J'ai beaucoup aimé
Titre : Soleil amer
Auteur : Lilia HASSAINE
Parution : 2021 (Gallimard)
Pages : 160
Présentation de l'éditeur :
À la fin des années 50, dans la région de l’Aurès en Algérie, Naja élève
seule ses trois filles depuis que son mari Saïd a été recruté pour
travailler en France. Quelques années plus tard, devenu ouvrier
spécialisé, il parvient à faire venir sa famille en région parisienne.
Naja tombe enceinte, mais leurs conditions de vie ne permettent pas au
couple d’envisager de garder l’enfant…
Avec ce second roman, Lilia Hassaine aborde la question de l’intégration des populations algériennes dans la société française entre le début des années 60 et la fin des années 80. De l’âge d’or des cités HLM à leur abandon progressif, c’est une période charnière qu’elle dépeint d’un trait. Une histoire intense, portée par des personnages féminins flamboyants.
Avec ce second roman, Lilia Hassaine aborde la question de l’intégration des populations algériennes dans la société française entre le début des années 60 et la fin des années 80. De l’âge d’or des cités HLM à leur abandon progressif, c’est une période charnière qu’elle dépeint d’un trait. Une histoire intense, portée par des personnages féminins flamboyants.
Un mot sur l'auteur :
Née en 1991, Lilia Hassaine est une journaliste française, romancière et chroniqueuse dans l'émission Quotidien de TMC. En 2019, elle a publié un roman fantastique, L'oeil du paon. Soleil mer est son second roman.
Avis :
Lorsqu’au début des années soixante, Naja quitte l’Algérie avec ses trois filles pour rejoindre son mari Saïd, ouvrier dans l’industrie automobile, son arrivée en France est un désenchantement. Leurs conditions de vie rendent même problématique l’élargissement de la famille au quatrième enfant à naître…
De la création pleine d’espoir des cités HLM à leur ghettoïsation progressive, c’est l’histoire de l’intégration des populations algériennes en France qui défile dans ces pages, en une cascade de désillusions toute entière contenue dans l’oxymore du titre emprunté à Rimbaud. Arrivé le premier, Saïd, le père, est loin d’avoir pu préparer pour les siens une existence aussi séduisante qu’escompté. En mère-courage et au prix d’un impossible secret qui rejaillira, leur vie durant, sur toute la famille, Naja tâche d’élever au mieux ses enfants, sans parvenir à les préserver complètement. Tandis que les filles se voient, en plus, confrontées aux limitations de la condition féminine traditionnelle, tous se retrouvent coincés dans une dualité biculturelle qui les condamne à n’être aux yeux de tous, en France comme en Algérie, que d’éternels intrus sans complète appartenance. Et pendant que leur cité HLM, symbole de confort et de modernité dans les années soixante, se vide peu à peu de ses classes moyennes pour ne bientôt plus regrouper que les déshérités incapables de partir vivre ailleurs, préjugés et déterminisme social génèrent chez les jeunes générations de bien cruelles désillusions.
Construit autour de personnages multiples que l’on perçoit volontiers représentatifs, le récit pose sans candeur ni misérabilisme les questions de l’intégration et des obstacles à l’ascension sociale. La narration résonne particulièrement des difficultés propres aux femmes, qui, entre tradition et modernité, peinent encore davantage à trouver leur place. Pourtant, s’inscrivant bien avant la violence qui enferment les cités sur elles-mêmes aujourd’hui, elle évoque une situation alors encore ouverte sur l’espoir. Ainsi, chacune des trois filles de Saïd et Naja réussit un peu plus à s’émanciper que la précédente, l’accès à l’éducation ouvre de nouvelles portes, et le roman s’achève sur une réconciliation identitaire réussie pour un des fils et pour ses propres enfants.
