Coup de coeur 💓
Titre : La serpe
Auteur : Philippe JAENADA
Parution : 2017 (Julliard)
Pages : 648
Présentation de l'éditeur :
Un matin d’octobre 1941, dans un château sinistre
au fin fond du Périgord, Henri Girard appelle au secours : dans la nuit,
son père, sa tante et la bonne ont été massacrés à coups de serpe. Il
est le seul survivant. Toutes les portes étaient fermées, aucune
effraction n’est constatée. Dépensier, arrogant, violent, le jeune homme
est l’unique héritier des victimes. Deux jours plus tôt, il a emprunté
l’arme du crime aux voisins. Pourtant, au terme d’un procès retentissant
(et trouble par certains aspects), il est acquitté et l’enquête
abandonnée. Alors que l’opinion publique reste convaincue de sa
culpabilité, Henri s’exile au Venezuela. Il rentre en France en 1950
avec le manuscrit du Salaire de la peur, écrit sous le pseudonyme de Georges Arnaud.
Jamais le mystère du triple assassinat du château d’Escoire ne sera élucidé, laissant planer autour d’Henri Girard, jusqu’à la fin de sa vie (qui fut complexe, bouillonnante, exemplaire à bien des égards), un halo noir et sulfureux. Jamais, jusqu’à ce qu’un écrivain têtu et minutieux s’en mêle…
Un fait divers aussi diabolique, un personnage aussi ambigu qu’Henri Girard ne pouvaient laisser Philippe Jaenada indifférent. Enfilant le costume de l’inspecteur amateur (complètement loufoque, mais plus sagace qu’il n’y paraît), il s’est plongé dans les archives, a reconstitué l’enquête et déniché les indices les plus ténus pour nous livrer ce récit haletant dont l’issue pourrait bien résoudre une énigme vieille de soixante-quinze ans.
Jamais le mystère du triple assassinat du château d’Escoire ne sera élucidé, laissant planer autour d’Henri Girard, jusqu’à la fin de sa vie (qui fut complexe, bouillonnante, exemplaire à bien des égards), un halo noir et sulfureux. Jamais, jusqu’à ce qu’un écrivain têtu et minutieux s’en mêle…
Un fait divers aussi diabolique, un personnage aussi ambigu qu’Henri Girard ne pouvaient laisser Philippe Jaenada indifférent. Enfilant le costume de l’inspecteur amateur (complètement loufoque, mais plus sagace qu’il n’y paraît), il s’est plongé dans les archives, a reconstitué l’enquête et déniché les indices les plus ténus pour nous livrer ce récit haletant dont l’issue pourrait bien résoudre une énigme vieille de soixante-quinze ans.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Philippe Jaenada est né en 1964. Il a publié chez Julliard Le Chameau sauvage (prix de Flore 1997 et prix Alexandre-Vialatte), adapté au cinéma par Luc Pagès sous le titre À + Pollux ; Néfertiti dans un champ de canne à sucre (1999) ; La Grande à bouche molle (2001) ; chez Grasset, Le Cosmonaute (2002), Vie et mort de la jeune fille blonde (2004), Plage de Manaccora, 16 h 30 (2009), et La Femme et l’Ours (2011). Depuis Sulak (Julliard, 2013) qui a reçu le Prix d’une vie 2013 (décerné par Le Parisien Magazine) et le Grand Prix des lycéennes de ELLE en 2014, il a publié La Petite Femelle (2015) et La Serpe, prix Femina 2017.
Avis :
Un matin de 1941, au château d’Escoire dans le Périgord, Henri Girard crie au secours : son père, sa tante et la bonne ont été massacrés à coups de serpe durant la nuit. Aucune effraction n’est constatée, Henri était seul avec les victimes dans la demeure verrouillée, et, très vite, il apparaît évident que tout l’accuse. Peu de temps auparavant, il a emprunté l’arme du crime. On lui prête une vie de patachon, flambeur toujours fauché, mari volage d’une demi-folle, brebis égarée entretenant des relations houleuses avec les Girard. Des Girard fortunés, dont il est le seul héritier… Placé en détention préventive, il passe en jugement dix-neuf mois plus tard. Et là, coup de théâtre : il est acquitté après une délibération du jury d’à peine dix minutes.
L’homme reprend sa vie, dilapide son héritage, fuit ses créanciers jusqu’au Venezuela dont il revient en 1950 avec un livre : le fameux Salaire de la peur, dont la publication sous le pseudonyme de Georges Arnaud manque de peu de lui valoir le Goncourt, et lui assure, en tout cas, un succès fracassant, amplifié par l’adaptation du roman au cinéma par Henri-Georges Clouzot. Toujours prodigue et remarquablement généreux, il se met au service de l’indépendance de l’Algérie, s’investit dans la défense de la veuve et de l’orphelin dans plusieurs causes perdues, réalise des reportages sur de grandes affaires. Pendant tout ce temps, rien n’y fait, l’opinion publique ne démord pas de sa culpabilité lors du triple meurtre de 1941. Il faut dire que, lui acquitté, l’affaire est demeurée irrésolue…
Avec l’extrême souci du détail qui caractérise ses enquêtes et l’irrésistible humour qui, parsemant son récit de digressions très vivantes, fait de lui un personnage du livre à part entière en même temps qu’un conteur hors pair, capable de vous tenir suspendu à ses mots pendant plus de six cents pages, entre étonnements et éclats de rire, Philippe Jaenada a entrepris de rouvrir le volumineux dossier de cette si trouble affaire. Comment ne pas être intrigué par Henri Girard, cet homme qui s’attache, jusqu’à la fin de sa vie, à combattre les erreurs et les injustices commises par la société, quand lui-même, à en croire l’opinion générale, en a précisément, et fort inexplicablement, profité ? Et si, malgré les apparences, il était vraiment innocent ? Et qui donc serait alors le coupable, jamais trouvé, jamais puni ?
Saga familiale, chronique historique des années d’Occupation, feuilleton judiciaire et hommage appuyé à l’oeuvre oubliée de Georges Arnaud, ce livre, fruit d’un travail d’investigation autant faramineux qu’intelligent, est aussi une véritable œuvre romanesque. Se mettant lui-même en scène au travers d’une histoire criminelle en tout point véridique, l’auteur s’y joue en toute dérision de son lecteur, pour le tenir suspendu entre bonnes et fausses pistes, à mesure de sa savante distillation de témoignages, documents et hypothèses. Une superbe occasion de méditer sur l’erreur judiciaire… Coup de coeur. (5/5)
L’homme reprend sa vie, dilapide son héritage, fuit ses créanciers jusqu’au Venezuela dont il revient en 1950 avec un livre : le fameux Salaire de la peur, dont la publication sous le pseudonyme de Georges Arnaud manque de peu de lui valoir le Goncourt, et lui assure, en tout cas, un succès fracassant, amplifié par l’adaptation du roman au cinéma par Henri-Georges Clouzot. Toujours prodigue et remarquablement généreux, il se met au service de l’indépendance de l’Algérie, s’investit dans la défense de la veuve et de l’orphelin dans plusieurs causes perdues, réalise des reportages sur de grandes affaires. Pendant tout ce temps, rien n’y fait, l’opinion publique ne démord pas de sa culpabilité lors du triple meurtre de 1941. Il faut dire que, lui acquitté, l’affaire est demeurée irrésolue…
Avec l’extrême souci du détail qui caractérise ses enquêtes et l’irrésistible humour qui, parsemant son récit de digressions très vivantes, fait de lui un personnage du livre à part entière en même temps qu’un conteur hors pair, capable de vous tenir suspendu à ses mots pendant plus de six cents pages, entre étonnements et éclats de rire, Philippe Jaenada a entrepris de rouvrir le volumineux dossier de cette si trouble affaire. Comment ne pas être intrigué par Henri Girard, cet homme qui s’attache, jusqu’à la fin de sa vie, à combattre les erreurs et les injustices commises par la société, quand lui-même, à en croire l’opinion générale, en a précisément, et fort inexplicablement, profité ? Et si, malgré les apparences, il était vraiment innocent ? Et qui donc serait alors le coupable, jamais trouvé, jamais puni ?
Saga familiale, chronique historique des années d’Occupation, feuilleton judiciaire et hommage appuyé à l’oeuvre oubliée de Georges Arnaud, ce livre, fruit d’un travail d’investigation autant faramineux qu’intelligent, est aussi une véritable œuvre romanesque. Se mettant lui-même en scène au travers d’une histoire criminelle en tout point véridique, l’auteur s’y joue en toute dérision de son lecteur, pour le tenir suspendu entre bonnes et fausses pistes, à mesure de sa savante distillation de témoignages, documents et hypothèses. Une superbe occasion de méditer sur l’erreur judiciaire… Coup de coeur. (5/5)
Citations :
Calaferte est d'ailleurs l'un de ceux qui le comprennent le mieux, à l'époque, qui voient en lui autre chose qu'un sociopathe arrogant et agressif : « C'était un être sans doute profondément malheureux, brûlant sa vie, ne pouvant dormir la nuit, et qui avait profondément besoin des gens. »
Ça ne va plus avec Lella. Curieusement, c'est l'argent qui pose problème, l'argent pour lequel Henri a pourtant si peu de respect. Elle vient d'un milieu très pauvre, elle a du mal à supporter qu'il n'y accorde aucune valeur, qu'il balance les billets par poignées. Et lui pousse dans l'autre sens. Dès que les premiers droits d'auteur du Salaire sont tombés, elle achète une casserole (ils n'en avaient qu'une toute petite : quand elle préparait des pâtes pour deux, il fallait qu'elle les fasse cuire en deux fois) et quelques ustensiles de cuisine de base, premier prix. Henri explose. Il lui crie qu'il ne travaille pas pour qu'elle achète des conneries : « Il m'a dit que si j'avais acheté des fleurs, des chocolats, une robe, tout ce dont j'avais envie, il n'aurait rien trouvé à redire, mais pas des bêtises comme ça. Et il ne jouait pas la comédie. » Il lui a juré qu'il la quitterait si elle faisait des économies, ils se séparent. Ils barbotaient de bonheur dans la misère, l'afflux d'argent les a éloignés l'un de l'autre.
