vendredi 30 septembre 2022

[Ravey, Yves] Taormine

 



 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Taormine

Auteur : Yves RAVEY

Parution : 2022 (Editions de Minuit)

Pages : 144

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Un couple au bord de la séparation s’offre un séjour en Sicile pour se réconcilier.
A quelques kilomètres de l’aéroport, sur un chemin de terre, leur voiture de location percute un objet non identifié. Le lendemain, ils décident de chercher un garage à Taormine pour réparer discrètement les dégâts. Une très mauvaise idée.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Yves Ravey est né à Besançon (Doubs) en 1953.

 

Avis :

Son couple battant de l’aile, Melvil décide d’offrir à sa femme une semaine de vacances en Sicile : une parenthèse qu’il espère suffisamment enchantée pour leur redonner une chance de repartir du bon pied. Mais, alors qu’ils ont quitté l’autoroute entre l’aéroport et leur hôtel pour aller voir la mer, leur voiture percute violemment un obstacle. Intimant à sa compagne de lui faire confiance, l’homme poursuit sa route sans s’arrêter. Puis, parvenu à destination, il s’enquiert d’un carrossier susceptible de réparer discrètement l’aile défoncée de leur véhicule.

Pour notre plus grand et admiratif plaisir, Yves Ravey nous soufflète à nouveau avec l’un de ces fulgurants et laconiques récits dont il a le secret. Dans une langue à l’os dont l’implacable sobriété descriptive, déshabillée de toute psychologie, crée le malaise par une impression de froideur distanciée en complet décalage avec les émotions du lecteur, il nous plonge dans l’atmosphère oppressante d’un banal voyage touristique que les erreurs à répétition de ses personnages transforment en cauchemar.

Développée du point de vue de Melvil, l’intrigue révèle un homme égoïste, lâche et cynique, capable de s’arranger avec sa conscience dans une indifférence tranquille qui fait froid dans le dos. Sa compagne, aux velléités spontanément plus scrupuleuses, se laisse pourtant circonvenir avec une faiblesse d’autant plus ironique, que c’est finalement sa coupable solidarité, dans une situation pour le coup inacceptable, qui finit par recimenter leur relation de couple qui chancelait.

Mais une fois tombé du côté occulte du miroir, dans le monde souterrain de l’illégalité et dans la dépendance à ses prédateurs en tout genre, l’on risque fort de se faire croquer par au moins aussi ignoble que soi. C’est ainsi qu’une rencontre accidentelle, à proximité d’une plage où normalement touristes et migrants échoués ne se croisent pas, finit par refermer un piège diabolique sur des coupables rejoignant à leur tour le rang de leurs victimes.

Un récit noir et féroce, autour d’un effroyable engrenage, qui, sans avoir l’air d’y toucher, pose la question de la responsabilité, accidentelle ou aggravée… (4/5)

 

 

Citation : 

La file de visiteurs a progressé vers la billetterie. J’ai suivi Luisa : Et si j’émettais l’idée que tout ceci n’était qu’un ennui causé par le hasard ? Et si, à partir de notre débarquement, tout s’était joué pour que nous prenions cette route précisément ? pour que nous fassions halte devant ce snack-bar, et pas un autre ? Aurait-il donc fallu que je commette l’erreur, sans le savoir, guidé par une main invisible, de prendre l’embranchement sur la droite, qui ne conduisait nulle part ? Aurait-il fallu également qu’il se mette à pleuvoir et que la nuit tombe à cet instant ? Luisa, jetant un regard fuyant sur les visiteurs agglutinés dans la file d’attente, m’a prévenu : Stop ! s’il te plaît, Melvil, on ne parle plus de ça, on ne parle plus de rien, plus de journal, on visite, tu entends ?

 

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