dimanche 2 juin 2024

[Follett, Ken] Les armes de la lumière

 


J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Les armes de la lumière
           (The Armour of Light)

Auteur : Ken FOLLETT

Traduction : Odile DEMANGE,
                      Valentine LEYS,
                      Christel GAILLARD-PARIS,
                      Renaud MORIN

Parution :  2023 en anglais
                    et en français (Robert Laffont)

Pages : 792

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :

En cette fin de XVIIIe siècle, l’Angleterre est dirigée par un gouvernement conservateur qui réprime toute tentative de révolte. De l’autre côté de la Manche, Napoléon Bonaparte accroît inexorablement son pouvoir.

Alors que la guerre est aux portes de l’Europe, la vie des habitants de Kingsbridge est sur le point de basculer. Sal, fileuse téméraire, est témoin d’un accident tragique qui va bouleverser sa vie.
Le courageux Amos, drapier, qui a hérité prématurément du négoce de son père, va devoir affronter le terrible Hornbeam pour rembourser ses dettes. Il sera aidé de Spade, tisserand novateur, et encouragé par la douce Elsie qui se bat pour financer une école où les enfants pauvres pourront apprendre à lire et à écrire.

Entre destins contrariés, jalousies meurtrières, justice arbitraire, guerre sanglante et révolution industrielle, Ken Follett dépeint avec une virtuosité inégalée une génération qui incarne la lutte pour un
avenir libre de toute oppression.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Ken Follett est le maître incontesté du roman historique. Ses trente-six livres se sont vendus à plus de 188 millions d’exemplaires. Il connaît son plus grand succès avec Les Piliers de la Terre, paru en
1989. C’est le début de la saga Kingsbridge, poursuivie avec Un monde sans fin, Une colonne de feu et Le Crépuscule et l’Aube, et vendue à plus de 50 millions d’exemplaires dans le monde.

 

 

Avis :

Avec ce cinquième tome, Ken Follett annonce clore la phénoménale saga historique qui, depuis Les piliers de la terre, son plus grand succès littéraire, fait vivre à travers les siècles la ville fictive de Kingsbridge, dans le Sud de l’Angleterre. Sa fresque prend cette fois pour toile de fond deux révolutions, la révolution industrielle et la Révolution française, de 1792 à la bataille de Waterloo en 1815.

En cette fin de XVIIIe siècle, un puissant vent de changement souffle sur la ville anglaise de Kingsbridge. Tandis que la mécanisation bouleverse la vie des ouvriers du textile en les rassemblant dans des fabriques où se généralisent des conditions de travail dramatiques, la Révolution française, avec ce qu’elle propage d’idées de liberté et de droits à la parole du peuple, fait trembler le gouvernement britannique qui, par peur de la contagion, multiplie les actions répressives. Syndicats et rassemblements sont interdits, grèves et émeutes sévèrement punies par une justice expéditive à la main des puissants. Le climat se tend encore lorsque éclate la guerre contre la France, prélevant son lot de conscrits de force – la moitié des effectifs de la Royal Navy – et mettant à mal l’économie. La prise de pouvoir et les conquêtes territoriales de Napoléon Bonaparte, puis le retour de l’Aigle échappé de l’île d’Elbe, font désespérer l’Angleterre, quand, venant mettre fin à plus de deux décennies de guerre, la bataille de Waterloo donne définitivement la victoire aux Anglais.

Dans ce grand tumulte, hommes et femmes tentent de tracer leur chemin : c’est au travers de leurs destins chahutés, nous permettant de nous identifier à une poignée de personnages que leurs émotions, leurs peurs et leurs aspirations nous rendent proches par-delà les siècles, que Ken Follett nous fait vivre cette période de l’intérieur, en un récit si bien incarné que, puissamment saisi par les cruelles injustices sociales qui l’émaillent, l’on s’y investit avec passion de la première à la dernière de ses près de huit cents pages.

