mardi 2 juin 2020

[Puértolas, Romain] La police des fleurs, des arbres et des forêts







Coup de coeur 💓

 

Titre : La police des fleurs, des arbres
           et des forêts

Auteur : Romain PUERTOLAS

Parution : 2019 chez Albin Michel

Pages : 352

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :   

Une fleur que tout le monde recherche pourrait être la clef du mystère qui s’est emparé du petit village de P. durant la canicule de l’été 1961.
Insolite et surprenante, cette enquête littéraire jubilatoire de Romain Puertolas déjoue tous les codes.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Romain Puértolas est notamment l’auteur de L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea, un livre au succès international adapté au cinéma en 2018.

 

 

Avis :

Pendant l’été 1961, un jeune et prometteur officier de police est appelé dans le village de P., afin d’y élucider une affaire qui bouleverse la communauté. L’indice principal dont il dispose pour son enquête s’avère une mystérieuse fleur rouge aux pétales ourlés de jaune…

Le roman comporte deux récits enchâssés : celui qui sert d’introduction et vous met l’eau à la bouche, vous avertissant que la suite n’aura pour intention que de se jouer de vous et de vous surprendre, mais qu’elle vous délivrera tous les indices qui, si vous savez les voir, vous éviteront de vous laisser berner comme ce policier de 1961 ; puis le déroulement de l’enquête elle-même, au travers des rapports et des enregistrements de l’inspecteur, jusqu’à la chute tant bel et bien inattendue que vous vous sentirez pour de bon roulé dans la farine.

Vous l’aurez compris, l’intérêt de ce livre n’est pas tant l’enquête elle-même, qu’une amusante et troublante démonstration : notre référentiel social et culturel biaise nos modes de pensée et nous fait accepter des évidences, de fait toutes relatives. Au-delà du risible quiproquo présent dans cette histoire, l’on perçoit les limites et les erreurs de raisonnement que peuvent engendrer nos habitudes et nos conditionnements, mais aussi les incompréhensions qui peuvent sourdre à leur insu entre personnes et populations de cultures différentes.

Ce divertissement plein de malice se lit d’une traite avec le sourire, pour vous administrer une leçon inattendue, amusante et mémorable. Et vous, savez-vous remettre en cause votre référentiel et vos modes de pensée lorsque vous changez d’environnement ? Coup de coeur. (5/5)

 

 

Citations :

J’enfile les gants en caoutchouc (saviez-vous que ces gants ont été inventés par amour ? En 1890, le docteur William Halsted demanda à fabriquer des gants à la compagnie de pneumatiques Goodyear afin de les offrir à sa fiancée, l’infirmière Caroline Hampton, qui souffrait d’eczéma dû à l’usage de chlorure de mercure pendant les asepsies), j’enfile les gants, donc (…)

Il est incorrect de penser que le silence règne en maître ici. Les cigales qui font un bruit de clôture électrifiée, le meuglement des vaches, les chiens qui aboient, les clochettes des brebis qui tintent au loin comme cent églises forment un paysage sonore qui ne s’éteint pas, qui n’en finit pas, qui vous accompagne toujours, mais auquel on ne s’habitue jamais. Non, madame, il n’y a pas moins de bruit à la campagne qu’à la ville, il est juste différent.

J’ai pu toucher du doigt cette apathie collective et c’est effrayant. Les masses ont quelque chose de terrible. L’individu et l’humanité semblent se dissoudre dans ce magma qu’est la masse stupide des hommes.

Je ne sais plus quel philosophe a dit que l’homme bon est celui qui commet le mal seulement en rêve, en pensée.


Il existe une expérience sociologique assez intrigante et riche en enseignements dite « théorème de la banane », qui consiste à enfermer cinq chimpanzés dans une pièce au centre de laquelle est suspendue une banane qu’ils peuvent atteindre par le moyen d’une échelle. 
Aussitôt que le premier singe, le plus vaillant (ou le plus affamé), grimpe les échelons,un mécanisme l’asperge, lui et les quatre autres, d’eau glacée. Une fois remis de sa surprise, et après quelques secondes de réflexion, un deuxième singe se lance. Il reçoit, lui et ses acolytes, une nouvelle douche froide, qui le dissuade de vouloir se procurer la banane. Un troisième tente à son tour. Mêmes causes, mêmes effets. 
On sort alors de la pièce un des primates et on le remplace. Dès que le nouvel arrivé voit la banane qui se balance au-dessus de lui, c’est inévitable, il s’élance vers l’échelle mais il est aussitôt stoppé et battu par les autres, qui ne veulent plus recevoir d’eau glacée. On enlève à nouveau un singe, et on le remplace. Même scénario. À peine entré, celui-ci se jette vers l’échelle. Il est arrêté par les autres (dont celui entré juste avant lui, et qui n’a donc jamais reçu de douche froide !) et battu. Il comprend alors qu’on ne doit pas aller chercher cette jolie et tentatrice banane. 
On procède ainsi au remplacement de tous les chimpanzés jusqu’à ce que plus aucun des singes présents dans la pièce ne fasse partie du premier groupe à y avoir été enfermé. Ensuite, comme on a procédé jusque-là, on y enferme un nouveau primate. Tous se ruent sur lui dès qu’il fait mine de vouloir grimper sur l’échelle. C’est assez étonnant, ces singes n’ont jamais reçu d’eau glacée, ils n’ont aucune idée de l’origine de l’interdiction, et pourtant, ils la respectent et agressent systématiquement ceux qui vont contre le règlement qui leur a été transmis (de façon un peu brutale) par les anciens : ne pas grimper à l’échelle. Ce comportement est d’autant plus absurde que le mécanisme qui les asperge d’eau glacée a été désactivé depuis longtemps, sans qu’ils le sachent. Et qu’un singe un peu rebelle et valeureux, s’il s’opposait au groupe, pourrait aisément obtenir le fruit convoité. Après avoir tué tous ses congénères…  

 

 

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