C'est dommage. Je ne veux pas rejoindre le camp de ceux qui passent leur temps à regretter un temps où leurs parents regrettaient un temps où les vieux regrettaient un temps où tout était mieux et où il restait de vrais hommes (au bout du compte : Cro-Magnon, quel bonhomme, et les soirées devant la grotte à mordre dans le mammouth : on savait vivre !), mais des fous furieux dans le genre de Georges Arnaud, qui ne laissent rien passer et sautent à la gorge de toutes les injustices à leur portée, qui y consacrent leur vie, il me semble qu'il n'y en a plus de quoi monter une équipe de basket – ou bien, ce qui est tout à fait possible, on ne les entend plus, il n'y a plus la logistique nécessaire pour donner de l'écho à leur voix ; qui est peut-être aussi parasitée par les millions de râleurs aigris qui grincent partout, je ne sais pas.
Une drôle de vie, avec le recul. Ce que j'en sais, je l'ai appris dans les livres. Sale gosse, sale type, des claques, insupportable, il ne mue, instantanément, qu'en anéantissant la fortune familiale, et se transforme en nomade combatif qui ne possède rien et vient en aide à ceux qui en ont besoin. Un bon gars, finalement.
Un bon gars, Georges Arnaud. Mais entre les caprices exaspérants de l'enfant de riches et la rage altruiste de celui qui se fout de l'argent, il y a quelques heures de sauvagerie sanglante.
Lorsqu'ils ont envahi la France, les Allemands ont avancé les aiguilles des horloges au fur et à mesure de leur progression, pour être en phase avec Berlin, c'était plus pratique. Au début de l'année 1941, Paris et toute la zone occupée sont donc à l'heure allemande. Et la zone libre encore à l'heure française, ou anglaise, ce qui crée de sérieux problèmes d'organisation, notamment pour les trains entre le Nord et le Sud (quand il est 11 heures à Blois, il est 10 heures à Limoges). Le gouvernement de Vichy a donc décidé de tout unifier lors du passage à l'heure d'été 1941 : Périgueux et la zone libre avancent leurs montres de deux heures d'un coup au lieu d'une (ça doit secouer), et toute la France passe à l'heure allemande. C'est toujours le cas aujourd'hui, bien que Paris soit à 344 kilomètres de Londres à vol d'oiseau (je suis nul en oiseaux, mais en vol, je me débrouille), et à 879 kilomètres de Berlin.)
Je n'ai jamais vraiment compris comment les vestiges s'enterraient. À Rome, à Paris, à Athènes, des archéologues creusent et découvrent des temples, des maisons, des salles de bains, dans des lieux qui n'ont jamais cessé d'être habités. À quel moment le temps recouvre tout ? À quel moment la terre monte sans que personne s'en aperçoive ?
Du même auteur sur ce blog :
J'ai beaucoup aimé (mais Jaenada, je suis fan...) malgré quelques longueurs. J'ai trouvé au final que plus que le plaidoyer en faveur d'Henri Girard, qui n'est pas complètement convaincant (mais peu importe, il a au moins le mérite d'instiller un sérieux doute), ce récit livre en filigrane le témoignage de l'humanisme de son auteur, de son refus absolu de l'injustice. Si tu n'as pas lu La petite femelle, je le te recommande plus que chaudement, il te plaira forcément !
RépondreSupprimerAprès Au printemps des monstres et La serpe, je lirai sans doute La petite femelle :):)
Supprimer"La Serpe", puissant souvenir de lecture pour moi aussi... de même que "La petite femelle", dans le même genre. Je rejoins Ingannmic cependant: c'est quand même parfois un poil long. Depuis, je n'ai plus lu de nouveautés de cet écrivain ("Au printemps des monstres" m'a découragé rien qu'à le voir...), mais j'ai quelques titres plus anciens dans ma pile à lire.
RépondreSupprimerBonne semaine!
L'écriture est un un tel régal d'humour et de dérision que, pour la part, je ne vois pas les pages passer...
SupprimerBonne semaine également, Ingannmic et Fattorius.
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerJ'ai aimé tout ce que j'ai lu de Jaenada, y compris "Au printemps des monstres", jamais une virgule de trop.
RépondreSupprimerUn régal, Sandrine. Merci de ce partage.
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