J'ai aimé
Titre : Prosper à l'oeuvre
Auteur : Eric CHEVILLARD
Parution : 2019 (Notabilia)
Pages : 112
Présentation de l'éditeur :
Prosper est de retour ! L’écrivain le plus insupportable de
Saint-Germain-des-Prés est aux prises avec les tourments d’un auteur à
succès : il passe à la télé, parle de littérature, dirige une master
class et, suite au succès de son premier roman, tente d’écrire un polar.
Il attend la visite de l’inspiration en travaillant ses métaphores, il
recrute ses personnages, s’outille, plante le décor, remonte les
bretelles à ses nègres, essaime des indices de sa plume turgescente…
sans oublier de faire monter ses à-valoir.
C’est avec une délectation jouissive qu’on plonge dans cette diatribe féroce contre la littérature industrielle et le monde des écrivains à succès. Un livre satirique et hilarant, toujours illustré par Jean-François Martin.
« Prosper Brouillon n’écrit pas pour lui. Il ne pense qu’à son
lecteur, il pense à lui obsessionnellement, avec passion, à chaque
nouveau livre inventer la torture nouvelle qui obligera ce rat cupide à
cracher ses vingt euros. »
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Éric Chevillard est né en 1964 à La Roche-sur-Yon. Il publie principalement aux Éditions de Minuit. Son roman Le Vaillant Petit Tailleur a reçu le prix Wepler en 2003. En 2014, il est lauréat du prix Vialatte pour l’ensemble de son œuvre. Son blog, L’Autofictif, fait l’objet d’une publication annuelle aux éditions de L’Arbre Vengeur. Le premier volume des aventures de Prosper Brouillon, Défense de Prosper Brouillon, est paru chez Notabilia en 2017.Avis :
Auteur à succès passé maître du marketing littéraire, vache à lait courtisée par son éditeur, Prosper Brouillon écrit au kilomètre entre interviews, salons littéraires et juteuses master class. Peu importe le sujet, polar ou roman d’aventures, pourvu qu’il plaise au lecteur et oblige « ce rat cupide à cracher ses vingt euros ». Sa production purement mercantile ne l’empêche pas de se croire arrivé parmi les plus grands de la littérature et de rêver aux plus hautes distinctions. Pour continuer à occuper les têtes de gondole, il lui faut pourtant encore venir à bout de la corvée de remplissage des pages de son prochain roman…
Nous voici donc immergés dans le processus créatif de Prosper, le temps de comprendre la genèse de sa prochaine publication de génie. Le ridicule ne tue pas, heureusement pour notre homme, inconscient de ses platitudes et de ses formules ampoulées. A lui seul, il incarne tous les travers du microcosme littéraire, lorsque sa soumission aux diktats commerciaux finit par faire du livre et du romancier de purs et calibrés produits de consommation. Le regard d’Eric Chevillard est féroce et sa satire perfide. Il s’en donne à coeur joie pour forcer méchamment le trait, au gré d’une dérision grinçante dont on sent bien qu’elle masque une vraie envie de pleurer.
Et tandis que les raides et anguleuses silhouettes en noir et blanc de Prosper, plaquées sur le fond rouge de ses plates chimères romanesques par l’illustrateur Jean-François Martin, viennent, à leur manière décalée, faire écho aux pointes acerbes et cyniques dont se hérisse le texte, le lecteur sourit de tant de verve et d’habileté pour tourner en ridicule une indéniable réalité.
Ce pamphlet bien troussé se dévore d’une traite, dans un moment de fantaisie rigolarde qui n’en fait pas moins mouche. (3,5/5)
Nous voici donc immergés dans le processus créatif de Prosper, le temps de comprendre la genèse de sa prochaine publication de génie. Le ridicule ne tue pas, heureusement pour notre homme, inconscient de ses platitudes et de ses formules ampoulées. A lui seul, il incarne tous les travers du microcosme littéraire, lorsque sa soumission aux diktats commerciaux finit par faire du livre et du romancier de purs et calibrés produits de consommation. Le regard d’Eric Chevillard est féroce et sa satire perfide. Il s’en donne à coeur joie pour forcer méchamment le trait, au gré d’une dérision grinçante dont on sent bien qu’elle masque une vraie envie de pleurer.
