J'ai beaucoup aimé
Titre : L'écuyère
Auteur : Uršuľa KOVALYK
Traducteurs : Nicolas GUY et Peter ŽILA
Parution : 2013 en slovaque,
2019 en français (Intervalles)
Pages : 128
Présentation de l'éditeur :
Pour fuir une famille hors norme, la jeune Karolína rejoint dès
qu’elle le peut un centre équestre où elle se lie d’amitié avec Romana
et Matilda, deux cavalières délicieusement inadaptées. Ensemble, elles
forment bientôt une équipe de voltige équestre détonante.
Nous sommes à la fin des années 1980 en Tchécoslovaquie, et tandis que l’univers de Karolína s’élargit avec la découverte de Pink Floyd, du tabac et surtout d’un talent secret de double vue, la fin du bloc de l’Est et l’irruption soudaine de l’économie de marché vont bouleverser ce fragile équilibre.
L’Écuyère est un roman poétique et caustique sur l’adolescence. C’est aussi une évocation spasmodique et rebelle de la double révolution à laquelle une jeune fille pleine de rêves et un pays tout entier sont soumis au même moment.
Nous sommes à la fin des années 1980 en Tchécoslovaquie, et tandis que l’univers de Karolína s’élargit avec la découverte de Pink Floyd, du tabac et surtout d’un talent secret de double vue, la fin du bloc de l’Est et l’irruption soudaine de l’économie de marché vont bouleverser ce fragile équilibre.
L’Écuyère est un roman poétique et caustique sur l’adolescence. C’est aussi une évocation spasmodique et rebelle de la double révolution à laquelle une jeune fille pleine de rêves et un pays tout entier sont soumis au même moment.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Uršuľa Kovalyk est née
en 1969 en Slovaquie. Impliquée depuis longtemps dans la défense du
droit des femmes et dans l’aide aux sans-abri, elle dirige également une
troupe de théâtre composée de personnes sans domicile fixe. Elle a
publié de la poésie, des romans et du théâtre, et a reçu plusieurs prix
littéraires prestigieux. Ses œuvres sont traduites en de nombreuses
langues. Après Femme de seconde main paru en 2017, L’Écuyère est le deuxième roman d’Uršuľa Kovalyk publié aux éditions Intervalles.
Avis :
Dans la Tchécoslovaquie de la fin des années 1980, une adolescente solitaire, élevée dans une famille dysfonctionnelle exclusivement féminine, trouve refuge dans sa perception onirique du monde et, surtout, dans un centre équestre où elle découvre l’amitié et la pratique de la voltige au sein d’une équipe. La chute du régime communiste en 1989 et l’ouverture du pays à l’économie de marché viennent toutefois brutalement anéantir les projets de compétition sportive de la jeune fille.
Ce court et étonnant roman au style âpre et direct, pour ne pas dire cru, est l’histoire métaphorique de deux émancipations pleines d’espoir, qui sombrent l’une comme l’autre dans la désillusion et l’amertume. Tandis que la tendre adolescente découvre les cruautés de la vie et voit fondre ses rêves, l’ex-Tchécoslovaquie troque ses barbelés contre la cage dorée d’une société de consommation individualiste en manque d’idéal.
Comme souvent dans les pays de l’Est soviétique où sévit une surmortalité masculine, les femmes ont dans cette histoire l’habitude de se débrouiller seules face à l’absence, la violence ou l’alcoolisme des hommes. Dans cette société autoritaire et refermée sur elle-même, les personnages apparaissent finalement tous aussi cabossés les uns que les autres. Marginaux, inadaptés, mais plutôt solidaires, ils parviennent toutefois tant bien que mal à trouver leur place et à subsister. Cela leur devient bien plus compliqué lorsque le chacun pour soi franchit le rideau de fer et les laisse sur le carreau de la compétitivité, anéantissant leurs naïfs espoirs d’une vie meilleure. Il n’est pas jusqu’au vieux et fidèle Cyril, le cheval de voltige, qui ne se retrouve tristement condamné à la boucherie...
Ce récit sombre et amer, dont la causticité s’assortit de pépites de tendresse et de poésie, est le saisissant instantané de la fin d’un monde qui renaît sous une autre loi du plus fort, avec son même lot de laissés-pour-compte. (4/5)
Ce court et étonnant roman au style âpre et direct, pour ne pas dire cru, est l’histoire métaphorique de deux émancipations pleines d’espoir, qui sombrent l’une comme l’autre dans la désillusion et l’amertume. Tandis que la tendre adolescente découvre les cruautés de la vie et voit fondre ses rêves, l’ex-Tchécoslovaquie troque ses barbelés contre la cage dorée d’une société de consommation individualiste en manque d’idéal.
