samedi 2 octobre 2021

[Andrieux, Michèle] Le tondeur de draps

 






J'ai aimé

 

Titre : Le tondeur de draps

Auteur : Michèle ANDRIEUX

Editeur : Ex Aequo

Parution : 2021

Pages : 312

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :    

L’auteure romance la vie d’un de ses ancêtres et vous mène de Prague à la principauté de Montbéliard au siècle des Lumières.

Jan naît à Prague au Royaume de Bohême, au 18e siècle, d’une famille protestante. Ce pays est alors possession des très catholiques Habsbourg d’Autriche. Aussi Jan n’a qu’un seul désir partir, voyager, quitter cette ville qui l’oppresse.
Catholique, Anne Marie habite Héricourt, dans la principauté de Montbéliard appartenant aux Wurtemberg, luthériens d’un duché allemand. Cette terre est encerclée puis envahie par les rois de France dits très chrétiens. Elle essaie surtout de connaître ses origines, comprendre sa famille, et sortir du carcan de son statut de femme.
La Guerre de Sept Ans, mondiale, ravage l’Europe. Elle va pousser Jan de Prague à la Prusse et plus loin encore. Mais pourra-t-il rejoindre la France, cette terre rêvée ? Son destin et celui d’Anne Marie se croiseront-ils ?
Et surtout, quel avenir pourraient-ils avoir, lui le luthérien devenu tondeur de draps*, elle la papiste ?

* Le tondeur de draps est un des acteurs du tissage, un homme qui lisse, qui lustre les tissus.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Née en 1953 à Paris, depuis toujours passionnée par l’histoire et la généalogie, Michèle Andrieux a fréquenté assidûment les archives et les bibliothèques. Après un travail dans la formation des adultes, l’idée de l’écriture s’impose. Elle est l’ auteure d’un autre roman, L’Orfèvre, et d’un livre d’Histoire sur Bouère.

 

Avis :

Né protestant en Bohême, royaume dirigé, en ce 18e siècle, par la très catholique maison autrichienne de Habsbourg, Jan, fils d’un verrier de Prague, rêve de nouveaux horizons. La Guerre de Sept Ans lui fournit l’occasion de partir au loin, en s’engageant contre la Prusse alliée à l’Angleterre. Son épopée le mènera aux confins de la France, jusqu’à la principauté luthérienne de Montbéliard et la ville d’Héricourt, où vit Anne-Marie, jeune fille… catholique !

Malgré le titre et la couverture, la pittoresque profession de tondeur de draps est, au final, quasi anecdotique dans cette histoire brodée par Michèle Andrieux à partir de la vie d’un de ses ancêtres. Au coeur du roman se trouve avant tout la Guerre de Sept ans, dont on apprend à cette occasion que, de 1756 à 1763, elle fut un conflit majeur en Europe, mais pas seulement, puisque les enjeux coloniaux ayant étendu les affrontements jusqu’en Amérique du Nord et en Inde, elle est véritablement la première guerre mondiale. A cette thématique s’ajoutent la vieille querelle entre luthériens et papistes, qui, à l’époque du récit, n’ont toujours pas trouvé le moyen de coexister sans friction, et, enfin, les particularités de la principauté de Montbéliard, territoire protestant s’étendant sur une partie de l’Alsace et de la Franche-Comté actuelles, et alors rattaché à l’état allemand du Wurtemberg.

Manifestement étayé par une documentation minutieuse, le roman fourmille de détails historiques méconnus qui en font tout le sel. Les découvertes qu’il propose sont multiples et ce sont elles qui, au fil des pages, soutiennent l’intérêt du lecteur, malgré la sensation de plus en plus nette d’un manque de souffle dans la narration. La faute, sans doute, à l’aspect très descriptif et au déroulé consciencieusement exhaustif du récit, qui laissent peu de place aux ruptures de rythme et à la profondeur des personnages. Ceux-ci restent trop superficiellement incarnés, comme si, au fond, l’auteur s’était sentie plus à l’aise avec les ingrédients factuels et historiques dont elle disposait, qu’avec le vécu et le ressenti de protagonistes dont il fallait tout imaginer.

Le résultat est un livre intéressant pour les nombreuses découvertes historiques qu’il permet, mais un peu décevant quant à son versant romanesque, trop convenu et sans réelle épaisseur. (3/5)

 

 

Citations :

Les draps sont commencés par les tisseurs, tu connais donc, ils ne font alors qu’une toite épaisse et grosse. Du tisserand ils passent au foulon, qui par le foulage avec un moulin forme les draps. L’effet du foulage est de dégraisser les étoffes à fond et de les feurter plus ou moins comme on dit ici, enfin les peigner, les user en les frottant. Le foulon tire aussi le poil avec les chardons que l’on fait venir des Ardennes ou de Sedan, ce sont les meilleurs. Ils sont ensuite remis au tondeur, qui en coupe le poil avec les forces qui sont ni plus ni moins que de gros ciseaux. Et c’est bien là que tu interviendras, pour tondre les draps. Puis on les porte chez les teinturiers du grand ou du petit teint. Quand ils sont teints, on les reporte au  tondeur, pour être pressés et brossés.

- Vous connaissez tous les tissus alors ?
- Tous certes non, mais j’ai bien retenu ceux qui sont fabriqués ici, ils portent de si jolis noms ! Serge de Rome, calamandes, dauphines, étamines, bourracans, siamoises, grisettes… On y tisse aussi ces étoffes de fil destinées à l’habillement, les droguets. Mais la plupart du temps à partir des laines du Dauphiné et du Languedoc qui sont importées, celles d’ici sont apparemment trop courtes.

Ce 15 août 1763, c’était la fête de l’Assomption, célébration catholique par excellence et rejetée par l’Église réformée pour raison que nul ne l’évoquait dans l’Evangile. Tous les ans c’était un sujet de tension entre les deux communautés. Par ordonnance royale les protestants ne devaient pas travailler ce jour-là, mais par fidélité à leur culte ils ne pouvaient rester à chômer non plus, c’eut été un blasphème. Et plus on approchait de la date, plus l’atmosphère devenait irrespirable. A la fabrique ordre avait été donné aux ouvriers de venir comme chaque jour, et aux officines des huissiers d’Héricourt on attendait la venue de renforts. Ceux-ci pourraient dresser procès-verbal de toute personne effectuant un travail interdit par la loi française, et faire payer les amendes.


 

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