Après la relative déception du Crépuscule et l’aube, bien moins crédible quant à ses personnages et à son intrigue pourtant insérés dans un contexte historique tout aussi magistralement rendu, cet ultime épisode en forme de fresque sociale clôt la saga Kingsbridge en beauté, nous offrant une lecture aussi captivante qu’édifiante. (4/5)

 

 

Citations :

— Cela fait à peine dix ans que les Américains ont renversé le roi pour créer une république et trois ans que la populace parisienne a donné l’assaut à la Bastille. Et que Brissot, ce démon français, a dit : “Nous ne serons pas calmés, tant que l’Europe, toute l’Europe, ne sera pas en flammes !” La Révolution se répand comme la vérole.
— Je ne crois pas qu’il y ait motif à paniquer, répondit Roger. Qu’ont réellement fait les révolutionnaires ? Accordé l’égalité civile et la liberté religieuse aux protestants, par exemple. En tant que pasteur protestant, George, tu ne peux que t’en féliciter, j’imagine. »
George était le pasteur de Badford.
« Nous verrons combien de temps ça dure, grommela-t-il. 


— Vois-tu, mon enfant, il n’est pas bon que les classes laborieuses apprennent à lire et à écrire, dit-il sur le mode paternel du vieillard prodiguant sa sagesse à la jeunesse utopiste. Les livres et les journaux leur farcissent la tête d’idées qu’ils ne comprennent qu’à demi, ce qui les incite à ne plus se satisfaire du rôle que Dieu leur a assigné dans l’existence. Ces gens-là se mettent à cultiver d’absurdes idées d’égalité et de démocratie. — Ils devraient tout de même pouvoir lire la Bible. — Tu n’y penses pas ! Ils se méprennent alors sur le sens des Écritures et accusent l’Église établie de répandre une fausse doctrine. Ils se transforment en dissidents et en non-conformistes, avant de prétendre créer leurs propres Églises, à l’image des presbytériens et des congrégationalistes. Et des méthodistes. — Les méthodistes n’ont pas d’Église à eux. — Ce n’est qu’une question de temps. »
— Ils ont aboli la féodalité, retiré au roi le droit d’embastiller les gens sans procès et instauré une monarchie constitutionnelle – le même régime que celui de la Grande-Bretagne. »
Tout ce que disait Roger était exact, ce qui n’empêchait pas Amos de penser qu’il se trompait. D’après ce que lui-même avait compris, on ne pouvait pas considérer qu’une vraie liberté régnait dans la France révolutionnaire : il n’y avait ni liberté d’expression, ni liberté de culte. En vérité, l’Angleterre était plus libérale.


Il n’avait pas oublié ce qui était arrivé à lady Worsley, affreusement humiliée. Il avait dix-huit ans à l’époque et était amoureux de Betsy, mais il avait déjà pris l’habitude de lire les journaux, généralement des numéros périmés, jetés par des riches. Lady Worsley avait eu un amant. Son mari avait intenté un procès à cet homme, lui réclamant vingt mille livres, la valeur qu’il attribuait à la chasteté de son épouse. Vingt mille livres représentaient une somme considérable, suffisante pour acheter une des plus belles maisons de Londres. L’amant, qui n’était pas un gentilhomme, avait soutenu devant le tribunal que la chasteté de lady Worsley n’avait aucune valeur, puisqu’elle avait déjà commis l’adultère avec vingt autres hommes avant lui. Le moindre détail de la vie sentimentale de lady Worsley avait été exposé au tribunal, relaté dans la presse et avait suscité l’émoi de l’opinion publique dans de nombreux pays. Prenant le parti de l’amant, le tribunal n’avait accordé à sir Richard qu’un shilling de dommages et intérêts laissant ainsi entendre que la chasteté de lady Worsley ne valait pas davantage, un verdict d’un mépris cruel.
 
 
— Vous ne comprenez décidément rien ! » Kenelm suffoquait d’indignation. « Les hommes puissants doivent être pacifiés, il ne faut jamais les provoquer. Autrement, vous en pâtirez.
— Ne soyez pas grotesque. Que voulez-vous que Hornbeam nous fasse ?
— Qui sait ? Il ne faut pas se mettre des hommes comme lui à dos. Un jour, l’archevêque de Canterbury dira peut-être : “J’envisage de nommer Kenelm Mackintosh évêque”, et quelqu’un lui répondra : “Ah, mais vous savez, sa femme est une perturbatrice.” Les hommes disent tout le temps ce genre de choses.
— Comment pouvez-vous évoquer un tel sujet alors que je vous parle d’enfants qui ne mangent pas à leur faim ? s’indigna Elsie.
— Je pense à mon avenir. Dois-je donc accepter que tous mes efforts pour accomplir l’œuvre de Dieu soient compromis par une épouse impossible ?
— Vos efforts pour accomplir l’œuvre de Dieu ? Vous voulez parler de votre carrière au sein de l’Église ?
— C’est la même chose.
— Et elle vous paraît plus importante que de donner du bouillon et du pain aux petits enfants du Seigneur ?
— Vous avez décidément la manie de tout simplifier.
— La faim est quelque chose de simple. Quand vous voyez des gens qui ont faim, vous leur donnez à manger. Si ce n’est pas la volonté de Dieu, dans ce cas, rien ne l’est.
— Vous croyez tout savoir de la volonté de Dieu.
— Et vous, vous vous croyez plus savant, sans doute.
— Oui. J’ai étudié ce sujet avec les hommes les plus sages du pays. Votre père aussi. Alors que vous n’êtes qu’une femme ignorante et sans éducation. »


Et que prévoit ce projet de loi ? (…) Il prévoit que tout ouvrier qui se réunit avec un autre ouvrier – un seul ! – pour demander une augmentation de salaire a commis un crime et sera puni d’une peine de deux mois de travaux forcés ! (…)
Ce projet de loi, mes amis, permettra à M. Hornbeam d’accuser deux de ses ouvriers, quels qu’ils soient, de former une association. Il pourra alors les juger seul, sans second juge ni jury. S’il les déclare coupables, il sera libre de les condamner aux travaux forcés – et tout cela sans consulter qui que ce soit d’autre. (…)
Les ouvriers pourront être interrogés sur leurs conversations avec leurs camarades de travail, et refuser de répondre sera un crime. Vous serez obligés de témoigner contre vous-mêmes et contre vos camarades de travail, et vous irez en prison si vous refusez de le faire. 


— Pourquoi as-tu pris ce ruban ? » demanda Elsie au garçon. Sa bravade, attisée par la brutalité de l’homme, avait disparu, et il semblait au bord des larmes.
« C’est ma mère qui m’a dit de le faire.
— Mais pourquoi ?
— Parce qu’on n’a pas de pain. Elle voulait le vendre pour acheter à manger.
— Cet enfant a besoin de nourriture, expliqua Elsie à Josiah Blackberry.
— Je ne peux rien y faire, madame Mackintosh. Le shérif…
— Vous ne pouvez rien y faire, en effet, et le shérif non plus, mais moi, en revanche, je peux l’aider. Je vais l’emmener chez moi pour le nourrir. Comment t’appelles-tu ? ajouta-t-elle en se tournant vers le garçon.
— Tommy, dit-il. Tommy Pidgeon.
— Viens avec moi, je vais te donner à manger.
— Si vous voulez, fit Blackberry, mais je dois rester avec lui. Il faut que je le remette au shérif. Ce qu’il a volé a une valeur de plus de cinq shillings, et vous savez ce que cela signifie.
— Quoi donc ? demanda Elsie.
— Qu’il peut être pendu.


À ma connaissance, cinquante mille hommes environ ont été emmenés contre leur gré, ajouta Spade. D’après le Morning Chronicle, il y a environ cent mille hommes dans la Royal Navy et près de la moitié a été enrôlée de force.

 

 

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