dimanche 15 novembre 2020

[Taylor, Alex] Le sang ne suffit pas

 

 


J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Le sang ne suffit pas
            (Blood Speeds the Traveler)

Auteur : Alex TAYLOR

Traducteur : Anatole PONS

Parution : 2019 en anglais (américain),
                  2020 en français (Gallmeister) 

Pages : 320

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

1748. Dans les montagnes enneigées de l’Ouest de la Virginie, un voyageur affamé arrive près d’une cabane isolée. Reathel erre depuis des mois, flanqué d’un dogue féroce. Mais l’entrée lui est refusée par un colon hostile qu’il n’hésite pas à tuer. Il découvre alors à l’intérieur une jeune femme, Della, sur le point d’accoucher. L’enfant naît dans cette solitude glaciale. Pourtant, le froid, la faim et l’ourse qui rôde dans les parages ne sont pas les seuls dangers pour la mère et le nouveau-né. Car ce dernier a été promis à la tribu Shawnee : c’est le prix à payer pour que Blacktooth, leur chef, laisse les Blancs du village environnant en paix. Alors que les Shawnees se font de plus en plus impatients, le village envoie deux frères à la poursuite de Della, désormais prête à tout pour sauver son bébé.

Un roman d’aventures féroce, où la certitude de la mort procure une force libératoire mais impitoyable, qui guidera une nation tout entière.

 
  

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Alex Taylor vit à Rosine, Kentucky. Il a fabriqué du tabac et des briquets, démantelé des voitures d’occasion, tondu des pelouses de banlieue et aussi été colporteur de sorgho pour différentes chaînes alimentaires. Il est diplômé de l’université du Mississippi et enseigne aujourd’hui à l’université de Western Kentucky. Ses nouvelles ont été publiées dans de nombreuses revues littéraires.

 

Avis :

En plein hiver 1748, lorsque, après des mois d’errance dans les montagnes enneigées de l’Ouest de la Virginie, Reathel parvient à bout de force à proximité d’une cabane isolée, il n’hésite pas à tuer l’habitant des lieux qui lui refuse l’hospitalité. Il découvre alors à l’intérieur, dans des conditions guère plus brillantes que les siennes, une jeune sang-mêlé, Della, sur le point d’accoucher. La jeune femme refuse de regagner le village le plus proche, qui s’est engagé, comme tous les ans, à livrer un nourrisson à la tribu Shawnee voisine, comme tribut au précaire maintien de la paix…

Dès les premiers mots, le lecteur est pris à la gorge par la sauvagerie de cette contrée perdue et de ses rares habitants, misérables colons en déshérence aux prises avec les conditions les plus extrêmes, et que la faim, le froid, la maladie et les attaques diverses, indiennes ou animales, font tomber comme des mouches. Réduits à un état quasi bestial par la seule obsession de leur survie, habitués à tuer comme ils respirent et à user sans vergogne de tous les expédients, ils ont depuis longtemps jeté moralité et tabous aux orties, dans une lutte enragée qui ne fait que reculer une issue désespérément inéluctable. Dès lors, chaque page ne fait qu’emmener le lecteur dans un nouveau paroxysme de tension et de brutalité, jusqu’au spectaculaire bouquet presque final de l’attaque des Shawnees et de l’inventive tentative de défense des assiégés à l’aide d’un canon curieusement improvisé…

Si cette violence sans fard, éprouvante et presque outrée, nous fait pénétrer dans des sphères souvent dérangeantes, le puissant souffle épique du récit, l’étonnant réalisme des personnages croqués dans toute leur complexité, le magnétisme du nature-writing et le lyrisme maîtrisé de la plume parfaitement restitué par la traduction, font de cette lecture une aventure aussi captivante qu’impressionnante. (4/5)

 

 

Citations: 

— Ça vous dérange pas de porter les chaussures d’un mort ? demanda-t-elle. 
Reathel lécha son pouce et frotta une tache sur le devant d’une botte. 

— M’est avis qu’il n’en aura plus beaucoup usage.

— Elles vous emporteront peut-être sur le même chemin. 

— C’est-à-dire ? Que je vais finir par y passer aussi ? ricana Reathel. C’est le lot de tous les hommes nés d’une femme et de l’adversité.

Mon peuple occupe ces terres depuis longtemps. Plus loin encore que remonte la mémoire. Nous n’avons aucun rêve d’être ailleurs qu’ici. Cette terre est à nous depuis si longtemps que nous avons oublié que posséder une chose signifie aussi qu’on peut nous la prendre. (…)
Aujourd’hui, nous la perdons au profit d’un peuple dont la soif de la prendre est plus forte que notre soif de la garder. (…)
Il ne suffit pas de croire, reprit-il, que nous perdons notre terre car les hommes blancs ont des fusils. Nous avons pris leurs fusils et nous tirons mieux qu’eux. Et il ne suffit pas de dire que nous perdons car l’homme blanc est nombreux et que nous sommes peu. Un homme prêt à mourir pour obtenir ce qu’il veut en vaut cent qui préfèrent vivre comme des lâches.

On ne connaît jamais la force d’attraction de la vie jusqu’à être confronté à la mort.

 

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