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Titre : L'enfant des vagues
(The Fishermann’s Gift)
Auteur : Julia R. KELLY
Traduction : Claire DESSERREY
Parution : en anglais en 2025
en français en 2026 (JC Lattès)
Pages : 408
Présentation de l'éditeur :
Écosse, hiver 1900. Un petit garçon vient s’échouer sur la
plage d’un village de pêcheurs. Il ressemble étrangement au fils de
l’institutrice, Dorothy, disparu en mer plusieurs années auparavant. Lorsque
Skerry est enseveli sous la neige, Dorothy accepte de s’occuper de
l’enfant jusqu’à ce qu’il puisse rentrer chez lui. Mais, à mesure que le
passé refait surface, les secrets de cette communauté très soudée
resurgissent. Et Dorothy doit se confronter à nouveau à Joseph, le
pêcheur solitaire qu’elle a passé les dernières années à fuir…
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Julia R. Kelly a
été professeur d’anglais. Elle vit dans le Herefordshire, où son
compagnon et elle ont élevé leurs cinq enfants. En 2021, elle remporte
le Blue Pencil First Novel Award pour un texte devenu depuis son premier roman, L’Enfant des vagues.
Avis :
En 2021, le Blue Pencil First Novel Award, un prix littéraire britannique destiné à repérer et soutenir les nouveaux auteurs de fiction, distinguait Julia R. Kelly pour le manuscrit qui devait devenir ce premier roman.
L’histoire nous emmène sur une petite île écossaise au tournant du XXe siècle : un monde resserré, cerné par les falaises et le fracas des vagues, où les maisons de pêcheurs s’agrippent les unes aux autres pour mieux tendre le dos au gros temps et à l'isolement hivernal. Dans ce paysage âpre, tantôt nappé de brouillard, tantôt étincelant de givre sous la neige qui étouffe les chemins, les habitants vivent au rythme des marées et des tempêtes, gestes et caractères façonnés par la rudesse du climat. Minuscule constellation de toits accrochés à la lande, le village fonctionne comme un seul organisme, chacun dépendant des autres dans un huis clos où les solidarités nécessaires n’empêchent pas la fermentation des humeurs.
Au cœur de cet équilibre précaire, un rien peut suffire à rompre l’harmonie et faire enfler la houle des ressentiments et des commérages. Lorsque la mer rejette sur la grève, à demi-mort, un enfant de six ans ressemblant trait pour trait à celui qu’elle avait ravi, lors d’une nuit de tempête quelque vingt‑cinq ans plus tôt, à l’institutrice Dorothy, c’est tout un passé que l’île croyait enseveli qui remonte à la surface. Alternant entre les deux époques, le récit dévoile peu à peu le long mûrissement des forces qui avaient mené au drame : rivalités amoureuses, jalousies sourdes, défiance envers cette jeune femme venue d’Édimbourg, droite et silencieuse, que les insulaires n’ont jamais vraiment adoptée. Les malentendus, nourris par le mutisme de ces gens taiseux, se mêlent aux légendes locales de fantômes hantant la mer, instillant une ambiguïté presque fantastique. À travers la psyché de Dorothy se dessinent le deuil impossible d’un enfant et la culpabilité qui ronge, acmé d’un imbroglio lentement mais inextricablement noué autour d’amours contrariées, de mal d’enfant, de convenances étouffantes et de violence conjugale alcoolisée.
Julia R. Kelly déploie une trame au potentiel indéniable. Un lieu magnétique, une atmosphère chargée de brumes et de passions, des thèmes qui convoquent l’ombre des sœurs Brontë ou de Daphne du Maurier : tout semble réuni pour un récit envoûtant, mêlant paysage, légendes et tourments intérieurs dans un même souffle romanesque et gothique. C’est pourtant de la hauteur même de ces promesses que naît un certain désappointement. La langue, fluide et agréable, demeure d’une simplicité contemporaine qui peine à rejoindre l’ampleur plus âpre et intemporelle que suggère le décor. L’atmosphère, sensible et soignée, n’atteint pas tout à fait cette intensité tellurique que l’on attendait, celle qui fait des éléments – la mer, le vent, la lande – des forces souveraines, presque vivantes. À cela s’ajoute une tentation de la romance, parfois un peu facile, qui laisse entrevoir un dénouement apaisé là où l’on espérait une noirceur plus assumée, ce qui affaiblit la portée dramatique promise.
