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Titre : Un dimanche à Ville-d'Avray
Auteur : Dominique BARBERIS
Parution : 2019 (Arléa)
Pages : 128
Présentation de l'éditeur :
Le titre, Un dimanche à Ville-d’Avray, est un lointain écho du
film féérique – et mystérieusement inquiétant –, sorti en 1962, qui a
marqué, tel un météore, le cinéma français.
Même sentiment d’inquiétude dans le livre de Dominique Barbéris : deux sœurs se retrouvent, alors que fléchit la lumière, dans un pavillon de Ville-d’Avray, avec chacune dans le cœur les rêves et les terreurs de l’enfance, le besoin insatiable de romanesque, de landes sauvages dignes de Jane Eyre et d’un amour fou, tout cela enfoui dans le secret d’une vie sage.
L’une se confie à l’autre. Lui raconte une invraisemblable rencontre dans le décor en apparence paisible de Ville-d’Avray, de ses rues provinciales. L’autre découvre, stupéfaite, son errance entre les bois de Fausse-Repose, les étangs de Corot, les gares de banlieue et les dangers frôlés...
Ce sont des pages à la Simenon. Les grands fonds de l’âme humaine sont troubles comme les eaux des étangs.
Même sentiment d’inquiétude dans le livre de Dominique Barbéris : deux sœurs se retrouvent, alors que fléchit la lumière, dans un pavillon de Ville-d’Avray, avec chacune dans le cœur les rêves et les terreurs de l’enfance, le besoin insatiable de romanesque, de landes sauvages dignes de Jane Eyre et d’un amour fou, tout cela enfoui dans le secret d’une vie sage.
L’une se confie à l’autre. Lui raconte une invraisemblable rencontre dans le décor en apparence paisible de Ville-d’Avray, de ses rues provinciales. L’autre découvre, stupéfaite, son errance entre les bois de Fausse-Repose, les étangs de Corot, les gares de banlieue et les dangers frôlés...
Ce sont des pages à la Simenon. Les grands fonds de l’âme humaine sont troubles comme les eaux des étangs.
Deuxième sélection Prix Goncourt 2019.
Finaliste Prix Femina 2019.
Finaliste Prix Femina 2019.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Dominique Barbéris est une romancière française. Elle enseigne à Sorbonne-Université et y anime des ateliers d’écriture. Son premier livre La Ville a été publié chez Arléa en 1996. Ses huit autres livres sont chez Gallimard : Les Kangourous a été adapté à l’écran en 2005 par Anne Fontaine sous le titre Entre ses mains. Quelque chose à cacher a eu le Prix des Deux Magots et le Prix de la Ville de Nantes en 2008. Et L’Année de l’éducation sentimentale le Prix Jean-Freustié / Fondation de France en 2018.Avis :
Après une enfance étriquée et morose dont elles s’évadaient par de grandes rêveries romanesques inspirées de Jane Eyre, deux sœurs, l’une parisienne, l’autre habitant Ville-d’Avray, mènent désormais une vie rangée, sans éclat ni surprise, entre mari et enfant. Un dimanche d’ennui, l’aînée et narratrice rend visite à sa cadette. Au cours de leur tête à tête au jardin, le soir tombant, elle recueille avec stupéfaction les confidences de sa sœur sur ses envies vagues et réprimées d’autre chose, qui l’ont un jour conduite à une rencontre inattendue, à quelques rendez-vous secrets, et à l’éternel regret d'un possible finalement repoussé.
Il se passe peu de choses dans cette histoire, à l’image de l’existence étale de ces deux femmes engluées dans un quotidien morne et sans vie. Pourtant, bien des courants serpentent dans les profondeurs de ses non-dits, venant soudain troubler la surface apparemment sans ride de ce qui semblait un bonheur tranquille. Un bonheur dont avait d’ailleurs fini par se persuader la narratrice, perturbée que sa sœur ose laisser le doute s’infiltrer. Etait-ce donc finalement cette vie à laquelle aspiraient les deux fillettes romantiques, quand elles rêvaient de grands sentiments passionnés dans leur quotidien gris ? En toute honnêteté, n’ont-elles pas refoulé au fond de leur âme bien des élans déçus, piétinés par une réalité aussi morne aujourd’hui qu’autrefois ?
Par simples allusions où insidieusement le doute affleure, se laissent peu à peu deviner désenchantement et regrets, d’autant plus prégnants que l’une des deux femmes aura cru croiser un parfum d’aventure, presque tendu la main pour l’attraper, pour finalement reculer au moment de confronter rêve et réalité. Au gré de petites touches presque sans couleur, imprégnées des ombres du couchant et de l’odeur de la pluie d’automne, se dessinent deux silhouettes de femmes restées en marge de leur vie, portant au plus creux d’elles-mêmes les rêves et les aspirations qu’elles auront laissé échapper.
Un texte délicat, subtilement et poétiquement empli de sensations et d’impressions mouvantes, où la nostalgie du temps passé et des possibles à jamais perdus donnent vie à une très vraisemblable Bovary contemporaine. (4/5)
Il se passe peu de choses dans cette histoire, à l’image de l’existence étale de ces deux femmes engluées dans un quotidien morne et sans vie. Pourtant, bien des courants serpentent dans les profondeurs de ses non-dits, venant soudain troubler la surface apparemment sans ride de ce qui semblait un bonheur tranquille. Un bonheur dont avait d’ailleurs fini par se persuader la narratrice, perturbée que sa sœur ose laisser le doute s’infiltrer. Etait-ce donc finalement cette vie à laquelle aspiraient les deux fillettes romantiques, quand elles rêvaient de grands sentiments passionnés dans leur quotidien gris ? En toute honnêteté, n’ont-elles pas refoulé au fond de leur âme bien des élans déçus, piétinés par une réalité aussi morne aujourd’hui qu’autrefois ?
