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Titre : Notre si chère vieille dame auteur
Auteur : Anne SERRE
Parution : 2022 (Mercure de France)
Pages : 128
Présentation de l'éditeur :
Une vieille femme écrivain, donnée pour mourante, laisse un manuscrit
inédit et désordonné avec des pages manquantes. Venus pour la filmer, un
réalisateur, un cameraman et une scripte vont s’acharner à le
reconstituer. Mais la vieille dame auteur n’est pas seule : il y a
auprès d’elle la jeune femme qu’elle
fut, un étrange personnage qui fut son père, un garçon à bonnet rouge
qui fut son compagnon d’été, un certain Hans qui ne prononce jamais
qu’une seule phrase…
À son habitude, Anne Serre livre ici un roman plein de chausse-trappes, aux allures de conte, sur l’enfance mystérieuse et l’écriture à l’œuvre. Chez elle, comme le disait W.G. Sebald de Robert Walser : « Le narrateur ne sait jamais très bien s’il se trouve au milieu de la rue ou au milieu d’une phrase. »
À son habitude, Anne Serre livre ici un roman plein de chausse-trappes, aux allures de conte, sur l’enfance mystérieuse et l’écriture à l’œuvre. Chez elle, comme le disait W.G. Sebald de Robert Walser : « Le narrateur ne sait jamais très bien s’il se trouve au milieu de la rue ou au milieu d’une phrase. »
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Née à Bordeaux en 1960, installée à Paris depuis ses études, Anne Serre est l’auteur d’une quinzaine de romans et de nombreux textes
(surtout des nouvelles) parus en revue. Elle a d’ailleurs commencé par
publier dans diverses revues avant de publier son premier roman, Les Gouvernantes (Champ Vallon, 1992).
Souvent décrits comme appartenant au genre du « réalisme magique », ses romans ont été jugés aussi comme « jouant avec les limites des genres littéraires » : celles du conte avec Petite table, sois mise ! (Verdier, 2012), du scénario avec Film (Le Temps qu’il fait, 1998), du théâtre avec Dialogue d’été (Mercure de France, 2014), ou du pastiche avec Voyage avec Vila-Matas (Mercure de France, 2017).
Plusieurs de ses livres ont été couronnés par des prix, dont un prix de la Fondation Cino Del Duca (pour Un chapeau léopard, en 2008). Elle a reçu le Prix des étudiants du Sud, en 2009, pour l’ensemble de son œuvre. Son recueil de nouvelles Un été tout en or a reçu le prix Goncourt de la nouvelle en 2021. Certains de ses romans sont aujourd’hui traduits en Espagne, aux Etats-Unis et en Angleterre.
Souvent décrits comme appartenant au genre du « réalisme magique », ses romans ont été jugés aussi comme « jouant avec les limites des genres littéraires » : celles du conte avec Petite table, sois mise ! (Verdier, 2012), du scénario avec Film (Le Temps qu’il fait, 1998), du théâtre avec Dialogue d’été (Mercure de France, 2014), ou du pastiche avec Voyage avec Vila-Matas (Mercure de France, 2017).
Plusieurs de ses livres ont été couronnés par des prix, dont un prix de la Fondation Cino Del Duca (pour Un chapeau léopard, en 2008). Elle a reçu le Prix des étudiants du Sud, en 2009, pour l’ensemble de son œuvre. Son recueil de nouvelles Un été tout en or a reçu le prix Goncourt de la nouvelle en 2021. Certains de ses romans sont aujourd’hui traduits en Espagne, aux Etats-Unis et en Angleterre.
Avis :
Une équipe de tournage se rend chez une grande dame de la littérature, désormais à l’extrême soir de sa vie, avec l’espoir de lui faire achever son ultime manuscrit, resté incomplet et en désordre. Tous se retrouvent plongés dans un étrange monde fantaisiste, où personnages, narrateurs et auteurs se croisent en un ballet indistinct, les premiers n’hésitant pas à sortir de leur rôle d’acteurs et d’observateurs pour prendre la main sur l’intrigue et y insuffler leur logique, et les derniers courant derrière l’inspiration dans le tourbillon où s’entremêlent leurs obsessions, leurs souvenirs d’enfance et leurs références littéraires.
Une touche d’humour, un franc parfum d’érudition et une aisance virtuose dans l’art de casser les codes et de repousser les limites président à cet exercice littéraire aussi fou qu’étourdissant de maîtrise. De vertigineuses mises en abyme en diaboliques mélanges de plans, fusionnant réalités et temporalités jusqu’à dissoudre tout repère, Anne Serre use de l’absurde et du non-sens pour, curieusement, faire sourdre le sens. De son récit hallucinant, mélange de conte onirique et de poésie surréaliste, où le lecteur, perdu, expérimente les mêmes difficultés de mise au point que l’écrivain tâtonnant à la recherche de son sujet et de son fil narratif, émerge au final une formidable et originale élégie à l’écriture et au processus créatif.
Reste, qu’aussi brillante et bluffante se confirme la prestation, aussi indigeste et rebutante s’avère l’expérience de lecture. D’un côté, l’on est ébloui par le génie et la maestria de cette vraie création littéraire. De l’autre, une pointe d’exécration persiste face à tant d’extravagance insensée dans une narration qui en devient fatigante.
