mardi 20 octobre 2020

[Saïani, Christelle] Lumière

 


 

 

J'ai aimé

 

Titre : Lumière

Auteur : Christelle Saïani

Parution : 2020 (Librinova)

Pages : 189

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Ambre et Olivier sont voisins : elle se débat dans les difficultés, il a le bonheur insolent, une famille unie, des amis présents. Ce déséquilibre, trop difficile à supporter, devient un véritable point de crispation pour Ambre qui nourrit peu à peu un ressentiment tenace à l'égard de son voisin. Un jour, elle s'en prend à lui, pour déverser sa douleur, avant de venir lui présenter ses excuses. Elle découvre alors une faille dans la vie parfaite d'Olivier et le bonheur auquel elle aspire se lie curieusement au destin de cet homme si longtemps détesté...

 

Le mot de l'auteur : 

Je n'ai jamais croisé la route du Dalaï-Lama. Je n'ai pas marché sur la Lune. Je n'ai pas développé le courant alternatif.
Pourtant, j'ai créé ma machine à traverser le temps et l'espace : invention, observation ou torsion du réel, souvenirs, exploration personnelle se sont révélés de formidables ressorts pour faire vivre tout ce que j'avais en moi.
Je ressemble à toutes les femmes et à aucune autre à la fois. Je suis sensible, pugnace et opiniâtre au travail. J'aime l'humour et l'autodérision, utile certains matins devant mon miroir !
Ma vie est la même que la vôtre, je ne la changerais pour rien au monde. J'aime ma vie et les êtres qui la peuplent. Mes enfants, ma famille, mes amis, mes élèves.
J'habite à quelques kilomètres de la Sainte Victoire, terre à laquelle je suis viscéralement attachée. Incontestablement et sans chauvinisme le plus bel endroit du monde. Un des fils d'or de mon roman.
J'ai attendu longtemps avant de vous rencontrer... 

 

 

Avis :

Dévastée par une dépression consécutive à une blessure sentimentale, Ambre ne supporte plus de voir s'afficher sous ses yeux l'insolent bonheur de ses voisins. Quelle n'est pas sa stupéfaction de découvrir que la bonne humeur de cette famille cache en fait un terrible combat contre la maladie. Une indéfectible amitié, qui contribuera largement à sa reconstruction personnelle, va bientôt lier la jeune femme à ses voisins.

Cette belle et touchante histoire, habitée de personnages attachants restitués avec sensibilité, se lit d'autant plus agréablement qu'elle est portée par un style fluide et soigné, et par une imprégnation indéniable de l'auteur quant aux sujets évoqués, qu'il s'agisse des phases de la maladie et de l'expérience hospitalière, ou encore de la vie et des conditions de travail sur les chantiers en haute mer. La maladie est ici l'occasion d'une réflexion sur les vrais fondamentaux de l'existence, qui se traduit dans le récit par un recentrage des protagonistes sur leurs valeurs les plus essentielles, définitivement humanistes.

Malgré son traitement tout à fait réaliste du thème de la maladie et de la mort qui, immanquablement, arrachera des larmes au lecteur, le ton du roman reste globalement optimiste et positif, peut-être un peu trop d’ailleurs : à l’exception d’un seul, tous les personnages sont globalement présentés sous un jour très favorable, dans un cheminement difficile qu’ils effectuent avec un tel courage et de manière si exemplaire que l’ensemble a fini par m’apparaître presque trop romanesque dans sa perfection.

Quoi qu’il en soit, même si à mes yeux un peu trop idéaliste, ce roman bien écrit et construit sur une sérieuse investigation de ses sujets s’avère une découverte agréable et émouvante, d’une grande sensibilité et d’une profonde humanité. Saluons par ailleurs le geste de l’auteur qui reverse tous ses droits à la Croix Rouge. (3/5)
 

 

 

Citations :

La mort me paraissait une expérience si ordinaire avant de la voir incarnée. Sûrement l’est-elle pour ceux qui n’y sont pas directement confrontés. Sans échéance arrêtée ou du moins appréhendable, la mort se place au cœur de la vie, postulat que nous intégrons tous d’autant plus facilement que nous nous en distancions affectivement. En revanche, il faut oser penser la mort face à soi.

Aimer et être aimé, c'est ce qui rend la mort redoutable.

En face de moi, deux personnes âgées, sèches et fripées comme des écorces, se tiennent serrées l'une contre l'autre, muettes. Sous son feutre, le visage de l'homme, complètement édenté, rappelle la tête d'une grosse tortue terrestre : ses yeux fixes et ovales, d'un gris profond, ont dû, il y a soixante ans, être très beaux. En dessous d'arcades pierreuses, aux rares sourcils, ils sont maintenant entourés de paupières gonflées et crevassées comme des coques de noix. Le cou distendu, parcheminé, a la couleur des peaux tannées et jaunies des vieux tambours de mendiant. La femme doit avoir le même âge mais sa beauté et sa féminité, laves fécondes, ne se sont pas éteintes : elles courent sous la peau et continuent de l'irradier. Leurs mains, couvertes de tâches brunes, sont entremêlées, la main féminine encore belle, à la peau fine et fragile logée dans celle, calleuse, déformée et couverte d'hématomes qui la protège depuis toujours. Des mains qui sont devenues des lieux d'histoire et qui témoignent, dans leurs habitudes, de décennies à s'aimer.

 

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