Relativement courte, la narration épouse le rythme « stroboscopique » d’une succession commentée de flashes photographiques. Placé en observateur extérieur, le lecteur n’y trouvera ni grande émotion, ni intensité psychologique, mais une chronique efficace et pertinente, agréable à lire et pleine de beaux passages. (4/5)
De la création pleine d’espoir des cités HLM à leur ghettoïsation progressive, c’est l’histoire de l’intégration des populations algériennes en France qui défile dans ces pages, en une cascade de désillusions toute entière contenue dans l’oxymore du titre emprunté à Rimbaud. Arrivé le premier, Saïd, le père, est loin d’avoir pu préparer pour les siens une existence aussi séduisante qu’escompté. En mère-courage et au prix d’un impossible secret qui rejaillira, leur vie durant, sur toute la famille, Naja tâche d’élever au mieux ses enfants, sans parvenir à les préserver complètement. Tandis que les filles se voient, en plus, confrontées aux limitations de la condition féminine traditionnelle, tous se retrouvent coincés dans une dualité biculturelle qui les condamne à n’être aux yeux de tous, en France comme en Algérie, que d’éternels intrus sans complète appartenance. Et pendant que leur cité HLM, symbole de confort et de modernité dans les années soixante, se vide peu à peu de ses classes moyennes pour ne bientôt plus regrouper que les déshérités incapables de partir vivre ailleurs, préjugés et déterminisme social génèrent chez les jeunes générations de bien cruelles désillusions.
Construit autour de personnages multiples que l’on perçoit volontiers représentatifs, le récit pose sans candeur ni misérabilisme les questions de l’intégration et des obstacles à l’ascension sociale. La narration résonne particulièrement des difficultés propres aux femmes, qui, entre tradition et modernité, peinent encore davantage à trouver leur place. Pourtant, s’inscrivant bien avant la violence qui enferment les cités sur elles-mêmes aujourd’hui, elle évoque une situation alors encore ouverte sur l’espoir. Ainsi, chacune des trois filles de Saïd et Naja réussit un peu plus à s’émanciper que la précédente, l’accès à l’éducation ouvre de nouvelles portes, et le roman s’achève sur une réconciliation identitaire réussie pour un des fils et pour ses propres enfants.
Relativement courte, la narration épouse le rythme « stroboscopique » d’une succession commentée de flashes photographiques. Placé en observateur extérieur, le lecteur n’y trouvera ni grande émotion, ni intensité psychologique, mais une chronique efficace et pertinente, agréable à lire et pleine de beaux passages. (4/5)
Citations :
Le cerveau humain est si bien fait qu’il vous console avant les coups. C’est l’expérience du deuil : on souffre après. Au départ, on se représente la belle vie que le défunt a eue, on témoigne, on discourt, on pose. Mais quelques jours plus tard, il n’y a plus que la solitude et le manque.
Plus les années passaient, plus le secret s’enfonçait, et on empilait par-dessus des mensonges comme on coule du béton pour combler un trou. Mais les secrets qu’on enterre ne meurent pas pour autant. S’ils n’éclatent pas au grand jour, ils exhalent des vapeurs contre lesquelles on ne peut rien.
Ces derniers temps, Ève était particulièrement apprêtée, comme si la maternité lui avait donné plus d’allure encore. Devenir mère l’avait changée en femme. Naja se demandait si on pouvait dire ça d’elle aussi, sans doute pas, elle était invariablement toujours la même. Elle s’était fait la réflexion quelques années auparavant, quand Saïd l’avait emmenée à Orly voir les avions décoller. Avec les enfants, ça leur faisait une sortie le dimanche, pas très loin de chez eux. Elle avait réfléchi à tout cela, comme à une métaphore de sa vie : voir les avions décoller. Observer les mouvements des autres, depuis le tarmac de son existence. Elle songeait qu’elle finirait sans doute ses jours dans la même ville, dans le même HLM, qu’il ne se passerait jamais rien, aucun événement marquant, jamais, et que c’était ce qui la différenciait profondément d’Ève.
Naître fille, ça voulait dire devenir la boniche de ses frères, puis celle de son mari, ne jamais jouir d’aucun plaisir, si ce n’est ceux de la bouche, et donc grossir, grossir, grossir, tomber enceinte autant de fois que possible, accoucher sans un bruit, brider ses propres filles, qui reproduiront le même schéma à leur tour : « La féminité est une maladie transmissible. On trimballe les tares de nos mères, et on les refile à nos mômes », répétait souvent Michèle, la voisine.
