dimanche 10 mars 2024

[Nail, Guillaume] On ne se baigne pas dans la Loire

 





J'ai beaucoup aimé

 

Titre : On ne se baigne pas dans la Loire

Auteur : Guillaume NAIL

Parution :  2023 (Denoël)

Pages : 160

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

« Sous leurs yeux, le décor entier se détraque. L’incompréhension dans le regard de Lorenzo, ses pieds dérobent, l’eau ensevelit et, réflexe, Gus saute pour échapper à l’arbre qui glisse par en dessous et défonce le sable dans sa chute, jusqu’à redevenir le fleuve, le courant, l’eau partout. »

Un après-midi d’août, dernier jour de colo. Une meute d’adolescents est livrée à elle-même. Dans un dernier sursaut d’enfance, Pierre, Gus, Totof, Farid et les autres partent à l’aventure. Derrière leurs vœux d’amitié à la vie, à la mort pointe la fougue d’une jeunesse insolente. Tous se croient immortels. Une journée parfaite, à un détail près – on ne se baigne pas dans la Loire.
Un premier roman impétueux qui dit la fièvre de l’adolescence.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Traducteur de formation, Guillaume Nail est l’auteur de plusieurs livres jeunesse et young adult, dont Bande de zazous !, Ton absence (Rouergue, 2017, 2022) et Le Cri du homard (Glénat Jeunesse, 2020). Également à son actif, des collaborations en tant que scénariste, journaliste et comédien. On ne se baigne pas dans la Loire est son premier roman pour le public adulte.

 

 

Avis :

Quittant pour la première fois la littérature pour la jeunesse, Guillaume Nail ne s’éloigne pas pour autant des turbulences adolescentes avec ce roman coup de poing, déflagration de vie, de tension et de poésie, inspiré d’un fait divers dramatique qui, à l’été 1969, coûta la vie de dix-neuf enfants d’un centre aéré, aspirés par un cul-de-grève à Juigné-sur-Loire, près d’Angers.

« On le sait pourtant »
, insistent les premiers mots, doublant l’avertissement du titre : « On ne se baigne pas dans la Loire. Ni printemps, ni été, ni même un doigt de pied. » D’emblée placé sous la menace d’un drame annoncé, happé dès l’incipit par la somptueuse et inquiétante évocation d’un fleuve aux beautés torves, faussement assoupi entre « bras morts et plein lit », l’on sait que le piège est tendu et que sa sournoiserie aura bientôt raison de quelque victime étourdie.

Personnage parmi les autres, « le fleuve » se mêle dès lors aux prénoms qui servent de titres aux brefs chapitres, révélant les personnalités en une succession de scènes crépitant comme autant de flashes, et qui, en trois parties, vont d’abord nous tremper dans l’angoissant courant de l’histoire, suspendre ensuite son fil pour un retour en amont précisant les relations entre les protagonistes, enfin nous précipiter vers l’estuaire du dénouement, dans la désolation des ruines après le tsunami, quand est venu le temps de la stupeur et de la recherche d’explications.

Inconscients de l’imminence du drame, ils sont un groupe d’adolescents, tous des garçons d’au plus dix-sept ans, en colonie de vacances sous la responsabilité de deux encadrants. En ce 31 août, c’est le dernier jour d’insouciance avant le retour à la maison, chacun solitaire face à ses tracas, alors tous sont bien résolus à profiter jusqu’au bout, et le plus intensément possible, de la turbulente dynamique du groupe. Le sentiment de fin et la chaleur accablante ont définitivement raison de l’autorité vacillante des deux adultes, Pauline et Benoît, l’un comme l’autre au bord du faux pas : elle, fragile et à peine plus âgée que tous ces garçons, troublée par les insolents assauts de leur jeune testostérone ; lui, hanté par l’interdit de son « fétichisme olfactif » qui lui fait chaparder leur linge sale en cachette. Alors, n’en déplaise à Pierre le souffre-douleur et à Totof le franc-tireur, lorsque Gus le meneur lance après le pique-nique et la partie de ballon en bord de Loire : « on va se baigner ? » et que Benoît soupire « place à l’impro », tout peut désormais arriver.

Magnifiée par une plume vivante et affûtée, aux séduisantes et inventives libertés poétiques, la narration crève les pages tant personnages et scènes, d’une précision toute cinématographique, acquièrent d’intensité et de vérité, le tout tendu par l’imminence d’une catastrophe dont on ignore par où elle va frapper. De la traîtrise du fleuve aux comportements transgressifs des protagonistes, en passant par l’aventure isolée d’un Totof courant ses propres risques, les menaces s’accumulent comme de moins en moins lointains coups de tonnerre préfigurant le désastre.

Un livre tragique, sombre et cruel, dont on dévore les originales beautés d’écriture dans un seul jet de tension angoissée. (4/5)

 

 

Citation :

Que la nuit soit d’été ou l’automne hâtif, les vignes vêtues de rouge et inquiètes des gels, que les saules se languissent, pieds secs, ou grenouilles à cœur joie, nos sœurs le savent, et nos frères le martèlent. Tu dois craindre le courant qui te happe.  
Puis, furtif, t’engloutit.


 

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