J'ai beaucoup aimé
Titre : Duchess (We Begin at the End)
Auteur : Chris WHITAKER
Traduction : Julie SIBONY
Parution : en anglais en 2020,
en français en 2022 (Sonatine)
Pages : 528
Présentation de l'éditeur :
Attention, coup de cœur ! On n’avait pas rencontré d’héroïne aussi farouche et attachante depuis Scout dans Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, le chef-d’œuvre de Harper Lee. Sous une carapace d’impertinence et de rébellion, Duchess est de ces personnages dont la présence lumineuse et l’énergie désespérée donnent au récit la force des grands romans qui vous marquent à jamais.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Avis :
Comment se construire quand on grandit en plein naufrage, et que les êtres meurtris qui vous entourent, ombres paumées ou fauves enragés, ne font que paver l’abîme prêt à vous engloutir du même coup ? Duchess entretient sa rébellion typiquement adolescente en s’inventant la dureté d’une hors-la-loi, inspirée d’un irréductible aïeul de l’époque du Far West. Et c’est du haut de ce confondant bout de fille, encore plein de fragilité et d’innocence, mais masquées par une fougue et une impertinence dictées par un courage et une détermination capables d’en remontrer à bien des adultes, que l’on se lance à corps et coeurs perdus dans un apprentissage accéléré aux allures de toboggan pour l’enfer.
Car la tragédie a la dent dure, et les incidences de ce passé destructeur que l’on va peu à peu découvrir, avec leur lot de culpabilités et de souffrances, de désespoir et de violence, n’ont pas fini de prendre des proportions insoupçonnées, semant la mort et les épreuves autour de Duchess et du petit frère qu’il lui est de plus en plus difficile de protéger. Dans une noirceur systémique entretenue par les malchances et les accidents, mais aussi par l’arrogance et les préjugés, par les contraintes financières et par une machine judiciaire peu regardante pour peu qu’on lui désigne un coupable idéal, les enfants rencontrent une série de personnages secondaires d’une touchante humanité, sans doute d’autant plus patients et compréhensifs que la vie les a eux-même malmenés : l’inspecteur Walk, l’ami fidèle tourmenté, de plus en plus fragilisé par la maladie de Parkinson ; la vieille et secourable Dolly, en train de perdre son mari malade ; le grand-père Hal et le garçon Thomas Noble à la main estropiée, tous deux capables de percer à jour la carapace d’agressivité de Duchess ; Shelly, l’assistante sociale dont l’avalanche de cas désespérés n’a jamais entamé l’engagement. Et l’on découvrira même que les plus méchants n’avaient au fond que les motivations dictées par le malheur.
Dans ce drame développé par petites touches, sans pathos ni complaisance, mais surtout loin de tout manichéisme tant culpabilité et innocence s’y entremêlent inextricablement, alors que la glissade vers une catastrophe finale semble de plus en plus inéluctable, jamais la lumière ne disparaît tout à fait, centrée sur cet extraordinaire personnage d’adolescente crevant littéralement les pages, plus discrètement réfléchie par l’humanité des autres caractères du récit. A l’image de l’ambivalence générale des protagonistes, somme toute plus ou moins tirés vers le bien ou vers le mal par les circonstances de la vie, l’histoire s’achève en demi-teinte, sans happy end doucereux, mais la porte entrouverte sur un possible espoir. Alors, le temps d’un livre, l’on a envie d’y croire, même si la réalité, dans ce genre de situations, doit sans doute s’avérer souvent réellement inextricable. (4/5)
Citations :
« Ta mère… Est-ce qu’il y avait un homme…
– Il y a toujours un homme. Chaque fois que ça merde quelque part dans le monde, c’est qu’il y a un homme.
– Darke ? »
Elle resta impassible.
« Tu ne peux pas me dire ? demanda-t-il.
– Je suis une hors-la-loi.
– D’accord. »
« Qu’est-ce que tu faisais planté là ? Une prière ou quoi ? J’ai eu peur que tu sautes.
– C’est quoi la différence entre une prière et un vœu ? »
Walk ôta son képi.
« Les vœux, c’est pour les choses qu’on désire, les prières, pour les choses dont on a besoin.
– Dans mon cas, je crois que c’est pareil. »
La route Going-to-the-Sun était une route d’altitude qui courait sur quatre-vingts kilomètres à travers le parc de Glacier. Ils débouchèrent dans la lumière après le tunnel est, deux montagnes s’écartant comme un rideau de théâtre. Ils roulèrent au pas le long de précipices vertigineux, les serpentins d’asphalte semblant disparaître dans le vide devant eux, un genre de montagnes russes d’une telle beauté que Duchess ferma les paupières.
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