablement traumatisĂ©, il lui faudrait un peu plus de vingt ans pour que, dĂ©sormais diplĂŽmĂ© de Stanford et lĂ©galisĂ© rĂ©sident permanent aux Etats-Unis, devenu activiste en faveur de la cause des migrants, il trouve la force dâaffronter ses souvenirs, dâabord dans un recueil de poĂ©sie, Unaccompanied, publiĂ© en 2017 et saluĂ© par la critique, ensuite dans ce premier roman, best-seller du New York Times en 2022, point dâorgue dâune longue thĂ©rapie en mĂȘme temps quâimpressionnante rĂ©ussite littĂ©raire.
NarrĂ© Ă hauteur dâenfant, sans jamais de commentaire ni de point de vue extĂ©rieurs, le rĂ©cit immerge le lecteur au plus prĂšs du vĂ©cu, dans une spontanĂ©itĂ© sincĂšre et candide qui, quoi quâil arrive toujours prĂȘte Ă sâĂ©merveiller, fĂ»t-ce Ă propos des poissons volants du Pacifique ou de la variĂ©tĂ© des cactus dans le dĂ©sert, considĂšre avec le mĂȘme naturel aussi bien les mille dĂ©tails matĂ©riels des Ă©prouvantes conditions du voyage que les plus terribles dangers qui le jalonnent. Câest donc bien plus horrifiĂ© que lui, lâenfant qui ne comprendra sans doute pleinement que bien plus tard tout ce par quoi il est passĂ©, que lâon voit son premier coyote disparaĂźtre dans la nature, les suivants lâabandonner avec dâautres migrants au beau milieu du dĂ©sert du Sonora, la Migra le refouler deux fois Ă la frontiĂšre des Etats-Unis et plusieurs armes le braquer comme un redoutable criminel.
Aucune analyse ni leçon de morale, aucun pathos ni sensationnalisme donc, mais la seule candeur dâun enfant pour donner chair Ă la peur, la solitude, le froid, la soif, les jours d'attente sans fin, le manque dâargent et la dĂ©pendance Ă des passeurs douteux auxquels il faut bien se fier, la traque policiĂšre et lâinhumanitĂ© administrative, lâhumiliation et la promiscuitĂ© avec les autres migrants, certains prĂȘts Ă toutes les trahisons pour se sauver, dâautres merveilleux dâentraide et de solidaritĂ©, comme Patricia, sa fille Carla et le jeune homme Chino Ă qui Javier Zamora dĂ©die son livre. Ce sont eux qui, le prenant sous leur aile et se faisant passer pour une famille, lui sauvent probablement la vie et lui permettent de parvenir Ă destination.
Ce rĂ©cit dont jusquâĂ la langue, mĂȘlĂ©e de rĂ©fĂ©rences Ă des marques locales, de paroles de chansons, enfin de termes et dâexpressions hispaniques, salvadoriens et mexicains comparĂ©s, traduit lâarrachement identitaire et culturel de ce voyage vers une autre vie, nâest pas seulement un tĂ©moignage individuel Ă©minemment touchant et saisissant. Il est aussi lâarbre qui permet de voir la forĂȘt avec une acuitĂ© nouvelle, lâexpression particuliĂšre dâune souffrance collective et la voix de tous ces migrants dont lâactualitĂ© politique amĂ©ricaine va dĂ©sormais compliquer plus encore le sort.