La chèvre s’est battue jusqu’à l’aube, avant de se faire dévorer comme toutes les autres. C’est le prix de la liberté, vois-tu Amir. Blanquette a bien fait. Mieux vaut une journée de bonheur qu’une vie entière avec la corde au cou.
« Mesdames, voici la machine à shampouiner tous les sols ! » Nour demanda à son père pourquoi le démonstrateur disait « mesdames ». « C’est injuste, ça a l’air rigolo de shampouiner les sols… », avant d’ajouter : « Moi, quand je serai grande, je défendrai les droits des hommes. »
Je vais te donner un carnet et quelques crayons. Tu n’es pas obligé de parler, tu sais… surtout si tu as des choses à dire. Tu remarqueras, plus tard, que ceux qui parlent le plus sont ceux qui en disent le moins.
« Papi, pourquoi ça fait pleurer la musique ? » Alors Marcel se mit au piano et joua l’Impromptu no 3 de Schubert. Il lui expliqua la différence entre les tonalités « joyeuses » et les tonalités « tristes »… comment ce morceau, écrit en sol bémol majeur, trouvait sa grâce dans le « bémol » précisément, la petite contrariété, le petit défaut qui donne sa personnalité à un visage. « La joie sans mélancolie, c’est un soleil qui brillerait sans discontinuer… La joie n’est la joie que parce qu’elle joue au funambule au-dessus du vide. La forme musicale de l’impromptu comporte une part d’improvisation. Le pianiste glisse sur le si bémol, et c’est dans ce point de tension, quand on manque de tomber, que le cœur bat plus vite… tu as dû déjà ressentir cela. Quand on se rattrape in extremis à une branche, qu’on évite la chute par un simple réflexe, tout tremble en nous. Voilà pourquoi ça fait pleurer, la musique. Voilà pourquoi j’aime autant le jazz. Parce que le fil du funambule, c’est la corde de notre âme. »
Marcel faisait exprès de lui parler comme à un adulte. Il faisait exprès aussi de ne pas lui proposer de jouer. Il voulait que l’idée vienne de lui, qu’il s’essaye sans demander la permission, comme quand il avait volé les caramels dans la bonbonnière. Quand le désir est irrépressible, la satisfaction est grande. Marcel voulait le surprendre en train d’apprivoiser les notes. Il jugeait que la liberté était le seul moyen de contraindre un homme.
Tu sais, ma seule joie dans le monde des vivants, la seule, c’est de voir mon petit-fils encore quelques années, de le voir devenir qui il est, capitaine de bateau, pianiste ou ce qu’il veut. Ne m’oublie pas, Ève, ne m’oublie pas en pensant que tu as le temps, on croit toujours qu’on a le temps, la vérité c’est que tu n’as jamais le temps pour moi parce que tu en as trop, du temps… la vérité surtout, c’est que j’ai moins de temps que toi. Tu verras quand tu auras mon âge, le temps sera pour toi une espèce protégée, comme les tigres blancs et les éléphants d’Afrique, alors fais-moi ce cadeau… mon petit-fils… de temps en temps…
D’un côté il se disait fier de ses origines et de sa culture, de l’autre il espérait se fondre dans le paysage français. D’un côté il désirait rentrer au bled, de l’autre il rêvait que ses enfants s’intègrent. Il oscillait entre deux pays, entre deux projets, et élevait ses enfants dans la même dualité. La dualité comme identité, c’était déjà une contradiction, il n’existait pas de mot pour dire « un et deux » à la fois. Le langage échouait à décrire sa réalité. Alors devant la faillite de la langue, on le renvoyait à son étrangeté : dans le regard des Français, il était l’immigré ; en Algérie, il s’en était aperçu au mariage de Maryam, il était aussi devenu l’immigré. On ne veut pas de celui qui arrive, on en veut à celui qui nous quitte. Il appartient à un ailleurs, à un espace qu’on tient à distance. Ne pas être « un », c’est être suspecté de duplicité.
