vendredi 28 juin 2024

[McCloskey, David] Mission Damas

 


 

 

J'ai aimé

 

Titre : Mission Damas (Damascus Station)

Auteur : David McCLOSKEY

Traduction : Johan-Frédérik HEL-GUEDJ

Parution : en anglais (Etats-Unis) en 2021,
                  en français en 2024 (Seuil-Verso)

Pages : 560

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :

Afin de traquer le responsable de la disparition d’un espion américain, Sam Joseph, agent de la CIA, est chargée de recruter Mariam Haddad, haute fonctionnaire travaillant au palais présidentiel syrien. Elle accepte de l’aider à condition qu’il lui apprenne les ficelles du métier.
Mais, entre Sam et Mariam, c’est le coup de foudre. Très vite, ils entament une relation interdite qui pourrait leur coûter très cher.
À Damas, leur chasse à l'homme les conduit à la découverte d’une série d’assassinats et d’un sombre secret dissimulé au cœur du régime syrien. Dans le radar du chasseur d’espions d’Assad et son frère, chef de la redoutée Garde républicaine, les deux amants devront mettre en jeu aussi bien leurs propres vies que l’avenir de tout un pays. Pays où une rébellion couve...

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

David McCloskeyest un ancien analyste de la CIA et consultant pour McKinsey & Company. À la CIA, il a travaillé dans plusieurs antennes à travers le Moyen-Orient et est également spécialiste de la Russie. Mission Damas, son premier roman, a été acclamé par toute la presse américaine et anglo-saxonne. Il vit au Texas.

 

Avis :  

Ancien analyste de la CIA plusieurs fois basé au Moyen-Orient, David McCloskey met ses connaissances d’initié au service d’un premier roman d’espionnage placé sous l’égide de la peur en Syrie.

Nous sommes dans les premières années de la révolution syrienne, commencée en 2011 dans le contexte du printemps arabe. Le gouvernement de Bachar el-Assad réprime dans le sang les manifestations globalement pacifiques en faveur de la démocratie, jetant ainsi les rebelles dans les bras des intégristes et de la lutte armée. Alors que la terreur gagne le pays, l’agent de la CIA Sam Joseph échoue à exfiltrer l’une de ses collègues, qui meurt sous la torture dans les geôles du régime. Il est chargé de recruter une nouvelle source en la personne de Mariam, assistante au sein du palais présidentiel. Les manœuvres d’approche sont délicates, mais, en vérité restée en place par la seule peur de représailles sur ses proches, la jeune femme bien consciente des torts du régime se laisse d’autant plus rapidement convaincre qu’en dépit de toutes les règles de sécurité, une relation sentimentale naît bientôt entre elle et Sam.

Dans l’atmosphère tendue à l’extrême d’un pays au bord de la guerre civile, le gouvernement répliquant aux attentats rebelles à coups de gaz sarin, de massacres de civils et de torture de ses opposants, beaucoup se retrouvent coincés entre des choix impossibles. Partir ou rejoindre la rébellion, c’est condamner aux représailles la famille restée sur place. Rester et se soumettre, c’est vendre son âme au diable et vivre dans la terreur. Les proches du trône se retrouvent ainsi inextricablement liés malgré leurs états d’âme, et mis à part quelques fous dangereux pour encourager la cruauté sanglante du clan loyaliste syrien, appuyé en l’occurrence par les Russes, ce sont des personnages tout sauf manichéens qui se retrouvent ici aux abois, à jongler dangereusement entre les camps : autant de pain bénit ou, c’est selon, de fil à retordre, pour les services secrets des puissances étrangères, qui tentent de se prendre de vitesse les uns les autres dans une gigantesque et périlleuse partie de bonneteau.

Volontiers convaincu par l’expertise de l’auteur habitué aux coulisses de l’espionnage, qui plus est dans la région, l’on reste en revanche plus sceptique quant à la totale maîtrise d’un premier roman si riche en détails et détours qu’il arrive qu’on s’y enlise, le bavardage technique prenant alors le pas sur l’action. Heureusement la seconde moitié de l’histoire resserre le rythme autour de quelques bons moments de suspense, venant parachever l’intérêt de cette fiction largement construite sur l’expérience. (3,5/5)

 

Citations : 

Quand j’étais jeune, je ne comprenais pas comment on pouvait soutenir le gouvernement. Je détestais ceux qui le soutenaient. Je ne leur adressais pas la parole. Mais en vieillissant, je me suis rendu compte que nous naissons dans un monde, une famille, et qu’il existe des contraintes. Il existe un système. Certains… les Français, les Américains… sont nés dans des mondes qui offrent une immense liberté. Mais ce n’est pas notre cas. Nous sommes syriens. Nous sommes en cage dès la naissance, pour des raisons qui remontent loin dans l’histoire. Je ne vous déteste pas, même si vous venez de menacer ma mère. Vous faites ce qu’il faut pour assurer la sécurité de votre famille, pour vous offrir de belles choses, pour bien manger. Mais ne vous y trompez pas, vous avez encore le choix. C’est juste un choix difficile.
 

Le chaos était encore embryonnaire, certes, mais il était bien là. Il observait tout cela de près, il en suivait les tendances pour comprendre s’il réussirait à survivre. Layla et lui avaient discuté des choix possibles, comme tout le monde : partir, rester et soutenir le président, rejoindre les manifestants, se soumettre.
C’étaient toutes de mauvaises options.
Pourtant, le choix avait été simple. Si Ali s’enfuyait, ils n’avaient pas les moyens d’emmener leur famille élargie avec eux. De plus, compte tenu de son rôle au sein du régime, selon la destination retenue, il pourrait être arrêté pour crimes de guerre. Quitter la Syrie serait une condamnation à mort pour de nombreux membres de la famille, et potentiellement pour lui. Pour sa famille, faire défection et entrer dans l’opposition serait encore pire. Le gouvernement les arrêterait, confisquerait leurs biens, les torturerait et tuerait quelques-uns d’entre eux pour faire bonne mesure.
— Que penses-tu d’Assad ? lui avait demandé Layla après son troisième verre de vin. Soutiens-tu le gouvernement ?
Elle n’avait jamais posé la question auparavant, et il ne lui avait jamais donné son avis.
Ali avait décidé de lui dire la vérité, sachant que ce serait la dernière fois.
— Pour s’en sortir, Assad va tuer à tour de bras, avec nous tous enchaînés à son trône. Il va nous dérober nos âmes.
Cette réponse suffisait, car elle ne laissait qu’une seule option. Rester sur place, baisser la tête. Il s’était senti lâche.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire