J'ai beaucoup aimé
Titre : Vivre vite
Auteur : Brigitte GIRAUD
Parution : 2022 (Flammarion)
Pages : 208
Présentation de l'éditeur :
J’ai été aimantée par cette double mission impossible. Acheter la
maison et retrouver les armes cachées. C’était inespéré et je n’ai pas
flairé l’engrenage qui allait faire basculer notre existence. Parce que la maison est au coeur de ce qui a provoqué l’accident.
En un récit tendu qui
agit comme un véritable compte à rebours, Brigitte Giraud tente de
comprendre ce qui a conduit à l’accident de moto qui a coûté la vie à
son mari le 22 juin 1999. Vingt ans après, elle fait pour ainsi dire le
tour du propriétaire et sonde une dernière fois les questions restées
sans réponse. Hasard, destin, coïncidences ? Elle revient sur ces
journées qui s’étaient emballées en une suite de dérèglements
imprévisibles jusqu’à produire l’inéluctable. À ce point électrisé par
la perspective du déménagement, à ce point pressé de commencer les
travaux de rénovation, le couple en avait oublié que vivre était
dangereux.
Brigitte Giraud mène l’enquête et met en scène la vie de Claude, et la leur, miraculeusement ranimées.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Brigitte Giraud est l’autrice de dix romans parmi lesquels À présent (Stock mention spéciale du prix Wepler 2001), L’amour est très surestimé (Stock bourse Goncourt de la nouvelle 2007), Une année étrangère (Stock prix Jean-Giono 2009), Un loup pour l’homme et Jour de courage (Flammarion 2017 et 2019).
Avis :
« Signature de l’acte de vente. Accident. Déménagement. Obsèques. » C’est ainsi que Brigitte Giraud résume le saccage de sa vie, lorsqu’en 1999, un accident de moto lui arrache Claude, son compagnon. Le couple aux alentours de la quarantaine vient alors d’acquérir la maison dont il rêvait, pour abriter un équilibre patiemment bâti autour de son jeune fils, de la musique pour lui et de l’écriture pour elle. L’auteur y emménage finalement seule avec l’enfant. Vingt ans plus tard, alors que, décidant de vendre la maison à un promoteur résolu à lui substituer un immeuble, elle s’apprête ainsi à tourner une page décisive, elle éprouve le besoin de se retourner une ultime fois sur le fatal enchaînement de circonstances – curieux rouages que ceux du destin ! - qui l’a menée jusqu’ici.
« Quand un drame surgit » écrit-elle, « on veut comprendre comment on devient un chiffre dans des statistiques, une virgule dans le grand tout. Alors qu’on se croyait unique et immortel. » Mais, avec pour seule réponse la malencontreuse concordance de faits individuellement anodins, elle ne peut se retenir d’envisager encore, une à une, les minuscules pichenettes qui auraient suffi au destin pour qu’il ne déraille pas.
« Si je n’avais pas voulu vendre l’appartement », « si nous n’avions pas eu les clefs de la maison à l’avance », « si mon frère n’y avait pas garé sa moto pendant ses vacances » … : en vingt-trois hypothèses à l’origine d’autant de courts chapitres, elle déroule l’obsédante et presque ironique litanie d’un questionnement qui souligne tristement notre vulnérabilité et notre impuissance face à l’arbitraire de la vie et de la mort, quand l’une ou l’autre nous sont distribuées au gré de circonstances et de hasards parfois dérisoires.
Vingt ans après le drame, les vagues de rage et de révolte ont cédé la place aux eaux plus calmes de la nostalgie, et c’est la persistante lumière du bonheur enfui qui rayonne doucement dans ces pages frappées du sceau du chagrin. Alors, au fil de cet émouvant récit si pudiquement mélancolique, l’on se prend à suspendre son souffle aux côtés de l’auteur, le temps pour elle de s’imaginer quelques instants retenir le destin, et d’y trouver ainsi la force de continuer à affronter son implacable irrévocabilité. (4/5)
« Quand un drame surgit » écrit-elle, « on veut comprendre comment on devient un chiffre dans des statistiques, une virgule dans le grand tout. Alors qu’on se croyait unique et immortel. » Mais, avec pour seule réponse la malencontreuse concordance de faits individuellement anodins, elle ne peut se retenir d’envisager encore, une à une, les minuscules pichenettes qui auraient suffi au destin pour qu’il ne déraille pas.