Elles traversaient ensemble la vie quotidienne… mais la vie quotidienne est un décor de théâtre. La vie quotidienne est ce qui vient, par une somme d’habitudes, encadrer nos pensées obscures et nos douleurs secrètes. Faire les courses, le ménage, s’occuper des enfants, autant d’activités qui nous obligent, sans quoi on ne ferait plus rien. Le divertissement nous aide à survivre, car le désespoir est l’état naturel de l’homme. On ment tous.
L’écrivain, c’est celui qui fait de sa vie le réceptacle des secrets, des sentiments profonds. Il se métamorphose sans cesse, voyage de corps en corps, d’âme en âme, dans une quête métaphysique effrénée. Il s’invente pour comprendre l’autre, conscient que cet autre ne montre toujours qu’une partie de son être ; seule la face cachée de la lune l’intéresse.
Un jour, au cours d’un dîner, il avait présenté Sylvie comme son « amie écrivain ». En rentrant, elle lui avait demandé pourquoi, et il lui avait répondu : « Ce n’est pas un métier, écrivain. C’est un trait de caractère. »
Elle voulait savoir si on pouvait choisir un mari qu’on n’aimait pas, juste pour obéir aux conventions sociales ou aux traditions. Sheila réfléchit un instant, puis elle retira son alliance et la lui passa au doigt : « Le voilà, le précieux sésame. Le mariage, ce n’est pas plus que ça. On en fait tout un flan mais tu sais Sonia, l’amour c’est autre chose. On parle de l’année 68, de la révolution sexuelle, de la libération des mœurs, mais ces idéaux ne sont réservés qu’à une certaine caste. Au fond, qui est libre ? Quelle femme peut aujourd’hui multiplier les relations amoureuses sans être insultée ou moquée ? La Parisienne libertine, la féministe de Saint-Germain, la femme de notable excentrique, pas Mme Tout-le-Monde. Mme Tout-le-Monde, elle doit se marier, faire des enfants, et si elle a désormais le droit de divorcer, Mme Tout-le-Monde a rarement un bon salaire, et donc tout à y perdre. Je crois que le jour où les femmes n’auront plus besoin de se positionner en fonction des hommes, en bien ou en mal d’ailleurs, on aura fait un grand pas. Aujourd’hui, certaines se promènent quasiment nues, affirmant qu’elles font ce qu’elles veulent de leur corps, tandis qu’elles ne pensent qu’à plaire à l’autre sexe – si la nudité était l’insigne du pouvoir, les hommes se baladeraient à poil. Regarde les Clodettes… elles sont libres, personne ne les force, mais elles servent la carrière d’un homme. Elles ont été inventées par l’imagination d’un homme, pour les hommes. Et puis il y a les autres, celles qui crient leur haine du masculin et surjouent la virilité. Dans un cas comme dans l’autre, l’homme est au centre de la réflexion, il est au centre du monde… Moi-même je ne peux m’en empêcher, je ne pense qu’à eux, et c’est en cela que je dis qu’on n’a pas tellement avancé. » Sonia reposa la question, elle espérait une réponse plus personnelle : « Tu me parles d’amour, Sonia. J’aime mon mari, oui, parce que c’est mon mari. »
Les maisons inhabitées sont des vieux livres, elles témoignent de la vie passée au présent. La maison d’Ève racontait une époque heureuse, couleurs vives, elle racontait la chaleur, coussins en velours, elle racontait l’amour, fleurs séchées. Désormais, chaque grain de poussière semblait venir d’un sablier comptant les heures passées sans elle, la femme qui avait laissé son empreinte partout, une chemise de nuit sur une chaise, une brosse parsemée de cheveux blonds.
