mercredi 27 juillet 2022

[Bertrand, Didier] Hit The Road, Jack !

 



 

J'ai aimé

 

Titre : Hit The Road, Jack !

Auteur : Didier BERTRAND

Parution : 2022 (Auto-édition)

Pages : 300

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Quand un jeune historien épris de justice, spécialiste des guerres antiques entre Rome et Carthage, découvre des villes du même nom au Tennessee et qu’il apprend que des pontes des industries du charbon et du tabac s’y font la guerre, il ne faut pas s’attendre à ce qu’il reste les bras croisés, surtout quand la colère populaire gronde et que la canicule échauffe les esprits. Mais c’est sans compter les flics véreux et la corruption légale. Comment Jack va-t-il se sortir de ce panier de crabes?

 

Le mot de l'auteur sur lui-même :

"Je suis écrivain de romans à suspense décalés et joyeux dans les genres thriller, polar et fantasy. De la découverte, un peu de savoir, du voyage et parfois une pointe de romance…"

 

Avis :

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Didier Bertrand a de l’humour, et surtout beaucoup d’imagination. Frappé de découvrir, dans un Tennessee doté d’importantes mines de charbon, deux villes nommées Rome et Carthage, comme les deux cités antiques que les guerres puniques firent s’affronter pour le contrôle de la Méditerranée occidentale, notamment des mines d’argent de la péninsule ibérique, l’auteur de polars joyeusement décalés s’est amusé à les relier sur une carte à d’autres communes du même état américain – Hannibal (décidément !), Nameless, Hot Coffee… - pour dessiner l’itinéraire de Jack, personnage jeté dans un road trip mouvementé par les conflits d’intérêts entre puissants de la région.

Ayant osé approcher de trop près Liza Vanderbilt, la fille du magnat de l’acier qui règne sur la ville ouvrière d’Elizabethville, Jack est chassé de son poste de professeur d’histoire antique à la fac, et, sous peine de représailles sur l’emploi de ses parents, contraint de s’éloigner. Tandis qu'il balise son errance à l’intention de Liza, comme un Petit Poucet, par la collection de noms remarquables d’agglomérations, ses pas le conduisent au fin fond de nulle part, dans une bourgade nommée Nameless, au coeur de ce qu’il ignore encore être un véritable marigot à crocodiles.

Car, une nouvelle opportunité minière relançant leur rivalité dans la possession des terres de la région, l’hostilité froide qui opposait le clan d’origine italienne de Scipio Varese, à la tête de la Varese Mining Company à Rome, et celui du Tunisien Nidhla Barca, puissant producteur de tabac à Carthage, vient de laisser la place à une guerre ouverte. Sur le fond bien réel de catastrophes minières et de désastres environnementaux, alors que la technique du MTR – Mountain Top Remowal – permet d’extraire le charbon à moindre coût en faisant exploser le sommet des montagnes plutôt qu’en creusant des tunnels, que la dénaturation du Clean Water Act mène à l’empoisonnement de l’eau du robinet, et que l’exposition à la nicotine et aux insecticides intoxique les enfants qui travaillent sans protection dans les plantations de tabac – autant de faits avérés au Tennessee et dans les Appalaches, documentés par les sources citées en fin d’ouvrage -, Jack se retrouve au beau milieu de règlements de comptes mafieux et d’un début de soulèvement populaire, dans une cascade de péripéties que l’auteur s’amuse à orchestrer en un joyeux divertissement, plein de rythme et de fantaisie.

