Coup de coeur 💓
Titre : Les lettres d'Esther
Auteur : Cécile PIVOT
Parution : 2020 (Calmann-Lévy)
Pages : 320
Présentation de l'éditeur :
"Cet atelier était leur bouée de sauvetage. Il allait les sauver
de l’incompréhension d’un deuil qu’ils ne faisaient pas, d’une vie à
l’arrêt, d’un amour mis à mal. Quand j’en ai pris conscience, il était
trop tard, j’étais déjà plongée dans l’intimité et l’histoire de chacun
d’eux."
En souvenir de son père, Esther, une libraire du nord de la France, ouvre un atelier d’écriture épistolaire. Ses cinq élèves composent un équipage hétéroclite : une vieille dame isolée, un couple confronté à une sévère dépression post-partum, un homme d’affaires en quête de sens et un adolescent perdu. À travers leurs lettres, des liens se nouent, des coeurs s’ouvrent. L’exercice littéraire se transforme peu à peu en une leçon de vie dont tous les participants sortiront transformés.
Roman initiatique, pétri de tendresse et d’humanité, ces Lettres sont un éloge de la lenteur, une ode au pouvoir des mots.
En souvenir de son père, Esther, une libraire du nord de la France, ouvre un atelier d’écriture épistolaire. Ses cinq élèves composent un équipage hétéroclite : une vieille dame isolée, un couple confronté à une sévère dépression post-partum, un homme d’affaires en quête de sens et un adolescent perdu. À travers leurs lettres, des liens se nouent, des coeurs s’ouvrent. L’exercice littéraire se transforme peu à peu en une leçon de vie dont tous les participants sortiront transformés.
Roman initiatique, pétri de tendresse et d’humanité, ces Lettres sont un éloge de la lenteur, une ode au pouvoir des mots.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Cécile Pivot est journaliste. Elle a déjà publié Comme d’habitude (Calmann-Lévy, 2017) et Lire ! (Flammarion, 2018). Battements de coeur est son premier roman.
Avis :
Après le décès de son père écrivain, avec qui elle entretenait depuis des années une correspondance régulière malgré leur proximité géographique et leurs fréquentes rencontres, la libraire Esther décide d'organiser un atelier d'écriture épistolaire. Pendant quelques mois, un échange croisé de lettres va alors créer un espace de communication unique et privilégié entre la jeune femme, un couple submergé par une dépression post-partum, un adolescent rongé par la culpabilité de survivre à son frère mort d'un cancer, une veuve âgée percluse de solitude, et un homme d'affaires qui a perdu le sens de son existence : une expérience qui aura un retentissement significatif sur leur vie à tous.
A l’époque de l’immédiateté et de l’hyper-connectivité, cette histoire est une ode à la « slow-communication », une démonstration un rien nostalgique de ce qu’un lien épistolaire au long cours peut avoir d’unique et d’irremplaçable dans la relation entre les êtres : la décantation de nos actes et de nos sentiments au travers de leur mise en écriture, le temps de réflexion qu’autorise et exige l’échange des réponses, ainsi que l’intimité libératrice de ces moments exclusifs et privilégiés que prennent deux personnes l’une pour l’autre, n’ont en effet d’équivalents, ni dans les contacts présentiels, ni dans le jeu de ping-pong des messages numériques.
Ainsi, habituellement emportés par le torrent de leur vie, les cinq élèves d’Esther vont prendre le temps de laisser se déposer les alluvions du quotidien, de se révéler mutuellement avec sincérité et bienveillance, exposant leurs fragilités et leurs doutes à l’écoute et aux questions, dans une démarche aux effets quasi thérapeutiques, en tous les cas, réconfortants par la simple humanité de l’échange. Et c’est avec une émotion grandissante que l’écriture toute de douceur et de sensibilité de Cécile Pivot amène peu à peu ses personnages à surmonter leurs deuils et leurs peurs grâce aux liens de la communication, si joliment symbolisés à la fin du livre par l’émouvante et poétique cabine du téléphone du vent au Japon.
