J'ai beaucoup aimé
Titre : Le duel des grands-mères
Auteur : Diadié DEMBELE
Parution : 2022 (JC Lattès)
Pages : 224
Présentation de l'éditeur :
Parce qu’il fait l’école buissonnière
pour lire, manger des beignets et jouer aux billes, parce qu’il répond
avec insolence, parce qu’il parle français mieux que les Français de
France et qu’il commence à oublier sa langue maternelle, Hamet, un jeune
garçon de Bamako, est envoyé loin de la capitale, dans le village où
vivent ses deux grands-mères.
Ses parents espèrent que ces quelques mois lui apprendront l’obéissance, le respect des traditions, l’humilité.
Mais Hamet en rencontrant ses grands-mères, en buvant l’eau salée du puits, en travaillant aux champs, en se liant aux garçons du village, va découvrir bien davantage que l’obéissance : l’histoire des siens, les secrets de sa famille, de qui il est le fils et le petit-fils. C’est un retour à ses racines qui lui offre le monde, le fait grandir plus vite.
Un premier roman bouleversant, porté par une langue pleine d’inventivité et de poésie.
Ses parents espèrent que ces quelques mois lui apprendront l’obéissance, le respect des traditions, l’humilité.
Mais Hamet en rencontrant ses grands-mères, en buvant l’eau salée du puits, en travaillant aux champs, en se liant aux garçons du village, va découvrir bien davantage que l’obéissance : l’histoire des siens, les secrets de sa famille, de qui il est le fils et le petit-fils. C’est un retour à ses racines qui lui offre le monde, le fait grandir plus vite.
Un premier roman bouleversant, porté par une langue pleine d’inventivité et de poésie.
Finaliste du Grand Prix-RTL-Lire-Magazine Littéraire 2022
Finaliste Prix Première 2022
Sélection Prix Françoise Sagan 2022
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Diadié Dembélé est né à Kodié, dans l’ouest du Mali. Diplômé du Master
de création littéraire de l’université Paris VIII, il travaille en tant
qu’interprète au sein d’une association d’aide aux migrants. Le duel des grands-mères est son premier roman.
Avis :
Sa mère voulait qu’il suive l’enseignement traditionnel musulman à la medersa. Son père parti travailler en France l’a inscrit à l’école des Blancs, pour qu’il soit le premier de la famille à devenir quelqu’un. Mais l’intelligence et la curiosité du jeune Malien Hamet le rendent turbulent et rebelle. Pour lui apprendre la vie et le ramener à davantage d’obéissance et de respect des traditions, il est envoyé quelques mois loin de la capitale Bamako, dans le village où vivent ses deux grands-mères. L’y attendent les conditions rustiques de la campagne, les travaux des champs en compagnie d’autres garçons, mais aussi une famille dont les complexes liens de parentèle recèlent bien d’édifiants secrets. En fait de lui remettre du plomb dans la cervelle, ce retour aux sources va le transformer en profondeur.
Au travers du regard espiègle de son jeune personnage, ce n’est ni plus ni moins que les déchirements identitaires de son pays et de l’Afrique qu’aborde avec humour Diadié Dembélé. Ce garçon, dont le père s’est convaincu qu’il ne pourra connaître d’avenir digne de ce nom qu’en embrassant les codes et les savoirs occidentaux, finit par lui devenir par trop insupportable avec son français plus pointu que celui des Français de France et ses affirmations scientifiques en si insolente contradiction avec les croyances des siens. Il est temps de lui rappeler qui il est et d’où il vient. Et pour cela, rien de tel qu’une immersion au plus profond du pays, dans le village de ses aïeux.
Pour l’enfant que ses maîtres s’appliquent impitoyablement à couler dans le moule des Blancs, lui interdisant jusqu’à sa langue natale, le choc est pour ainsi dire culturel. Il commence par le langage, car au village l’on parle soninké, quand, à la capitale, français et bambara prédominent. Et puis, à la campagne, l’on vit encore modestement et à l’ancienne, au rythme des cultures et des traditions que Hamet va découvrir de près, pour son dégoût d’abord, car il lui faut se faire à une alimentation moins riche et à l’eau du puits au goût saumâtre ; pour sa surprise souvent, comme lorsqu’il participe aux rites de lutte contre la sécheresse ; pour son plaisir enfin, notamment le grand jour de « la pêche collective de la mare » et au fil de ses nouvelles amitiés.
Au travers du regard espiègle de son jeune personnage, ce n’est ni plus ni moins que les déchirements identitaires de son pays et de l’Afrique qu’aborde avec humour Diadié Dembélé. Ce garçon, dont le père s’est convaincu qu’il ne pourra connaître d’avenir digne de ce nom qu’en embrassant les codes et les savoirs occidentaux, finit par lui devenir par trop insupportable avec son français plus pointu que celui des Français de France et ses affirmations scientifiques en si insolente contradiction avec les croyances des siens. Il est temps de lui rappeler qui il est et d’où il vient. Et pour cela, rien de tel qu’une immersion au plus profond du pays, dans le village de ses aïeux.
