mardi 3 novembre 2020

[Pascal, Camille] La chambre des dupes

  


 

 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : La chambre des dupes

Auteur : Camille Pascal

Parution : 2020 (Plon)

Pages : 512

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Camille Pascal nous fait entrer de plain-pied dans le Versailles de Louis XV pour y surprendre ses amours passionnés avec la duchesse de Châteauroux. Subjugué par cette femme qui se refuse pour mieux le séduire, le jeune roi lui cède tout jusqu’à offrir à sa maîtresse une place qu’aucune favorite n’avait encore occupée sous son règne. Leur histoire d’amour ne serait qu’une sorte de perpétuel conte de fées si Louis XV, parti à la guerre, ne tombait gravement malade à Metz…
La belle Marie-Anne – adorée du roi, jalousée par la Cour, crainte des ministres et haïe par le peuple – devra-t-elle plier brusquement le genou face à l’Église et se soumettre à la raison d’État ?

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Haut fonctionnaire, Camille Pascal est notamment l’auteur de Scènes de la vie quotidienne à l’Élysée, des Derniers Mondains et d’Ainsi, Dieu choisit la France. Son premier roman, L’Été des quatre rois, couronné par le Grand Prix du roman de l’Académie française, s’est vendu à plus de 130 000 exemplaires.

 

 

Avis :

Après deux de ses sœurs aînées, la belle et ambitieuse Marie-Anne de Mailly-Nesle devient à son tour l’objet de la passion amoureuse de Louis XV. Avec le soutien du maréchal de Richelieu, elle se hisse bientôt à la position de toute puissante favorite en titre, suscitant craintes et jalousies à la Cour de Versailles et s’attirant la haine du peuple français. Ayant poussé le Roi dans la guerre de succession d’Autriche, elle le rejoint à Metz où l’adultère royal publiquement exposé fait scandale. Mais Louis XV y tombe gravement malade, occasionnant un subit renversement de situation. Face à la pression de l’Église et des ministres sur un souverain affaibli, la maîtresse royale risque bien de choir brutalement de sa position…

Camille Pascal s’est imprégné d’une volumineuse documentation pour nous restituer, avec naturel et intelligence, les intrigues de Cour et les manœuvres politiques autour d’un Louis XV trentenaire qui commence à imposer sa propre manière de gouverner. On y perçoit un roi peu intéressé par la vie politique, plutôt casanier et sans beaucoup de charisme. Déjà transparaissent les grands traits qui altéreront l’image royale tout au long de son règne : l’inconduite de sa vie privée et les intrigues incessantes autour de ses favorites, ses velléités à gouverner seul alliées à un manque de fermeté qui l’amènent à contourner secrètement ses ministres plutôt que d’imposer clairement ses décisions, le mécontentement de son entourage qui multiplie les cabales et contribue à son impopularité croissante. A Metz se joue bien plus que la chute d’une favorite : c’est l’image-même de la monarchie qui en ressort écornée, tandis que l’humiliation publique de Louis XV exigée par le parti dévot motivera pour longtemps la haine du souverain envers les Jésuites.

Historiquement érudit, l’auteur réussit aussi à merveille à recréer l’atmosphère de cette Cour et la psychologie de ses personnages, prolongeant la restitution de leurs lettres authentiques de sa propre rédaction ironique et acérée parfaitement dans le ton. Il nous livre un tableau réaliste et vivant, dont les mille détails éclairent avec humour les failles et les ambitions d’un microcosme bien plus préoccupé par ses luttes intestines pour le pouvoir, la richesse et le plaisir, que par l’exercice de ses devoirs d’état.

Elégant et brillant, ce roman impressionne autant par la clarté de son analyse historique que par le brio de sa plume qui sait si bien rendre l’esprit et la langue de l’époque. Entre les combats sans merci pour s’y faire une place et la conserver, les fièvres que le charlatanisme médical rend encore plus terrassantes, et la peur de l’au-delà entretenue par un clergé avide de sa part du pouvoir, la Cour de Versailles n’y a jamais autant pris les allures d’un éblouissant, mais dangereux et fétide marigot. (4/5)

 

Citations :

Comme l’avant-veille, il trouva Marie-Anne à sa toilette qui taquinait toujours avec le même flegme ses pots à onguent et semblait ne faire aucun cas de l’agitation dont son appartement était la proie depuis le matin. Les marchandes à la toilette, les merciers et les tailleurs d’habits disputaient aux petits-maîtres et aux talons rouges l’honneur de lui souhaiter le bonjour. Un nouvel astre naissait à Versailles, et chacun voulait assister à son lever. Le duc plaisanta sur ce changement de décor aussi brillant que subit et complimenta sa nièce sur la place importante qu’elle venait de remporter comme il aurait félicité un maréchal de France qui a obtenu son bâton. Le contraste avec sa dernière visite était frappant, et seule la cour de Versailles savait réserver au genre humain de si magnifiques pieds de nez à la destinée. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il aimait la fréquentation du pouvoir, car, avec lui, ce qui était prévu n’arrivait jamais et l’imprévu, au contraire, était toujours certain. Versailles se réduisait à un immense tapis vert où chacun misait quotidiennement son existence dans l’espoir de tirer un jour la bonne carte.

L’idée de partir à la découverte de ses terres sur un char de triomphe dessiné par Bocquet accompagnée du Chat botté divertit Marie-Anne un instant, mais lorsque sa sœur lui demanda si elle voyait seulement où se trouvait le duché de Châteauroux, elle hésita, émit quelques hypothèses avant d’admettre dans de nouveaux éclats de rire qu’elle n’en savait fichtre rien. On envoya donc cette fois prendre une géographie chez le roi, mais on déplia ensuite tant de cartes en vain que le voyage finit par les ennuyer toutes les trois. Cette terre était au diable vauvert et faisait bien d’y rester. La présentation de la nouvelle duchesse de Châteauroux devait avoir lieu le lendemain, il paraissait plus urgent de s’y préparer que de se salir les mains avec la suie de l’histoire.

La vie de Cour exigeait une santé de crocheteur et une parfaite indifférence à tout ce qui n’était pas la volonté du roi. Lui seul décidait du jour ou de la nuit, du réveil ou du sommeil, de la joie ou de la tristesse. Le reste n’existait pas et, en réalité, n’avait été créé par Dieu que pour les gens du commun, mais, dans ce pays-ci, les lois de la nature, si elles n’étaient pas suivies par le roi, n’en étaient pas.

 

 

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