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samedi 26 octobre 2024

[Guéna, Pauline] Reine

 


 

 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Reine

Auteur : Pauline GUENA

Parution : 2024 (Denoël)

Pages : 256

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur : 

« Il se réveille en sursaut. Les cris et les rires des enfants ne sont pas ceux de l’école du village, mais c’est bien l’odeur sèche du béton et celle, suffocante, de la tôle chauffée à blanc qui ont mêlé dans sa sueur et dans la crasse les années et les lieux. Il se redresse, sa prise sur l’arme resserrée, aux aguets. Les enfants se sont tus. Comme les oiseaux. »
Marco est tueur à gages. C’est un professionnel fiable et efficace qui a toujours honoré ses contrats. Jusqu’à ce jour d’été où Marco va tuer par amour.
Sa cavale commence. À ses trousses, le milieu, la police et un jeune journaliste en quête de gloire. Devant lui, rien d’autre que l’été qui n’en finit pas, et la femme qu’il aime.  

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :  

Pauline Guéna est romancière et scénariste. Elle est notamment l’autrice du Fleuve (prix du Premier Roman Edmée-de-La-Rochefoucauld, 2004), de L’Amérique des écrivains (avec Guillaume Binet, Grand Prix des lectrices de Elle, 2014) et de 18.3, une année à la PJ (2020). L’adaptation de 18.3 au cinéma par Dominik Moll, sous le titre La Nuit du 12, a reçu sept césars en 2023, dont celui du meilleur film.

 

 

Avis :

Léan est journaliste, rubrique des faits divers. Lui qui rêve de journalisme politique ne se doute pas encore qu’une affaire pourtant misérable va bousculer sa vie. Le patron d’un bar miteux a été abattu dans la nuit. Les caméras de surveillance ont tout filmé, le coupable est un certain Marco, tueur à gages chevronné qui n’a cette fois pris aucune précaution pour se couvrir. Il y a aussi un témoin, Reine, la jeune femme qui travaillait au bar. Mutique face aux interrogatoires de police, elle porte sur le corps de nombreuses traces de sévices. Il apparaît très vite que cette Equatorienne exilée en France vivait exploitée et maltraitée par le bistrotier, un homme violent impliqué dans divers trafics, et que c’est l’amour qui a inopinément poussé le tueur à abattre le tortionnaire. Un crime sans préparation, sur le point de faire tomber ce jusqu’ici insaisissable professionnel du meurtre sur commande.

Ce qui frappe dans le récit, c’est d’abord l’extrême réalisme des scènes et des personnages. L’auteur est scénariste, en plus d’avoir suivi, il y a quelques années, le quotidien de la PJ de Versailles. Quelques plans suffisent pour suggérer, autour de la scène de crime, d’abyssales ellipses de violence et de noirceur que les enquêteurs de police avec Reine et notre journaliste en ce qui concerne Marco vont chacun de leur côté nous aider à combler. Les parcours respectifs de Reine et de Marco sont dès l’enfance distordus par une brutalité inexorable qui ne leur laisse aucune chance. Elle subit en silence, victime résignée rebondissant sans espoir de calvaires en nouvelles épreuves. Lui a tiré à lui le manche de la violence, l’empoignant jusqu’à en faire son gagne-pain. Ces deux-là ne pouvaient que se reconnaître, unis par une souffrance semblable pourtant destinée à les séparer. S’extirpe-t-on jamais de l’engrenage du mal, que l’on reste victime ou que l’on passe bourreau ?

Dans une grande économie de moyens et en séquences particulièrement visuelles, Pauline Guéna réussit à suggérer la complexité derrière la scène de crime la plus limpide. L’un a tué, l’autre est complice, mais responsabilités et culpabilités vont bien au-delà de leur couple. Et sans exonérer le meurtrier dont le portrait dans son ensemble pèse lourd dans la noirceur, force est de voir en lui l’être humain acculé quasiment de naissance, sans jamais le choix des armes.

Polar bref et efficace, mais plus encore roman social inspiré d’une réalité brutale, un livre coup de poing, noir et bien serré, où les racines du mal s’avèrent bien plus intriquées que l’on ne voudrait le croire. (4/5)

 

 

Citations :

On n’en finit pas à sa guise avec la vie. On attend, on patiente, on endure. On ne s’appartient pas, on est au monde.


Sous la peau brûlante de Marco, les morts s’agitent et suppurent de ses plaies comme s’ils voulaient sortir. Il marche entre les carcasses, son grand-père sur ses jambes arquées se détourne de lui avec une moue de mépris, Gentellini est assis par terre, l’air étonné, sur une table d’autopsie gît le corps de Pépé Lanzaro, le garçon qui pleurait dans la cabane en Guyane, Lee-Roy, pleurniche d’un air accusateur ; il aperçoit la flamme folle des cheveux de la femme enceinte dont il n’a jamais su le nom, reconnaît ce matelot avec qui il aimait jouer aux cartes assassiné par un amant dans son sommeil, plus loin, un Marocain à plat ventre gratte la terre avec ses doigts, et le chien de son grand-père le fixe de ses yeux vairons et gronde, découvrant ses crocs.