Pour l’enfant que ses maîtres s’appliquent impitoyablement à couler dans le moule des Blancs, lui interdisant jusqu’à sa langue natale, le choc est pour ainsi dire culturel. Il commence par le langage, car au village l’on parle soninké, quand, à la capitale, français et bambara prédominent. Et puis, à la campagne, l’on vit encore modestement et à l’ancienne, au rythme des cultures et des traditions que Hamet va découvrir de près, pour son dégoût d’abord, car il lui faut se faire à une alimentation moins riche et à l’eau du puits au goût saumâtre ; pour sa surprise souvent, comme lorsqu’il participe aux rites de lutte contre la sécheresse ; pour son plaisir enfin, notamment le grand jour de « la pêche collective de la mare » et au fil de ses nouvelles amitiés.
Mêlant français, bambara et soninké dans une combinaison détonante d’expressions imagées et poétiques, la plume rythmée et inventive de l'écrivain nous transporte dans un chatoyant récit d’apprentissage, aussi malicieux qu’attachant, qui très finement nous parle d’identité et de quête des origines. Trait d’union entre plusieurs mondes, son jeune personnage illustre l’inégalable richesse des métissages, comme celle que Diadié Dembélé insuffle à ce très convaincant premier roman. (4/5)
Citations :
À la maison tout le monde parle songhay, peul, bambara, soninké, senoufo, dogon, mandinka, tamasheq, hassanya, wolof, bwa. Mais, à l’école, personne n’a le choix : il faut parler français.
N’pa me gifla wali-wali lorsque je lui dis que ses ancêtres étaient des singes. Il venait à peine d’arriver pour ses vacances. Je me rappelle encore sa réaction : « Bataralémé, tes enseignants t’apprennent des bêtises, et tu viens me les répéter. Henabono ! La prochaine fois que je t’entends dire de pareilles sottises au sujet de mes ancêtres, je te coupe la langue. » N’pa a horreur des théories scientifiques. Il voit la science comme un double affront à la religion et aux traditions. « Les scientifiques, ce sont des menteurs. Ils vous remplissent la tête de mécréances, puisqu’ils ont échoué à nous avoir, ils endoctrinent nos enfants. Mais toi, tu vas apprendre la vraie vérité. Soit ça va rentrer normalement, soit je vais t’aider avec ça. » Il brandit sa paume. Lorsque j’eus le malheur de lui dire mon cours de physique-chimie sur la pluie, il me regarda dans les yeux : « Ohon l’eau s’évapore, se transforme en nuage, se condense et redevient de la pluie. Tu appelles ça un cycle. Donc c’est pour apprendre de pareilles mécréances que je paie tous les mois cinquante mille francs ? Il n’y a que Dieu qui sait comment il fait tomber sa pluie. Tu répètes ça encore, je t’envoie à Touba. » J’ai eu peur. Parce que Touba, c’est l’enfer sur terre, un camp de redressement comme jamais les conservateurs ne l’ont espéré. Il enchaîna : « Les pensionnats que tu connais même. Quand tu vas te nourrir de couscous sec pendant six mois, tu vas comprendre si l’eau vient d’un cycle ou si c’est Dieu qui nous donne sa pluie. » Il avait déjà regretté de m’avoir inscrit à l’école. Lui-même victime de son père, il ne s’attendait pas à ce que je devienne cartésien. Il aurait espéré et espère toujours que je devienne seulement un grand quelqu’un. Mais on ne rentre pas impunément dans l’occidentalité.
— Mon mari aussi m’a battue hier soir. Mais je n’ai pas essayé de l’empoisonner. Depuis la nuit des temps, les hommes battent leurs femmes. C’est comme ça ! Nos grands-mères ont été battues, nos mères aussi. Jamais aucune n’est allée aussi loin. Cette femme est simplement une sorcière.
— C’est ça même. En tout cas, il paraît qu’elle est stérile. Les stériles sont méchantes. Toi-même tu sais !
— Walaye Allah, ça ne peut être que ça. Elles pensent que c’est la faute aux autres si elles n’ont pas d’enfants.
— Ce qui est bien, il faut les taper. (En appuyant le K de Kaatou en soninké.)
— Ça c’est vrai. Ma deuxième belle-sœur avait refusé de tomber enceinte. Elle mangeait cadeau le riz et la sauce de mon frère.
— Ah bon ? (La svelte se saisit le menton et incline la tête vers l’avant.)
— Oui ! On l’a épousée toute maigre comme un spaghetti. (Elle montre son mineur.) Elle a grossi chez nous comme un hippopotame. (Ses bras sont en arc autour de son corps.) Mais elle ne voulait pas prendre de ventre.
— Kabako ! crie la svelte, l’air complètement outrée.
— Houm ! (La dodue se frappe la cuisse.) On s’est réunies entre sœurs. On a dit : « Celle-là, il faut la taper. » Tout le monde a répondu : « Oui il faut la taper pour qu’elle nous fasse un fils. » On est parties la trouver dans son avant-toilette un après-midi. Elle a essayé de s’enfuir. Moi-même, j’ai calé la porte. (Elle fait un carré avec ses épaules pour élargir son dos.) On s’est jetée sur elle. On l’a bien tapée sur son devant et son derrière. Deux mois plus tard, walaye Allah, elle a mangé les haricots et son ventre a gonflé. C’est comme ça qu’il faut faire !
— Tu vois non ! Femme stérile oh, femme qui n’accouche que des filles oh, il faut les taper ! renchérit la svelte en fouettant du geste comme un gourmand qui secoue les doigts après les avoir plongés dans un plat chaud.
Nous sommes aux champs. L’horizon colline-ciel semble mal cousu. Le soleil est suspendu comme un bouton de secours serti de diamants dont la lumière rayonne le jour. L’air est enfermé dans les poumons de la terre qui ne respire plus.
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