Comme souvent dans les pays de l’Est soviétique où sévit une surmortalité masculine, les femmes ont dans cette histoire l’habitude de se débrouiller seules face à l’absence, la violence ou l’alcoolisme des hommes. Dans cette société autoritaire et refermée sur elle-même, les personnages apparaissent finalement tous aussi cabossés les uns que les autres. Marginaux, inadaptés, mais plutôt solidaires, ils parviennent toutefois tant bien que mal à trouver leur place et à subsister. Cela leur devient bien plus compliqué lorsque le chacun pour soi franchit le rideau de fer et les laisse sur le carreau de la compétitivité, anéantissant leurs naïfs espoirs d’une vie meilleure. Il n’est pas jusqu’au vieux et fidèle Cyril, le cheval de voltige, qui ne se retrouve tristement condamné à la boucherie...
Ce récit sombre et amer, dont la causticité s’assortit de pépites de tendresse et de poésie, est le saisissant instantané de la fin d’un monde qui renaît sous une autre loi du plus fort, avec son même lot de laissés-pour-compte. (4/5)
Citation :
Saint Nicolas est arrivé en décembre pour nous offrir la chute définitive du gouvernement communiste. (…)
Nous étions naïves. Surtout maman qui avait le syndrome du canari en cage. Persuadée que des temps meilleurs s’annonçaient, elle avait quitté son emploi pour se mettre à son compte, car elle était convaincue qu’on allait nous rendre l’ancien bistrot de Mamie. (…)
Mais en vain. Nous n’avions pas droit aux restitutions et maman a dû accepter un poste de secrétaire mal payé chez un ex-membre de la sécurité d’État. Tout avait changé : nouvelles fringues et nouveaux produits alimentaires dans les magasins, portrait de Lénine évincé au profit d’une publicité pour Coca-Cola et automate à bouteilles pour remplacer la vendeuse de la consigne. Des voitures rapides de marques étrangères klaxonnaient avec rage contre les piétons tandis que les vieux autobus socialistes déparaient à présent sur les routes.
Finalement, personne n’est allé en taule pour ce qu’avaient subi Grand-père et Mamie. Tout le monde a changé d’apparence et les livrets communistes ont cédé la place aux comptes bancaires. Des changements ont également eu lieu au centre équestre : le camarade responsable est devenu Monsieur le directeur. Quant au garage d’Arpi, il a été démoli pour qu’on puisse construire une salle de jeux clignotante remplie de machines à sous. On a commencé à mesurer le temps sur la base de l’argent et les journaux se sont mis à utiliser de nouveaux mots tels que « marché », « concurrence » ou « privatisation par coupons ». À la télé, les discours sur la liberté ont été muselés par les slogans criards des publicités et dans les kiosques, les magazines porno ont détrôné les revues de bricolage. Nous avions changé nos barreaux bordés de barbelés pour une cage dorée. Tout le monde devait tout d’un coup avoir une nouvelle voiture, un nouveau costume – et même parfois une nouvelle épouse. Le directeur est arrivé au centre équestre dans sa BMW toute neuve et a viré le gardien ivrogne pour le remplacer par un agent de sécurité au crâne rasé.
Nous étions naïves. Surtout maman qui avait le syndrome du canari en cage. Persuadée que des temps meilleurs s’annonçaient, elle avait quitté son emploi pour se mettre à son compte, car elle était convaincue qu’on allait nous rendre l’ancien bistrot de Mamie. (…)
Mais en vain. Nous n’avions pas droit aux restitutions et maman a dû accepter un poste de secrétaire mal payé chez un ex-membre de la sécurité d’État. Tout avait changé : nouvelles fringues et nouveaux produits alimentaires dans les magasins, portrait de Lénine évincé au profit d’une publicité pour Coca-Cola et automate à bouteilles pour remplacer la vendeuse de la consigne. Des voitures rapides de marques étrangères klaxonnaient avec rage contre les piétons tandis que les vieux autobus socialistes déparaient à présent sur les routes.
Finalement, personne n’est allé en taule pour ce qu’avaient subi Grand-père et Mamie. Tout le monde a changé d’apparence et les livrets communistes ont cédé la place aux comptes bancaires. Des changements ont également eu lieu au centre équestre : le camarade responsable est devenu Monsieur le directeur. Quant au garage d’Arpi, il a été démoli pour qu’on puisse construire une salle de jeux clignotante remplie de machines à sous. On a commencé à mesurer le temps sur la base de l’argent et les journaux se sont mis à utiliser de nouveaux mots tels que « marché », « concurrence » ou « privatisation par coupons ». À la télé, les discours sur la liberté ont été muselés par les slogans criards des publicités et dans les kiosques, les magazines porno ont détrôné les revues de bricolage. Nous avions changé nos barreaux bordés de barbelés pour une cage dorée. Tout le monde devait tout d’un coup avoir une nouvelle voiture, un nouveau costume – et même parfois une nouvelle épouse. Le directeur est arrivé au centre équestre dans sa BMW toute neuve et a viré le gardien ivrogne pour le remplacer par un agent de sécurité au crâne rasé.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire