J'ai aimé
Titre : Le Désert de Quartz
(Desertul de Cuart)
Auteur : George SCHINTEIE
Traduction : Gabrielle DANOUX
Parution : bilingue roumain / français
en 2023 (Cosmopolitanart)
Pages : 300
Avis :
Après la parution en 1976 de son premier recueil de poèmes, George Schinteie a longtemps mis sa propre création entre parenthèses pour se consacrer au journalisme et à la promotion littéraire, organisant des événements culturels, des résidences créatives, des cercles littéraires, et soutenant la publication de revues et d’anthologies de poésie. A la révolution roumaine de 1989, il s’active à la création de la première chaîne indépendante de télévision, puis à la première radio privée du pays. Ce n’est qu’à l’approche de la soixantaine qu’il reprend le fil de son inspiration, avec une salve de huit recueils à partir de 2008, le dernier en date étant Le Désert de Quartz.
Si son premier recueil célébrait l’amour, les suivants résonnent du vécu et de l’angoisse de l’âge. Le Sablier du Silence, puis Le Sablier des mots - ronde sur l’amour et le temps, enfin un recueil par an 66, 67, 68, en référence à son âge, et encore L’ombre de l’horloge, inscrivent jusque dans leurs titres l’obsession du temps qui passe. Le Désert de Quartz prolonge les interrogations du poète désormais largement septuagénaire, ses inquiétudes métaphysiques lui inspirant une rêverie poétique tissée de mélancolie, aux couleurs symboliques de l’automne et de l’hiver. Ses vers coulent sans ponctuation comme le sable et le temps à travers les doigts, égrenant les métaphores de la nature pour suggérer l’écoulement de la vie, et tentant de conjurer sa détresse sentimentale par le souvenir de la femme aimée. Ainsi papillons, étoiles et arcs-en-ciel luisent-ils mélancoliquement, reflets d’états d’âme et de sentiments forts, perdus dans un crépuscule où la chaleur du sang s’éteint dans le vent et la pluie.
Si son premier recueil célébrait l’amour, les suivants résonnent du vécu et de l’angoisse de l’âge. Le Sablier du Silence, puis Le Sablier des mots - ronde sur l’amour et le temps, enfin un recueil par an 66, 67, 68, en référence à son âge, et encore L’ombre de l’horloge, inscrivent jusque dans leurs titres l’obsession du temps qui passe. Le Désert de Quartz prolonge les interrogations du poète désormais largement septuagénaire, ses inquiétudes métaphysiques lui inspirant une rêverie poétique tissée de mélancolie, aux couleurs symboliques de l’automne et de l’hiver. Ses vers coulent sans ponctuation comme le sable et le temps à travers les doigts, égrenant les métaphores de la nature pour suggérer l’écoulement de la vie, et tentant de conjurer sa détresse sentimentale par le souvenir de la femme aimée. Ainsi papillons, étoiles et arcs-en-ciel luisent-ils mélancoliquement, reflets d’états d’âme et de sentiments forts, perdus dans un crépuscule où la chaleur du sang s’éteint dans le vent et la pluie.
- « le vent court dans mon âme / tel un enfant après des papillons / il fait voler en éclats tout ce qu’il rencontre sur sa route / les âges de la jeunesse la buée de la félicité / les nuages des sourires et l’ombre des réussites »
- « la pluie s’est nichée dans mes paroles / prononcée par cette matinée nuageuse / dont s’est discrètement enfuie la lumière / j’ai la nostalgie de l’ombre de ton départ »
- « la soirée mord timidement dans le temps / rendant la journée plus courte / et tire le rideau d’obscurité / par-dessus des joies interrompues »
- « l’hiver a boutonné tous ses boutons / comme une cape de vie par-dessus / les âmes fourbues par l’absence de vie »
Préfacé par la poète, écrivain et critique littéraire Cristina Sava, postfacée par l’éditeur Marian Odangiu et par la traductrice Gabrielle Danoux dont il convient de saluer, une nouvelle fois, aussi bien le délicat travail que l’engagement au service de la promotion en France des lettres roumaines, ce recueil est illustré par l’artiste contemporain Valeriu Sepi, dans une édition soignée qui fait de cet ouvrage un Beau Livre dans tous les sens du terme. (3,5/5)
Citations :
Combien de plaies
un train passe dans mon coeur / sans destination précise / et personne ne me prévient / que je dois mettre mon réveil à sonner / pour que je ne rate pas le moment / de son arrivée dans la gare invisible de la journée / je compte les graines de rosée sur les feuilles encore / vertes de l’attente / et je les enfile comme des perles sur un collier / la larme de la lune je la porte en gage / pour l’oubli / le train insolent poursuit son trajet / ignorant le nombre exact des plaies qu’il a oublié d’embarquer / à l’arrêt de mon coeur / dessiné dans d’imprévisibles / matins
un train passe dans mon coeur / sans destination précise / et personne ne me prévient / que je dois mettre mon réveil à sonner / pour que je ne rate pas le moment / de son arrivée dans la gare invisible de la journée / je compte les graines de rosée sur les feuilles encore / vertes de l’attente / et je les enfile comme des perles sur un collier / la larme de la lune je la porte en gage / pour l’oubli / le train insolent poursuit son trajet / ignorant le nombre exact des plaies qu’il a oublié d’embarquer / à l’arrêt de mon coeur / dessiné dans d’imprévisibles / matins
Dissimulé dans une étoile
pendant mon enfance / je me cachais en catimini dans une étoile / surtout les nuits d’été / après les pluies rapides qui me surprenaient dans les champs / j’avais l’arc-en-ciel dans l’âme / je le gardais précieusement à l’endroit du coeur / pour ressentir les battements des couleurs / comme un éventail du temps / dispersé en secondes / dont je faisais souvent des petites barques en papier / les laissant s’en aller sur l’océan imaginaire / le ciel s’ouvrait de plus en plus pour que je puisse y / compter les ombres des pas / que je faisais avec une rapidité / digne de la vitesse de la lumière / et pour me sentir heureux / je courrais comme dans un rêve / sans me soucier de quoi que ce soit / vers mon étoile qui sûrement m’attendait / chaque soir quand j’étais nostalgique
à présent je n’ai de cesse de la chercher et je ne la retrouve plus / peut-être m’a-t-elle abandonné / peut-être ai-je changé / ou bien elle s’est cachée comme moi en catimini dans / une autre enfance / dans laquelle sans cesse et confiant je me suis glissé / en m’évertuant à vivre l’éternité
Conclusion
plus rien n’est encore possible / si d’aventure quelqu’un / fouille dans le tas de souvenirs / dans lequel s’est cachée ta vie / un déluge démarre instantanément / tandis que les années se dissipent de travers / dans le désert / tu tentes en vain de les cueillir / et de les ranger dans des calendriers / tout comme tu les as vécues / mais elles refusent et se dissipent encore / de sorte que le désespoir que tu éprouves / armé jusqu’aux dents / d’un optimisme désuet / t’abandonne dans un / trop bien défini moment / d’où tu parviens à peine à conclure / ce poème
L’automne
septembre pleut à travers tous les yeux du jour / et inonde du regard la saison toute entière / les ombres timides se sont dissimulées parmi les nuits / et attendent optimistes un lever de soleil / tous les amours errent aveugles dans l’âme de la mer / en quête d’une vague de sauvetage / pour les rejeter au rivage dans une espérée survie / seul moi égaré dans les pensées azuréennes / je reste sur un rocher et impuissant je suis du regard / comment coulent les navires qui n’ont de cesse de me hanter / tandis que l’automne déjà installé / se dérobe sous mes pieds
Lié au temps
quel âge a le temps chaque matin / quand je secoue à peine la rosée sur mon coeur / en songeant aux pluies retardées / ou bien qui ont oublié de venir / j’ai de plus en plus la nostalgie d’un temps innomé / dispersé à travers l’enfance / et je ne peux vraiment rien faire / pour le revivre encore une fois / je mets ma montre à gousset à sonner / un âge de plus en plus indéterminé / et j’attends les yeux rivés sur le miroir / le sourire du jour suivant / je pose ma tête lourde à cause des épreuves vécues / sur le rocher esseulé et abandonné / et je me demande de combien de saisons / l’homme a-t-il besoin pour le hisser jusqu’au sommet / ce n’est qu’à présent que je me rends compte que mon corps / est sisyphement fatigué et je me laisse immerger / comme une ancre dans les eaux sans fond / délivrant l’écho /du temps
quel âge a le temps chaque matin / quand je secoue à peine la rosée sur mon coeur / en songeant aux pluies retardées / ou bien qui ont oublié de venir / j’ai de plus en plus la nostalgie d’un temps innomé / dispersé à travers l’enfance / et je ne peux vraiment rien faire / pour le revivre encore une fois / je mets ma montre à gousset à sonner / un âge de plus en plus indéterminé / et j’attends les yeux rivés sur le miroir / le sourire du jour suivant / je pose ma tête lourde à cause des épreuves vécues / sur le rocher esseulé et abandonné / et je me demande de combien de saisons / l’homme a-t-il besoin pour le hisser jusqu’au sommet / ce n’est qu’à présent que je me rends compte que mon corps / est sisyphement fatigué et je me laisse immerger / comme une ancre dans les eaux sans fond / délivrant l’écho /du temps
Un violoncelle l’automne
parfois l’automne a une forme de violoncelle / sa sonorité grave mord le temps / et m’emporte à un certain âge / toutes les feuilles colorées se mettent à jouer chacune d’un autre instrument / tandis que le concert du temps sans chef d’orchestre / parcourait la vie toute entière les arbres répandaient une joie immense / sous les mélancoliques rayons de soleil / qui ne prédisaient pas des pluies / une main invisible me touchait le visage / et je baignais dans un sourire immense / contournant quelque obstacle imprévisible / dans d’autres saisons / je me demande à présent après tant de concerts / gravés sur la rétine de la mémoire / dans quel destin s’est confondu / la sonorité grave du violoncelle / pour que mes pas trébuchent / dans toute saison
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