jeudi 4 juin 2020

[Terranova, Nadia] Adieu fantômes





J'ai moyennement aimé

 

Titre : Adieu fantômes (Addio fantasmi)

Auteur : Nadia TERRANOVA

Traductrice : Romane LAFORE

Parution : en italien en 2018,
                en français en 2019 (La Table Ronde)

Pages : 240

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :   

Messine est la ville natale d’Ida. Elle y revient aider sa mère à faire du tri dans l’appartement où elle a vécu toute son enfance et où commencent des travaux sur le toit-terrasse. Elle a trente-six ans, une vie à Rome, un mari, mais le passé a choisi ce moment pour ressurgir : vingt-trois ans après la disparition de son père, vingt-trois ans après ce matin où un homme rongé par la dépression a quitté le domicile familial sans rien laisser derrière lui, vingt-trois ans après que son corps s’est évaporé dans la nature, que son nom est devenu tabou, que son souvenir s’est mis à hanter les murs sous forme de taches d’humidité. Seule face aux fantômes de la maison, Ida devra trouver le moyen de rompre le sortilège pour qu’enfin son père puisse quitter la scène.

Entre les souvenirs de jeunesse d’Ida et son récit d’adulte se tisse un roman d’une grande sensibilité, sombre et introspectif. Nadia Terranova, par la finesse de son observation des liens familiaux dans une maison frappée par le drame, fait apparaître le bonheur des choses simples.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Nadia Terranova est née à Messine. Elle a suivi des études de philosophie et d'histoire. Les années à rebours est son premier roman, pour lequel elle a reçu en Italie le prix Bagutta Opera Proma, le prix Brancati, le prix Fiesole et le prix Grotte de la Gurfa.

 

 

Avis :

Rappelée « chez elles » par sa mère désireuse de ranger l’appartement familial pour y effectuer des travaux, la narratrice, bientôt la quarantaine et désormais établie à Rome, revient, pour la première fois depuis longtemps, à Messine, la ville sicilienne où elle a grandi. Au milieu des objets accumulés depuis des décennies, Ida est assaillie par les souvenirs et réalise que, pour elle, le temps est toujours arrêté à l’heure où, il y a vingt-trois ans, son père gravement dépressif disparaissait sans un mot ni une trace, quand elle-même n’était encore qu’adolescente. Parviendra-t-elle enfin à trouver la paix en se confrontant au passé ?

Combien terribles sont pour les proches les interrogations sans fin et l’impossibilité du deuil, lorsque l’un des leurs disparaît sans trace ni explication : s’ouvre alors une longue attente où l’espoir ne peut jamais totalement s’éteindre, dans un tumulte d’inquiétude et de culpabilité, d’incompréhension et de sentiment d’abandon, de révolte et de colère. Ainsi, Ida, frappée à l’âge tendre, continue pendant des décennies à se retenir de vivre, craignant de s’engager dans quoi que ce soit qui pourrait à nouveau lui échapper.

Analysant avec justesse les souffrances de ses personnages, prisonniers d’une douloureuse relation triangulaire fille-mère-père disparu, l’auteur nous plonge dans une réflexion sur la mémoire, le deuil et la résilience, portée par une écriture fine et sensible. Pourtant, le ressassement du passé et le repli sur soi d’Ida m’ont rapidement pesé : proie d’un trou noir intérieur qui l’engloutit et la ferme à tout ce qui n’est pas son drame, la jeune femme n’en finit pas de gratter ses plaies, en ce qui m’a paru de si lassantes longueurs que toute émotion s’est trouvée chez moi balayée par l’ennui.

Malgré l’intérêt du sujet, la pertinence de l’observation et l’élégance du style, je suis passée à côté de cette histoire, incapable de sympathie pour son héroïne à mes yeux terriblement égocentrée, envahie par l’ennui à défaut d’autres émotions, et finalement dubitative face au soudain optimisme de sa certes jolie conclusion. (2/5)

 

 

Citations :

La mort est un point final; la disparition, l'absence de point, de tout signe de ponctuation à la fin des mots. Celui qui disparaît redessine le temps, et une spirale d'obsessions enveloppe ceux qui lui survivent. Mon père, ce matin-là, avait décidé de se glisser hors de chez nous, il nous avait fermé la porte au nez, à ma mère et moi, sans nous juger dignes d'un au revoir ou d'une explication.

La mémoire est un acte créatif : elle choisit, construit, décide, exclut ; le roman de la mémoire est le jeu le plus pur à notre disposition.

Je compris à ce moment ce qu’est vraiment une mère : quelque chose dont on ne peut pas s’abriter. Il est coutume de dire qu’une mère donne tout sans rien demander en retour ; personne ne dit qu’elle demande tout et donne ce que nous n’avons pas réclamé d’avoir.

Pourquoi n’avais-je pas d’enfant ? Je ne le savais pas, je savais seulement que ni mon mari ni moi n’avions accepté de mettre au monde une créature susceptible de mourir avant nous, nous causant une peine intolérable, ou condamnée à mourir après nous, mais inexorablement, nous rendant tout de même coupables de l’avoir engendrée.

Personne n’est vivant – nous ne sommes tous qu’encore vivants. Nous habitons le temps du « pour l’instant ».

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