Et tandis que les raides et anguleuses silhouettes en noir et blanc de Prosper, plaquées sur le fond rouge de ses plates chimères romanesques par l’illustrateur Jean-François Martin, viennent, à leur manière décalée, faire écho aux pointes acerbes et cyniques dont se hérisse le texte, le lecteur sourit de tant de verve et d’habileté pour tourner en ridicule une indéniable réalité.
Ce pamphlet bien troussé se dévore d’une traite, dans un moment de fantaisie rigolarde qui n’en fait pas moins mouche. (3,5/5)
Citations :
Prosper Brouillon est tombé un jour sur une interview de Maximilien dans laquelle le journaliste cherchait des poux à son sujet. Or Max avait eu l’élégance de répondre qu’il le publiait uniquement pour l’argent qu’il rapportait à la maison, grâce auquel celle-ci avait les moyens de publier aussi de prodigieux poètes invendables. Prosper pourtant s’était mépris sur le sens de cette argumentation, reprochant à l’éditeur son hypocrisie, son double langage, sa déloyauté. Max heureusement avait su dissiper sans peine ce déplorable malentendu. « Toi, tu es un poète qui vend, lui avait-il expliqué, voilà ce que je voulais dire, d’ailleurs nous allons doubler ton à-valoir. » Flatté, Prosper promit d’ajouter une couche de poésie rentable à son prochain livre afin de contribuer mieux encore à la bonne santé de la maison et de permettre à Max de soutenir toujours plus philanthropiquement à perte les prodigieux poètes illisibles qui n’y pouvaient sans doute rien, les malheureux, ils devaient être nés comme ça, avec ces difficultés d’expression que l’éducation n’avait su corriger, la responsabilité en incombait sans doute à la fois à des parents défaillants et à une école trop laxiste.
Quand il se remet à son roman au terme de cette tournée triomphale, bien sûr, il ne sait plus très bien où il en était resté. Ça l’ennuie un peu de devoir tout relire. Prosper Brouillon s’en vante parfois : il n’a jamais beaucoup lu. Il écrit, on ne peut pas tout faire. Puis cela lui évite de subir des influences.
Quelle histoire ? Prosper Brouillon se demande en effet comment poursuivre. Le début est prometteur (il est derrière lui), la fin sera formidable aussi (invitations à la télévision, négociations avec les producteurs de cinéma, placards publicitaires dans le métro) : entre les deux, c’est le moment qu’il n’aime pas beaucoup, la corvée du coffrage, du remplissage.
Car il serait faux de penser que Prosper Brouillon ignore le doute et l’hésitation. Sa belle assurance s’émousse quelquefois. Il n’a pas peur du vide – quand comprendra-t-on que l’angoisse de la page blanche désigne l’émotion de la feuille elle-même lorsqu’un écrivain la menace de sa plume ? Certaines préfèrent se rouler en boule et se laisser choir dans la corbeille.
Quand il se remet à son roman au terme de cette tournée triomphale, bien sûr, il ne sait plus très bien où il en était resté. Ça l’ennuie un peu de devoir tout relire. Prosper Brouillon s’en vante parfois : il n’a jamais beaucoup lu. Il écrit, on ne peut pas tout faire. Puis cela lui évite de subir des influences.
Quelle histoire ? Prosper Brouillon se demande en effet comment poursuivre. Le début est prometteur (il est derrière lui), la fin sera formidable aussi (invitations à la télévision, négociations avec les producteurs de cinéma, placards publicitaires dans le métro) : entre les deux, c’est le moment qu’il n’aime pas beaucoup, la corvée du coffrage, du remplissage.
Car il serait faux de penser que Prosper Brouillon ignore le doute et l’hésitation. Sa belle assurance s’émousse quelquefois. Il n’a pas peur du vide – quand comprendra-t-on que l’angoisse de la page blanche désigne l’émotion de la feuille elle-même lorsqu’un écrivain la menace de sa plume ? Certaines préfèrent se rouler en boule et se laisser choir dans la corbeille.
Par bonheur, à l’instar de nombre de ses plus talentueux collègues et amis et cependant invasifs et très surestimés écrivains à succès, Prosper Brouillon a justement fourbi sa plume dans la publicité. C’est sans conteste la meilleure école de lucrative writing.
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