Une touche d’humour, un franc parfum d’érudition et une aisance virtuose dans l’art de casser les codes et de repousser les limites président à cet exercice littéraire aussi fou qu’étourdissant de maîtrise. De vertigineuses mises en abyme en diaboliques mélanges de plans, fusionnant réalités et temporalités jusqu’à dissoudre tout repère, Anne Serre use de l’absurde et du non-sens pour, curieusement, faire sourdre le sens. De son récit hallucinant, mélange de conte onirique et de poésie surréaliste, où le lecteur, perdu, expérimente les mêmes difficultés de mise au point que l’écrivain tâtonnant à la recherche de son sujet et de son fil narratif, émerge au final une formidable et originale élégie à l’écriture et au processus créatif.
Reste, qu’aussi brillante et bluffante se confirme la prestation, aussi indigeste et rebutante s’avère l’expérience de lecture. D’un côté, l’on est ébloui par le génie et la maestria de cette vraie création littéraire. De l’autre, une pointe d’exécration persiste face à tant d’extravagance insensée dans une narration qui en devient fatigante.
Sans doute peut-on en conclure qu’il en va en littérature un peu comme en musique : les pièces les plus techniques et les plus virtuoses ne sont pas forcément les plus plaisantes, ni à lire, ni à écouter. (2/5)
Citations :
C’est drôle, ces gens sans grand intérêt apparent qu’on dédaigne, car ils peuvent finir par former vos meilleurs amis. Ou plutôt : vos plus sûrs amis. On aura connu des gens cent fois plus passionnants, vivants, inattendus, charmants, mais à tout prendre, ces gens-là vous fatiguent. Rien de plus fatigant que les échanges passionnants. Tandis qu’avec une petite troupe – très réduite – de serviteurs muets, qui pour une raison ou une autre ne s’émeuvent pas de votre autorité, il semble que parfois l’affection puisse poindre exactement comme l’aurore. J’avoue qu’il m’arrivait de plus en plus souvent (...) de dédaigner les puissants, les brillants, les charmants charmeurs – et charmeuses –, pour passer une soirée dans la maison moche de Jacques ou « l’atelier » où Édith fabriquait d’horribles sculptures, et cela pour une seule raison : parce que Jacques ou Édith ne me faisait jamais de mal. Et puis ils pouvaient dire soudain des choses très étonnantes parce que très vraies. J’ai toujours été extrêmement vaniteux, avec un sentiment très fort de supériorité, un mépris absolu pour tout ce qui n’entrait pas dans ma machine à broyer et une méfiance considérable envers les nantis aux yeux fins. Avec Jacques et Édith, je me reposais. Je pouvais laisser tomber cet extraordinaire système de défense le plus souvent dressé devant des ennemis imaginaires. Et puis, au bout d’un moment, je m’ennuyais car j’avais envie de combattre avec des rivaux de ma taille, ce qu’ils me laissaient faire sans commenter.
Tout dépend de derrière quoi l’on court. J’ai connu une jeune fille très douée, très remarquable, qui, lorsque ce fut la date, au lieu de courir derrière quelque chose dans la bonne direction, se mit à courir derrière autre chose dans la direction opposée. Il me sembla même – je l’observais car elle me plaisait – qu’elle ne courut vers autre chose dans la direction opposée que parce qu’elle avait peur de l’aventure ardue consistant à courir derrière une certaine chose dans la bonne direction. Et je ne me trompais pas : sitôt sa décision prise et sa course entamée, elle perdit tous ses dons et devint une très méchante petite femme avec un œil noir plein d’envie et de haine.
Mais après tout, me disais-je, c’est peut-être cela, le livre. C’est peut-être écouter les mouvements du narrateur dans la pièce d’à côté, coupé de lui par une cloison et l’interdiction d’aller sur place se rendre compte.
Au centre de chaque grand livre il y avait un puits où se jeter, non du tout pour mourir mais pour s’y engouffrer et déboucher ailleurs.
On rate le coche parfois, même en qualité de narrateur omniscient. Il y a quelques auteurs avec qui j’aurais été très heureux de travailler et à qui j’aurais pu apporter quelque chose, je crois. Mais au-dessus de nous encore, il y a le destin, et avec lui, on ne blague plus.
Ce qu’il est terrible, ce directeur-là. Je sais, ce n’est pas l’objet du livre, mais je fais une incise. Au-dessus de nous, les narrateurs omniscients, il y a ce supérieur. Nous l’aimons et nous l’admirons parce qu’il a les qualités requises pour cela, mais comme tous les dieux, il est injuste. La caractéristique des dieux, c’est d’être injustes. Et c’est d’ailleurs la grande question métaphysique. Interroger leur apparente injustice est la grande question, la grande réflexion. Au-delà de cela, il n’y a rien. L’injustice du destin est la seule question.
Cela dit, j’ai connu un tas de narrateurs de ce genre. Ils ont une phrase, une seule phrase, en font des tonnes par leur présence, rendent tout le monde fou d’amour et de désir, puis tintin. Entre nous, ce sont les plus forts. Les auteurs s’accrochent à eux, les nourrissent, les blanchissent, les vêtent, leur font porter au lit le petit déjeuner. Et l’autre joue le mystérieux inaccessible…
Ce devait être mars, ce mois dont Dickens dit qu’au soleil c’est l’été et à l’ombre l’hiver. Mars était aussi le mois où sa jeune sœur était née et celui où elle était morte.
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