 

lundi 8 mai 2023

[King, Stephen] Billy Summers

 


 

Coup de coeur 💓

 

Titre : Billy Summers

Auteur : Stephen KING

Traduction : Jean ESCH

Parution : en anglais (Etats-Unis) en 2021
                  en français (Albin Michel) en 2022

Pages : 560

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

L’histoire d’un type bien…qui fait un sale boulot.
Billy Summers est un tueur à gages, le meilleur de sa profession, mais il n’accepte de liquider que les salauds. Aujourd’hui, Billy veut décrocher. Avant cela, seul dans sa chambre, il se prépare pour sa dernière mission…

À la fois thriller, récit de guerre, road trip et déclaration d’amour à l’Amérique des petites villes, Billy Summers est l’un des romans les plus surprenants dans l’œuvre de Stephen King, qui y a mis tout son génie et son humanité.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Stephen King a écrit plus de 50 romans, autant de best-sellers, et plus de 200 nouvelles. Couronné de nombreux prix littéraires, il est devenu un mythe vivant de la littérature américaine (médaille de la National Book Foundation en 2003 pour sa contribution aux lettres américaines, Grand Master Award en 2007 pour l’ensemble de son oeuvre). En février 2018, il a reçu un PEN award d’honneur pour service rendu à la littérature et pour son engagement pour la liberté d’expression.

 

Avis :

Alors qu’à quarante-quatre ans il est bien décidé à raccrocher, Billy Summers, ancien tireur d’élite des Marines qui a servi en Irak avant de devenir tueur à gages dans la vie civile, accepte un dernier contrat, celui que son expérience et son instinct lui font pourtant pressentir comme « le coup de trop ». C’est qu’il y a deux millions de dollars à la clef, et puis la cible est l’un de ces méchants, nuisibles à la société, auxquels, conformément à son code d’éthique personnel, il restreint strictement son champ d’action. Il s’installe donc docilement dans la nouvelle identité prévue pour lui : un écrivain débutant, venu chercher le calme entre un modeste pavillon de banlieue et un bureau en centre-ville surplombant le palais de justice dont les marches serviront, le moment venu, de théâtre des opérations. On s’en doute, les imprévus vont s’en mêler, et les grains de sable initiaux se transformer en gros cailloux...

Peut-on rendre sympathique un homme qui gagne sa vie en assassinant des gens ? C’est ce que réussit Stephen King avec son personnage si bien campé dans ses complexités qu’il finit par transfigurer une intrique ouverte sous les auspices les plus classiques. Usant de la tactique du roman dans le roman grâce à la couverture d’écrivain qui, assez facétieusement mais pas sans danger pour lui, mène en réalité Billy à se montrer sous son jour le plus authentique – fin lettré, lecteur de Thérèse Raquin dont la référence accompagne d’un bout à l’autre le récit pour mieux souligner le poids de la mauvaise conscience qui fait du crime un calvaire, le sniper s’astreint ordinairement à une apparence d’homme de main un peu limité, destinée à endormir la paranoïa de ses commanditaires –, King déroule le suspense de son action principale tout en laissant son héros dévoiler lui-même son histoire et ses failles au rythme de l’écriture de ses douloureuses réminiscences.

Et si l’on n’y croise aucune horreur fantastique relevant de l’univers habituel du maître de la terreur surnaturelle, c’est quand même toujours l’angoisse et l’effroi les plus intenses que, dans un ample et lent crescendo pleins de surprises mais aussi d'émotions, l’écrivain distille au rythme de ses phrases sèches et crépitantes. Simplement, elles se nourrissent de monstruosités ordinaires qui, en toute impunité, prolifèrent dans une Amérique que les mentions à Trump et au Covid-19 ancrent bien dans notre actualité : mafia, crime, viol, pédophilie… 
 
Gentil qu’à son corps défendant de vrais méchants ont conduit à endosser un rôle dont sa conscience n’arrive pas à se convaincre qu’il n’est que faussement semblable au leur, Billy tente de conjurer ses fantômes en défendant, quand l’occasion s’en présente, ces innocents dont il ne peut plus goûter la vie paisible que le temps d’une identité d’emprunt dans un quartier modeste de l’Amérique moyenne. Mais, dans sa poche, Thérèse Raquin est là pour nous le rappeler : jamais crime commis ne s’efface… Coup de coeur. (5/5)

 

Citations : 

J’ai appris un truc dans la Maison de la Couleur Perpétuelle : il n’y a pas que deux catégories de gens – les bons et les méchants –, contrairement à ce que je croyais gamin quand je trouvais mes idées dans tout ce que je voyais à la télé. En fait il y a trois catégories. La troisième catégorie, c’est les gens qui sont d’accord avec tout le monde pour se fâcher avec personne comme me l’avait conseillé l’adjoint F.W.S. Malkin. C’est les plus nombreux sur terre et pour moi c’est des gens gris. Ils ne vous feront pas de mal (volontairement du moins) mais ils ne vous aideront pas non plus. Ils vous diront : Fais ce que tu veux et que Dieu te garde.

Je pense que dans ce monde il faut s’aider soi-même.

L’écriture, songe-t-il, est également une forme de guerre, qu’on livre contre soi-même. L’histoire, c’est ce qu’on porte, et chaque fois qu’on y ajoute quelque chose, elle devient plus lourde.

Il m’a décoché un coup de poing dans l’épaule.                                    
« Abruti ! Pourquoi tu joues toujours les idiots ?                                    
– Je ne sais pas de quoi tu parles.                                    
– Tu vois, tu recommences.                                    
– C’est plus sûr. Ce qu’ils ne savent pas ne peut pas se retourner contre toi. »