Et, ma foi, l’on ne s’ennuie pas un instant dans cette lecture à classer en littérature « mauvais genre », gentiment décalée avec sa narration très orale où l’humour l’emporte sur la vraisemblance, mais aussi construite sur une idée originale qui permet incidemment de s’intéresser à quelques scandales écologiques bien réels aux Etats-Unis. A lire pour un petit moment de détente sans prétention, pas si idiot au fond si l’on enchaîne avec les articles listés en fin d’ouvrage. (3/5)

 

 

Citation : 

Je me suis levé pour préparer le café. L’eau du robinet était trouble et Hoffman m’a lancé :  
— Prenez une bouteille d’eau dans le coin. Vous allez tous nous empoisonner sinon. (...)     
— Vince n’exagère pas. L’eau est du poison ici. Tenez, attrapez ça.     
J’ai saisi le tube au vol. Elle venait de m’envoyer une lotion pour la peau. Je l’ai regardée, intrigué :   
— Si vous prenez une douche. Sinon, la peau va vous picoter et brûler comme si vous aviez des coups de soleil.     
Vince Hoffman s’est laissé tomber sur une chaise près de la grande table :     
— L’eau contient toute une panoplie de métaux lourds.     
Il a compté sur ses doigts :     
— Du béryllium, du cobalt, du plomb, du manganèse, du cadmium, du chlore, de l’arsenic et du mercure… et deux ou trois autres encore. Certains gamins, après leur bain, voient apparaître des éruptions cutanées sur tout leur corps. C’est à cause des compagnies minières ; elles lavent le charbon avec ces saloperies et balancent tous les déchets dans les rivières ou dans des puits de mine désaffectés. Les produits s’infiltrent dans les failles du sous-sol et finissent par atteindre les nappes phréatiques. Tout l’écosystème est contaminé et, au final, l’eau arrive dans nos robinets. (...)   
— Ce n’est pas possible. Comment peut-on laisser faire ça ? Il faut porter plainte !     
Le journaliste s’est renversé sur sa chaise :     
— Ah… C’est toute la beauté de la politique ! Le Clean Water Act est la loi fédérale qui protège l’eau, son intégrité physique, chimique et biologique. C’est l’une des plus anciennes et importantes lois sur la préservation de l’environnement dans ce pays. Eh bien… Tu sais quoi, Jack ?     
J’ai vu Hoffman basculer vers moi.     
— L’administration Bush a modifié le Clean Water Act ! Bush et sa clique ont autorisé les compagnies minières à déverser leurs déchets toxiques dans les vallées et les rivières. Des millions de tonnes de métaux lourds cancérigènes, bordel ! Et c’est complètement légal !     
Il a frappé du poing sur la table.     
— Plus de deux mille kilomètres de rivière ensevelis sous leur merde ! Et je ne parle pas des milliers d’autres où plus rien ne vit. Tout est mort, Jack ! Aujourd’hui, c’est une escroquerie, le Clean Water Act ! (...)      
— Vince, parle-lui de la Tennessee American Water Company.     
— Ah, la Water Company. Je suis en pleine enquête sur la Tennessee American Water Company, une entreprise privée. On pourrait penser qu’elle filtre et purifie un minimum l’eau qu’elle distribue, pas vrai ? Je suis en train de creuser, mais de fait, elle a le monopole sur l’eau dans cet État et elle ne se foule pas trop. Il n’y a qu’à voir la couleur de ce qui sort de nos robinets. Et elle a obtenu des dérogations pour que ses réservoirs ne soient pas inspectés. (...)      
— Et Randy travaillait activement sur ces sujets avec d’autres mineurs et des familles du coin. Est-ce que vous avez déjà parlé du taux de cancer du poumon dans la région ? Quand les compagnies comme celle de Varese décapitent les montagnes avec leur mélange de nitrate d’ammonium et de diesel, faut imaginer la quantité de poussières et de produits toxiques qui se dégagent dans l’atmosphère. Nous en avons tous dans les poumons, de cette poussière. Elle vient se coller aux artères, développa-t-il en nous rejoignant. Et les études montrent que les zones où l’on décapite les montagnes sont aussi celles où la mortalité liée aux maladies cardiovasculaires est la plus importante. Partout ailleurs dans le pays, le taux d’espérance de vie augmente depuis dix ans. Chez nous, elle chute !

 

Du même auteur sur ce blog :

 
 


 


 

2 commentaires:

  1. Un thriller humoristique? C'est à garder en mémoire, on a besoin de rigolade ces temps-ci. Merci pour le partage!

    RépondreSupprimer