mercredi 30 décembre 2020

[Hochet, Stéphanie] Pacifique

 


 

 

J'ai aimé

 

Titre : Pacifique

Auteur : Stéphanie HOCHET

Parution : 2020 (Rivages)

Pages : 112

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

« Je noue le hachimaki aux couleurs de notre Japon éternel autour de mon casque. J’effectue ce geste avec lenteur et solennité, sans pensées, sans émotions. Le froid dans mes veines, le temps s’est arrêté, je suis une fleur de cerisier poussée par le vent. À vingt et un ans, j’ai l’honneur d’accepter de mourir pour l’empire du Grand Japon. »
En nous plongeant dans l’intimité d’un kamikaze de la guerre du Pacifique, Stéphanie Hochet nous livre un roman vibrant, poétique et d’une intensité rare.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Stéphanie Hochet est l’auteur de plusieurs fictions, dont Combat de l’amour et de la faim (prix Lilas 2009), Un roman anglais (Rivages, 2015), L’animal et son biographe (prix Printemps du roman 2017) et de l’essai littéraire Éloge du chat (Rivages poche, 2016).

 

 

Avis :

Elevé dans le respect des valeurs traditionnelles de l’honneur, de l’obéissance et du sacrifice, Kaneda Isao s’est engagé dans l’aviation militaire japonaise. En 1945, il est désigné volontaire pour une opération suicide contre un navire américain. Tandis qu’approche le jour fatidique de sa fin héroïque, le jeune kamikaze se prend à douter de l’issue de la guerre et de l’utilité de sa mission, qui ne va d’ailleurs pas se dérouler comme prévu…

En nous faisant entrer dans le tête d’un kamikaze japonais au seuil de sa dernière mission, le récit nous plonge dans le Japon de 1945, alors que commence à s’insinuer dans les esprits l’inconcevable idée de la défaite nippone. Déterminées à préserver leur honneur, cette valeur si fondamentale au Japon, l’armée, mais aussi la population toute entière, jettent leurs dernières forces dans le combat, quitte à se saborder s’il le faut, hommes, femmes et enfants, dans une vague collective de suicides qui ne laisserait à l’ennemi qu’un pays vide. Dès lors, la mort devient le leitmotiv des trois quarts du roman, dans une vision extraordinairement légère et poétique, où le kamikaze, « vent divin », paré de la beauté fragile des pétales de cerisier, s’envole vers une félicité toute aérienne.

Loin du nationaliste fanatique, le soldat Kaneda s’avère en fait un très jeune homme terrorisé, que la pression sociale et l’autorité militaire privent de tout choix. Le texte décrit avec la plus grande justesse son combat intérieur, alors qu’il se retrouve coincé entre un devoir poétiquement idéalisé et une réalité bassement terrifiante. J’ai été toutefois moins convaincue par l’inflexion du récit vers une renaissance inespérée de son personnage, au travers d’un éveil spirituel qui lui ouvre l’accès à la sérénité bouddhique. Trop rapide pour convaincre tout à fait, la métamorphose de Kaneda m’a parue un peu trop artificiellement positive, dans une seconde et brève partie dont la fin très abrupte m’a laissée sur ma faim.

Malgré mes interrogations sur sa conclusion, ce joli roman épuré à l’élégance poétique et au style fluide et soigné ouvre une perspective intéressante sur la culture japonaise et son rapport à la mort. Une mort qui domine toute l’histoire sans jamais la plomber, dans une prouesse narrative à l’esthétique certaine. (3/5)

 

Citations :

Un guerrier samouraï n’hésitera pas à mourir pour défendre l’Empereur. Il ne doutera pas, il donnera sa vie avec légèreté, sourire aux lèvres. C’est ce que répétait ma grand-mère. Elle me disait que le destin d’un samouraï se résumait à manier le sabre long ainsi que le sabre court et à mourir. Aucune phrase n’était plus simple et aucune discipline aussi difficile.

Nous sommes appelés à devenir des « fleurs de cerisier ».         
Le sakura, fleur symbole du Japon. Elle s’épanouit au printemps et le souffle du vent suffit à l’emporter. Vivre telle une efflorescence printanière serait donc croître et disparaître au paroxysme de la jeunesse. Laissant dans l’air le souvenir de sa beauté éphémère.         
Nous deviendrons des végétaux délicats, des corolles époustouflantes sous lesquelles les futurs mariés joignent leurs mains.         
Le Hagakure rappelle que les samouraïs doivent posséder dans leur besace de la poudre de riz afin qu’en cas de trépas ils puissent veiller à avoir dans la mort le teint du cerisier en fleur.         
Nous deviendrons l’image même de la fragilité qui vit le temps d’un soupir et meurt avec légèreté.         
Nous changerons d’état, abandonnant la lourdeur de l’enveloppe humaine pour abriter en nous la sève végétale, pour nous remplir de leur couleur délicate et voler, voler jusqu’à la désintégration.

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