« La virginité est une pomme accrochée à un pommier. Quand la pomme est pourrie, c’est que l’arbre est pourri. » Saïd prononça cette phrase, en ouvrant la porte. Nour était trempée des pieds à la tête, elle avait pris la pluie. Il n’ajouta rien d’autre. Mais quand il aperçut le jeune homme sur sa mobylette, il descendit le chercher, le fit monter et lui posa une seule question : « Si tu veux épouser ma fille, elle est à toi. Si tu n’en veux pas, elle t’écoute. Alors ? » Décontenancé, le jeune homme répondit qu’il l’aimait mais qu’il n’était pas prêt, que leur histoire était trop récente, qu’il devait déjà gagner un peu d’argent, et d’autres choses encore, mais Saïd n’écoutait plus rien. « Tu vois, Nour, quand la pomme est pourrie, personne ne veut plus du pommier. »
Avec Naja et Michèle, elles commentaient le journal de 13 heures, puis regardaient ensemble l’émission Aujourd’hui Madame, destinée aux femmes au foyer. Le thème de ce 1er juillet 1976 était « Le viol, est-ce que ça existe ? ». Un homme répondait : « Ça dépend de leur tenue vestimentaire. C’est leur façon d’aguicher les passants qui fait qu’elles se font violer. » « Est-ce que toutes les femmes ont envie de se faire violer ? » « Je pense, oui. »
Les ruptures violentes donnent souvent des raisons supplémentaires de couper les ponts. Elles attisent la colère et rendent définitif ce qui était encore rattrapable. Le mot de trop, la phrase jetée en l’air, toutes ces réactions brutales ne sont que des tours de l’esprit pour se convaincre soi-même.
L’ex-professeure s’était prise d’affection pour son jeune voisin et l’accompagnait tous les mercredis à la bibliothèque. Elle lui expliquait les pouvoirs magiques des livres et de la littérature : « Peu importe d’où tu viens, peu importe la tête que tu as, si tu connais la correspondance de Flaubert, quelques vers de Rimbaud et la musique de Proust, tu as les passeports diplomatiques de toutes les sociétés et de tous les États. Le seul trait d’union entre les hommes c’est la culture, cette culture qu’on dit élitiste mais qui est universelle car elle a traversé les siècles. Les sonates de Beethoven sont arrivées jusqu’à nous parce qu’il y a dans cet art, comme dans la musique classique arabe ou le chant des oiseaux, une permanence du sentiment, une sorte d’âme supérieure. L’excellence de l’art dépasse les préférences, elle est la caisse de résonance de Dieu… »
En traversant les grandes artères, ils comprenaient qu’une distance ne se mesurait pas en kilomètres. Celle qui séparait Paris de leur cité leur semblait infinie : les immeubles haussmanniens, avec leurs pierres de taille, leurs garde-corps en fer forgé, avaient été construits pour durer là où, en l’espace de trente ans, les murs de leur cité s’effritaient déjà. Ils voyaient que les bâtiments parisiens les plus décatis conservaient le charme de l’ancien. Ils savaient que ceux-là seraient rénovés, en ce qu’ils constituaient des morceaux d’héritage. Des générations de familles habitaient et habiteront ces murs. Amir et Miloud faisaient partie de la classe des déshérités, ceux dont les logements mêmes sont des invitations au départ. Ils avaient le sentiment par moments de vivre dans un lazaret, une île pour pestiférés. Aucun Parisien ne s’aventurait jamais dans leur banlieue, et moins ils s’y rendaient, plus la distance entre ces deux mondes s’allongeait, entourée de craintes, de fantasmes et de peur.
Avec le temps, on ne sait plus faire semblant. Croire qu’on apprend avec l’expérience est une vue de l’esprit : on apprend surtout à désapprendre, on se débarrasse, on se dépouille.
Naja aimait la France malgré tout. Elle répétait : « L’Algérie et la France sont des sœurs empêchées. Elles n’ont pas réussi à vivre ensemble, mais n’ont jamais su vivre l’une sans l’autre. » Nour ressentait de la colère à l’égard du pays qui lui avait pris son grand-père, qui avait épuisé son père et laissé sa famille croupir dans une banlieue sordide. Sa mère lui répondait toujours : « Rentre en Algérie si tu veux », elle savait très bien que Nour ignorait tout de son pays d’origine, même la langue.
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