Constat chagrin de la croissante solitude des individus dans une société contemporaine paradoxalement hyper-communicante, ce roman épistolaire délicatement nostalgique vous fera regretter, vous aussi, la prévisible obsolescence des timbres et des boîtes aux lettres. Coup de coeur. (5/5)
A l’époque de l’immédiateté et de l’hyper-connectivité, cette histoire est une ode à la « slow-communication », une démonstration un rien nostalgique de ce qu’un lien épistolaire au long cours peut avoir d’unique et d’irremplaçable dans la relation entre les êtres : la décantation de nos actes et de nos sentiments au travers de leur mise en écriture, le temps de réflexion qu’autorise et exige l’échange des réponses, ainsi que l’intimité libératrice de ces moments exclusifs et privilégiés que prennent deux personnes l’une pour l’autre, n’ont en effet d’équivalents, ni dans les contacts présentiels, ni dans le jeu de ping-pong des messages numériques.
Ainsi, habituellement emportés par le torrent de leur vie, les cinq élèves d’Esther vont prendre le temps de laisser se déposer les alluvions du quotidien, de se révéler mutuellement avec sincérité et bienveillance, exposant leurs fragilités et leurs doutes à l’écoute et aux questions, dans une démarche aux effets quasi thérapeutiques, en tous les cas, réconfortants par la simple humanité de l’échange. Et c’est avec une émotion grandissante que l’écriture toute de douceur et de sensibilité de Cécile Pivot amène peu à peu ses personnages à surmonter leurs deuils et leurs peurs grâce aux liens de la communication, si joliment symbolisés à la fin du livre par l’émouvante et poétique cabine du téléphone du vent au Japon.
Constat chagrin de la croissante solitude des individus dans une société contemporaine paradoxalement hyper-communicante, ce roman épistolaire délicatement nostalgique vous fera regretter, vous aussi, la prévisible obsolescence des timbres et des boîtes aux lettres. Coup de coeur. (5/5)
Citations :
Tous autant que nous sommes, nous bâtissons notre vie d’adulte sur notre enfance. Elle est plus ou moins solide, stable, fiable, mais dit beaucoup de nos peurs, de nos incapacités, de nos enthousiasmes et du feu qui nous anime.
Sur Instagram, où l’on partage photos et vidéos, pas besoin de phrases, ou si peu, pour exposer son ego. Décors de rêve, visages souriants, corps bronzés, chats pitres, plats appétissants… Au mieux, on ajoute une légende, histoire de faire rire. Cette surenchère dans le bonheur dégoulinant et factice, ce narcissisme assumé, revendiqué, me heurtent. WhatsApp ne vaut pas mieux. On ne peut plus assister à un dîner, à une fête, partir en week-end ou en voyage sans créer un groupe, sans se tenir collectivement informés de nos moindres faits et gestes, avec photos et commentaires à l’appui, affligeants la plupart du temps. Que signifie cette impossibilité de se contenter du moment présent et de le laisser partir ? Pourquoi ne sait-on plus apprécier les choses et les événements pour ce qu’ils sont ?
J’ai compris que le premier piège de la vieillesse, c’est le renoncement. Nous sommes moins motivés, devenons plus craintifs, paresseux, nous abdiquons. Il suffit d’un rien. Nous nous recroquevillons, rentrons doucement mais sûrement dans notre coquille. Le mouvement est presque imperceptible, mais il est réel. Lutter contre la vieillesse est un combat de tous les jours, que nous pouvons mener tant que nous sommes en bonne santé.
Au Japon, dans la région de Tohoku, le tsunami de 2011 a englouti vingt mille personnes, dont la moitié des habitants du village d’Otsuchi. Un type, Itaru Sasaki, y a installé une cabine téléphonique. Les fils de son téléphone ne sont reliés à rien, c’est pour ça qu’on l’appelle la cabine du vent. C’est lui qui l’a construite dans son jardin, après la mort de son cousin d’un cancer. Pour continuer à lui parler. Puis, il y a eu le tsunami, qui lui a pris son meilleur ami. Le jour où ils ont retrouvé son corps, deux mois plus tard, il est allé dans la cabine pour lui parler. Les autres habitants ont commencé à venir dans la cabine, à l’imiter, avec leurs propres morts. À leur écrire aussi, parce qu’il a mis à leur disposition un « cahier du téléphone ». Il en est au onzième tome. Il y a des photos dans ces carnets. Des journalistes ont signé des articles sur cette cabine et des étrangers qui veulent parler ou écrire à leurs proches ont fait le voyage. Le correspondant de L’Obs écrit que « le téléphone du vent, c’est une sorte de poste restante pour l’au-delà ».