Ecrit pour guĂ©rir, remercier et porter la voix des migrants, un livre qui, du haut de lâindiscutable sincĂ©ritĂ© dâun enfant, ne peut quâemporter le lecteur dans un souffle dâeffroi et de tendresse pour ses personnages et sensibiliser de maniĂšre magistrale Ă sa cause. Coup de coeur. (5/5)
Citations :
Pendant sept semaines (du 20 avril 1999 au 10 juin 1999), personne nâa su oĂč jâĂ©tais. Ă TecĂșn UmĂĄn, Papy mâavait confiĂ© Ă Don Dago, et ce dernier nâavait jamais donnĂ© de nouvelles Ă ma famille au Salvador. Aucun des coyotes auxquels jâai eu affaire nâa jamais tĂ©lĂ©phonĂ© Ă mes parents en Californie. La premiĂšre fois quâils ont su que jâĂ©tais vivant, câest grĂące Ă Marcelo qui a rĂ©ussi Ă joindre mes parents le 1er juin 1999. Je ne sais pas comment il a pu arriver Ă Los Ăngeles, mais il leur a dit que jâĂ©tais « entre de bonnes mains », que jâĂ©tais « tellement optimiste et certain de les revoir ». Avant de raccrocher, il avait ajoutĂ© : « Ne vous inquiĂ©tez pas, vous avez un petit garçon spĂ©cial. »
Mes parents en ont perdu le sommeil. La nuit, leur tĂ©lĂ©phone Ă©tait posĂ© Ă cĂŽtĂ© de leur lit et ils attendaient quâil sonne. Ils ne pouvaient pas partir me chercher en voiture prĂšs de la frontiĂšre, car ils craignaient que la patrouille frontaliĂšre ne les arrĂȘte et ne les expulse. Tout ce quâil leur restait Ă faire, câĂ©tait attendre en espĂ©rant que je parvienne Ă rĂ©ussir la traversĂ©e, sain et sauf. Ils sont allĂ©s au travail comme dâhabitude, appelant El Salvador deux fois par jour, ont empruntĂ© de lâargent au cas oĂč un pollero les contacterait, et ont poursuivi leurs cours dâanglais pour adultes Ă©trangers au College of Marin.
Mes parents en ont perdu le sommeil. La nuit, leur tĂ©lĂ©phone Ă©tait posĂ© Ă cĂŽtĂ© de leur lit et ils attendaient quâil sonne. Ils ne pouvaient pas partir me chercher en voiture prĂšs de la frontiĂšre, car ils craignaient que la patrouille frontaliĂšre ne les arrĂȘte et ne les expulse. Tout ce quâil leur restait Ă faire, câĂ©tait attendre en espĂ©rant que je parvienne Ă rĂ©ussir la traversĂ©e, sain et sauf. Ils sont allĂ©s au travail comme dâhabitude, appelant El Salvador deux fois par jour, ont empruntĂ© de lâargent au cas oĂč un pollero les contacterait, et ont poursuivi leurs cours dâanglais pour adultes Ă©trangers au College of Marin.
Comme mes parents, jâai refusĂ© de ressasser tout ce qui mâĂ©tait arrivĂ© pendant ces sept semaines entre El Salvador et la Californie. Je nâai jamais oubliĂ© Chino, Patricia, Carla, Chele, Marcelo, ni aucun de ceux que jâai croisĂ©s sur ma route, mais me souvenir dâeux Ă©tait trop douloureux. Câest uniquement grĂące aux poĂšmes que jâĂ©crivais, et plus tard Ă ce livre (qui aurait Ă©tĂ© impossible sans lâindĂ©fectible soutien de mon psychothĂ©rapeute), que jâai trouvĂ© le courage nĂ©cessaire, une fois que je me suis senti assez guĂ©ri, pour revisiter les lieux, les personnes et les Ă©vĂ©nements qui mâont façonnĂ©. JâespĂšre que ce texte me permettra de retrouver Chino, Patricia et Carla, que je dĂ©couvrirai ce qui leur est arrivĂ© aprĂšs notre sĂ©paration et que jâapprendrai ce quâa Ă©tĂ© leur vie dans ce pays. Je ne crois pas les avoir remerciĂ©s. Et je veux le faire aujourdâhui, en tant quâadulte, dâavoir risquĂ© leur peau pour cet enfant de neuf ans quâils ne connaissaient pas.
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