« Si je n’avais pas voulu vendre l’appartement », « si nous n’avions pas eu les clefs de la maison à l’avance », « si mon frère n’y avait pas garé sa moto pendant ses vacances » … : en vingt-trois hypothèses à l’origine d’autant de courts chapitres, elle déroule l’obsédante et presque ironique litanie d’un questionnement qui souligne tristement notre vulnérabilité et notre impuissance face à l’arbitraire de la vie et de la mort, quand l’une ou l’autre nous sont distribuées au gré de circonstances et de hasards parfois dérisoires.
Vingt ans après le drame, les vagues de rage et de révolte ont cédé la place aux eaux plus calmes de la nostalgie, et c’est la persistante lumière du bonheur enfui qui rayonne doucement dans ces pages frappées du sceau du chagrin. Alors, au fil de cet émouvant récit si pudiquement mélancolique, l’on se prend à suspendre son souffle aux côtés de l’auteur, le temps pour elle de s’imaginer quelques instants retenir le destin, et d’y trouver ainsi la force de continuer à affronter son implacable irrévocabilité. (4/5)
Citations :
Quand aucune catastrophe ne survient, on avance sans se retourner, on fixe la ligne d’horizon, droit devant. Quand un drame surgit, on rebrousse chemin, on revient hanter les lieux, on procède à la reconstitution. On veut comprendre l’origine de chaque geste, chaque décision. On rembobine cent fois. On devient le spécialiste du cause à effet. On traque, on dissèque, on autopsie. On veut tout savoir de la nature humaine, des ressorts intimes et collectifs qui font que ce qui arrive, arrive. Sociologue, flic ou écrivain, on ne sait plus, on délire, on veut comprendre comment on devient un chiffre dans des statistiques, une virgule dans le grand tout. Alors qu’on se croyait unique et immortel.
Il n’y a pas d’ordre, ni chronologique ni méthodologique, à l’enchaînement des événements. Seulement des vagues qui se profilent depuis l’horizon, bien visibles sur leurs lignes de crête, le plus souvent inoffensives parce que prévisibles, vaguelettes ou rouleaux peu importe, et puis il y a ces lames de fond, qu’on n’a pas vues venir, qui enflent et viennent vous engloutir quand vous avez le dos tourné.
Je n’avais pas regardé vers l’horizon depuis le jour de l’accident, effrayée par la beauté qui m’était devenue inaccessible (ma cousine m’avait emmenée à Giverny en juillet, pour que je reprenne mon souffle, j’avais essayé d’apprécier les nymphéas tout ça, j’étais encore en plein déni, je percevais le monde comme à travers une vitre, c’était le début d’un long parcours où j’aurais la sensation de voyager assise à côté de moi).
Il n’y a pas d’ordre, ni chronologique ni méthodologique, à l’enchaînement des événements. Seulement des vagues qui se profilent depuis l’horizon, bien visibles sur leurs lignes de crête, le plus souvent inoffensives parce que prévisibles, vaguelettes ou rouleaux peu importe, et puis il y a ces lames de fond, qu’on n’a pas vues venir, qui enflent et viennent vous engloutir quand vous avez le dos tourné.
Je n’avais pas regardé vers l’horizon depuis le jour de l’accident, effrayée par la beauté qui m’était devenue inaccessible (ma cousine m’avait emmenée à Giverny en juillet, pour que je reprenne mon souffle, j’avais essayé d’apprécier les nymphéas tout ça, j’étais encore en plein déni, je percevais le monde comme à travers une vitre, c’était le début d’un long parcours où j’aurais la sensation de voyager assise à côté de moi).
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