Sur Instagram, où l’on partage photos et vidéos, pas besoin de phrases, ou si peu, pour exposer son ego. Décors de rêve, visages souriants, corps bronzés, chats pitres, plats appétissants… Au mieux, on ajoute une légende, histoire de faire rire. Cette surenchère dans le bonheur dégoulinant et factice, ce narcissisme assumé, revendiqué, me heurtent. WhatsApp ne vaut pas mieux. On ne peut plus assister à un dîner, à une fête, partir en week-end ou en voyage sans créer un groupe, sans se tenir collectivement informés de nos moindres faits et gestes, avec photos et commentaires à l’appui, affligeants la plupart du temps. Que signifie cette impossibilité de se contenter du moment présent et de le laisser partir ? Pourquoi ne sait-on plus apprécier les choses et les événements pour ce qu’ils sont ?
J’ai compris que le premier piège de la vieillesse, c’est le renoncement. Nous sommes moins motivés, devenons plus craintifs, paresseux, nous abdiquons. Il suffit d’un rien. Nous nous recroquevillons, rentrons doucement mais sûrement dans notre coquille. Le mouvement est presque imperceptible, mais il est réel. Lutter contre la vieillesse est un combat de tous les jours, que nous pouvons mener tant que nous sommes en bonne santé.
Au Japon, dans la région de Tohoku, le tsunami de 2011 a englouti vingt mille personnes, dont la moitié des habitants du village d’Otsuchi. Un type, Itaru Sasaki, y a installé une cabine téléphonique. Les fils de son téléphone ne sont reliés à rien, c’est pour ça qu’on l’appelle la cabine du vent. C’est lui qui l’a construite dans son jardin, après la mort de son cousin d’un cancer. Pour continuer à lui parler. Puis, il y a eu le tsunami, qui lui a pris son meilleur ami. Le jour où ils ont retrouvé son corps, deux mois plus tard, il est allé dans la cabine pour lui parler. Les autres habitants ont commencé à venir dans la cabine, à l’imiter, avec leurs propres morts. À leur écrire aussi, parce qu’il a mis à leur disposition un « cahier du téléphone ». Il en est au onzième tome. Il y a des photos dans ces carnets. Des journalistes ont signé des articles sur cette cabine et des étrangers qui veulent parler ou écrire à leurs proches ont fait le voyage. Le correspondant de L’Obs écrit que « le téléphone du vent, c’est une sorte de poste restante pour l’au-delà ».
Dans une de ses lettres, il écrivait que débarrasser la chambre de son frère mort avait été une épreuve plus douloureuse encore que l’enterrement. C’était une vie qui disparaissait en quelques heures, qu’on enfouissait dans des cartons, qu’on refermait avec du gros scotch. Je comprenais mieux ce qu’il avait ressenti, cette fulgurance qu’on oublie vite, sauf à se flinguer : l’insignifiance de nos vies. Et la vanité de l’homme, qui croit qu’elles ont de l’importance.
Elle m’a avoué après, dans un cimetière à Kyoto, qu’elle aime bien l’idée que les vivants parlent avec leurs morts, les petites statues vêtues de rouge à qui on fait des offrandes, qui sont un peu partout dans les cimetières et qui veillent chacune sur un mort. Il y des autels, des lanternes, des tours avec des cloches, des plaquettes en bois où on écrit ses prières. C’est un peu con ce que je vais vous dire, mais je trouve ça très… vivant. Dans leurs cimetières, on respire pas que le malheur. On est triste évidemment, mais apaisé, aussi. On a envie de croire aux esprits, aux signes. Pour ça, ma mère et moi, on se ressemble, on aime bien cette idée des morts avec un pied dans la vie. En France, on veut bien pleurer nos morts, se souvenir d’eux, nettoyer leurs tombes, mais faut pas qu’ils viennent nous déranger, ça nous fout la trouille.
Elle m’a avoué après, dans un cimetière à Kyoto, qu’elle aime bien l’idée que les vivants parlent avec leurs morts, les petites statues vêtues de rouge à qui on fait des offrandes, qui sont un peu partout dans les cimetières et qui veillent chacune sur un mort. Il y des autels, des lanternes, des tours avec des cloches, des plaquettes en bois où on écrit ses prières. C’est un peu con ce que je vais vous dire, mais je trouve ça très… vivant. Dans leurs cimetières, on respire pas que le malheur. On est triste évidemment, mais apaisé, aussi. On a envie de croire aux esprits, aux signes. Pour ça, ma mère et moi, on se ressemble, on aime bien cette idée des morts avec un pied dans la vie. En France, on veut bien pleurer nos morts, se souvenir d’eux, nettoyer leurs tombes, mais faut pas qu’ils viennent nous déranger, ça nous fout la trouille.
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