Par simples allusions où insidieusement le doute affleure, se laissent peu à peu deviner désenchantement et regrets, d’autant plus prégnants que l’une des deux femmes aura cru croiser un parfum d’aventure, presque tendu la main pour l’attraper, pour finalement reculer au moment de confronter rêve et réalité. Au gré de petites touches presque sans couleur, imprégnées des ombres du couchant et de l’odeur de la pluie d’automne, se dessinent deux silhouettes de femmes restées en marge de leur vie, portant au plus creux d’elles-mêmes les rêves et les aspirations qu’elles auront laissé échapper.
Un texte délicat, subtilement et poétiquement empli de sensations et d’impressions mouvantes, où la nostalgie du temps passé et des possibles à jamais perdus donnent vie à une très vraisemblable Bovary contemporaine. (4/5)
Citations :
La saison s’avançait. C’était, je me souviens, un dimanche du début de septembre, un de ceux où passe la frontière entre l’automne et l’été.
Dans les quartiers que je traversais, certaines maisons restaient fermées – preuve que leurs propriétaires n’étaient pas rentrés –, mais il y avait des fleurs dans les jardins. Des fleurs qui fleurissaient toutes seules dans ces jardins inoccupés. On sentait partout, davantage qu’à Paris, cette sorte d’étirement languide et d’immobilité propre aux végétaux en automne. Il y avait moins de roses rouges que de roses claires, les roses rouges, quoique de couleur plus affirmée et de parfum plus robuste, tenaient moins. Elles semblaient s’épuiser.
Peut-être que la couleur épuise les roses.
Le voisin tondait sa pelouse ; le bourdon du moteur concurrençait le piano ; j’imaginais que de temps en temps, en jouant, ma nièce se tournait vers la fenêtre, agacée. Elle rêvait certainement d’être une pianiste élégante et raffinée que les hommes admireraient. Elle était peut-être amoureuse de son professeur de piano. Un classique.
Et malheureusement, le professeur de piano dirait : « Ce n’est pas fameux ; mais pas fameux du tout. »
C’était ainsi, la vie ; on essayait de porter vaillamment ses rêves ou ceux des autres.
En réalité, sur certains points, Claire Marie me fait penser à ces canards qui ont l’air de glisser sur l’eau (un glissement d’objets immobiles) mais leurs pattes remuent sous la surface à toute allure. Il y a quelque chose en eux d’un trompe-l’œil.
Qui nous connaît vraiment ? Nous disons si peu de choses, et nous mentons presque sur tout. Qui sait la vérité ? Ma sœur m’avait-elle vraiment dit la vérité ? Qui la saura ? Qui se souviendra de nous ? Avec le temps, notre cœur deviendra obscur et poussiéreux comme le cabinet de consultation du docteur Zhang.
Une salle d’attente où on attendait toute sa vie. Aucun bruit de l’autre côté. Aucun signe.
Je sentais une sorte d’angoisse. Je me disais toujours : Si elle s’était trompée ? Qui est-ce que j’attends, moi aussi ? Qui, pour moi, est venu ?
Dans les quartiers que je traversais, certaines maisons restaient fermées – preuve que leurs propriétaires n’étaient pas rentrés –, mais il y avait des fleurs dans les jardins. Des fleurs qui fleurissaient toutes seules dans ces jardins inoccupés. On sentait partout, davantage qu’à Paris, cette sorte d’étirement languide et d’immobilité propre aux végétaux en automne. Il y avait moins de roses rouges que de roses claires, les roses rouges, quoique de couleur plus affirmée et de parfum plus robuste, tenaient moins. Elles semblaient s’épuiser.
Peut-être que la couleur épuise les roses.
Le voisin tondait sa pelouse ; le bourdon du moteur concurrençait le piano ; j’imaginais que de temps en temps, en jouant, ma nièce se tournait vers la fenêtre, agacée. Elle rêvait certainement d’être une pianiste élégante et raffinée que les hommes admireraient. Elle était peut-être amoureuse de son professeur de piano. Un classique.
Et malheureusement, le professeur de piano dirait : « Ce n’est pas fameux ; mais pas fameux du tout. »
C’était ainsi, la vie ; on essayait de porter vaillamment ses rêves ou ceux des autres.
En réalité, sur certains points, Claire Marie me fait penser à ces canards qui ont l’air de glisser sur l’eau (un glissement d’objets immobiles) mais leurs pattes remuent sous la surface à toute allure. Il y a quelque chose en eux d’un trompe-l’œil.
Qui nous connaît vraiment ? Nous disons si peu de choses, et nous mentons presque sur tout. Qui sait la vérité ? Ma sœur m’avait-elle vraiment dit la vérité ? Qui la saura ? Qui se souviendra de nous ? Avec le temps, notre cœur deviendra obscur et poussiéreux comme le cabinet de consultation du docteur Zhang.
Une salle d’attente où on attendait toute sa vie. Aucun bruit de l’autre côté. Aucun signe.
Je sentais une sorte d’angoisse. Je me disais toujours : Si elle s’était trompée ? Qui est-ce que j’attends, moi aussi ? Qui, pour moi, est venu ?
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