vendredi 7 février 2025

[Barba, Andrés] Le dernier jour de la vie antérieure

 





J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Le dernier jour de la vie antérieure
            (El último día de la vida anterior)

Auteur : Andrés BARBA

Traduction : François GAUDRY

Parution : en espagnol en 2023
                  en français (Christian Bourgois)
                  en 2024

Pages : 160

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Dans une maison vide promise à la vente, une agente immobilière découvre un enfant assis sur une chaise. Il la regarde sans ciller, dans un accoutrement désuet qui ajoute à son étrangeté. Leur rencontre bouleverse le quotidien de cette employée sans histoire : elle retourne jour après jour sur les lieux, à l’insu de ses proches, obnubilée par cet être et ce foyer désert qui partagent un lien invisible. Bientôt, un dialogue se noue entre la femme et l’enfant, un jeu se met en place, et la maison se peuple. Car l’irruption d’un enfant dans la routine des adultes ne manque jamais de troubler l’ordre établi.
Le dernier jour de la vie antérieure ressemble à une parfaite histoire de fantôme : une maison hantée, un « autre » mystérieux, des voix qui se font écho… Pourtant tout est plus réel qu’il n’y paraît. Frayant avec le fantastique, Andrés Barba dépeint l’enfance sans angélisme et nous plonge au cœur de la fragilité humaine, quand la culpabilité perturbe notre quiétude.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Andrés Barba est né à Madrid en 1975. Il est diplômé en lettres espagnoles. Il a publié son premier livre en 1997, El hueso que más duele. Il a représenté l’Espagne dans divers congrès de jeunes auteurs de fiction et de théâtre. Il a enseigné au Bowdoin College (Etats-Unis) et est actuellement professeur à l’Université de Madrid. Ses trois premiers romans traduits en français ont été salués par la presse à leur publication.

 

 

Avis :

Alice aux pays des merveilles est une métaphore du passage à l’âge adulte, quand l’enfance empreinte de merveilleux cède la place à la normalité. Dans une traversée du miroir à rebours écrite dans un moment de crise personnelle, Andrés Barba imagine une échappée extralucide hors d’un quotidien étriqué, pour un très poétique retour à soi-même et à l’enfant perdu en soi.

L’héroïne du livre est une agente immobilière. Tout à sa performance professionnelle, elle semble n’avoir jamais réellement pris conscience de la relative aridité de sa vie, entre un compagnon plus âgé qui ne lui a jamais donné d’enfant et un patron ne montrant de personnel que son souci pour son chien vieillissant. Mais voilà qu’un raté survient dans cette mécanique depuis longtemps en pilotage automatique. Comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, ce qu’elle repousse d’abord comme irrationnel n’en finit plus de s’imposer dans son esprit, l’obligeant bientôt à déroger à ses certitudes et à ses habitudes.

Tout commence lors de sa première visite d’une vieille villa désertée, l’une des ces demeures dont on se dit qu’elles ont une âme tant y vibre encore l’écho des vies passées qu’elles ont abritées. C’est en ces murs réduits au silence que le réel se craquelle en laissant se matérialiser un garçonnet aux vêtements désuets et à l’étrange regard fixe. L’ayant chassé par réflexe, la jeune femme ne parvient pourtant pas à l’oublier et n’a dès lors de cesse que de revenir le retrouver. 
 
Une relation amicale se noue entre l’adulte et l’enfant, jusqu’à ce qu’ils se retrouvent ensemble, comme dans un bégaiement du temps, dans la répétition sans fin d’une même scène du passé. Alors, venant conjurer le sort qui jadis mura le garçon dans le chagrin et la culpabilité après avoir brisé sa famille, les mots et la bienveillance de la femme se feront les clés de la délivrance. Le présent ayant cessé de répéter le passé, le futur pourra advenir, tant pour lui dont on entendra pour la première fois le prénom, que pour elle, encore incrédule : « Est-ce là que ça arrive ? Ça doit être là. Un enfant l’a sortie de la vie. Un enfant l’a rendue à elle-même. »

Tout concourt dans ce texte à faire perdre pied dans un subtil mélange de réel et d’irrationalité, une distorsion troublante du temps et de la réalité née du décalage qui, insensiblement et sans même que l'héroïne en ait conscience, a fini par s’immiscer entre ses aspirations profondes et les matérialités de son existence. De l’enfant ou de la femme, impossible de démêler qui projette l’autre, mais peu importe, les deux ont besoin l’un de l’autre et s’entraident à sortir chacun de leur impasse respective. Un roman pas si facile d’accès tant il désarçonne, mais une réussite indéniablement originale et poétique, pour illustrer le poids de nos boulets psychologiques et les curieux détours de l’inconscient pour espérer enfin se libérer. (4/5)

 

 

Citations :

N’est-ce pas cela l’amour : un dialogue infini et anodin, sans objet, simple confirmation de la présence ?

Est-ce là que ça arrive ? Ça doit être là. Un enfant l’a sortie de la vie. Un enfant l’a rendue à elle-même.


 

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