Reste un premier livre sincère, porté par de belles intuitions, une construction maîtrisée et un sens réel du drame intime. S’il frôle parfois une profondeur plus sombre sans s’y abandonner pleinement, il n’en laisse pas moins entrevoir une voix prometteuse, encore en devenir mais déjà attachante. (3/5)
L’histoire nous emmène sur une petite île écossaise au tournant du XXe siècle : un monde resserré, cerné par les falaises et le fracas des vagues, où les maisons de pêcheurs s’agrippent les unes aux autres pour mieux tendre le dos au gros temps et à l'isolement hivernal. Dans ce paysage âpre, tantôt nappé de brouillard, tantôt étincelant de givre sous la neige qui étouffe les chemins, les habitants vivent au rythme des marées et des tempêtes, gestes et caractères façonnés par la rudesse du climat. Minuscule constellation de toits accrochés à la lande, le village fonctionne comme un seul organisme, chacun dépendant des autres dans un huis clos où les solidarités nécessaires n’empêchent pas la fermentation des humeurs.
Au cœur de cet équilibre précaire, un rien peut suffire à rompre l’harmonie et faire enfler la houle des ressentiments et des commérages. Lorsque la mer rejette sur la grève, à demi-mort, un enfant de six ans ressemblant trait pour trait à celui qu’elle avait ravi, lors d’une nuit de tempête quelque vingt‑cinq ans plus tôt, à l’institutrice Dorothy, c’est tout un passé que l’île croyait enseveli qui remonte à la surface. Alternant entre les deux époques, le récit dévoile peu à peu le long mûrissement des forces qui avaient mené au drame : rivalités amoureuses, jalousies sourdes, défiance envers cette jeune femme venue d’Édimbourg, droite et silencieuse, que les insulaires n’ont jamais vraiment adoptée. Les malentendus, nourris par le mutisme de ces gens taiseux, se mêlent aux légendes locales de fantômes hantant la mer, instillant une ambiguïté presque fantastique. À travers la psyché de Dorothy se dessinent le deuil impossible d’un enfant et la culpabilité qui ronge, acmé d’un imbroglio lentement mais inextricablement noué autour d’amours contrariées, de mal d’enfant, de convenances étouffantes et de violence conjugale alcoolisée.
Julia R. Kelly déploie une trame au potentiel indéniable. Un lieu magnétique, une atmosphère chargée de brumes et de passions, des thèmes qui convoquent l’ombre des sœurs Brontë ou de Daphne du Maurier : tout semble réuni pour un récit envoûtant, mêlant paysage, légendes et tourments intérieurs dans un même souffle romanesque et gothique. C’est pourtant de la hauteur même de ces promesses que naît un certain désappointement. La langue, fluide et agréable, demeure d’une simplicité contemporaine qui peine à rejoindre l’ampleur plus âpre et intemporelle que suggère le décor. L’atmosphère, sensible et soignée, n’atteint pas tout à fait cette intensité tellurique que l’on attendait, celle qui fait des éléments – la mer, le vent, la lande – des forces souveraines, presque vivantes. À cela s’ajoute une tentation de la romance, parfois un peu facile, qui laisse entrevoir un dénouement apaisé là où l’on espérait une noirceur plus assumée, ce qui affaiblit la portée dramatique promise.
Reste un premier livre sincère, porté par de belles intuitions, une construction maîtrisée et un sens réel du drame intime. S’il frôle parfois une profondeur plus sombre sans s’y abandonner pleinement, il n’en laisse pas moins entrevoir une voix prometteuse, encore en devenir mais déjà attachante. (3/5)

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