mercredi 11 novembre 2020

[Nair, Anita] La mangeuse de guêpes

 


 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : La mangeuse de guêpes
           (Eating Wasps)

Auteur : Anita NAIR

Traductrice : Patricia BARBE-GIRAULT

Parution : en anglais (Inde) en 2018
                   en français en 2020 

Editeur : Albin Michel

Pages : 352

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

En 1965, Sreelakshmi, une jeune écrivaine indienne critiquée dans son pays pour avoir osé évoquer le désir féminin en termes crus, met fin à ses jours. Nul ne sait pourquoi, sauf peut-être son amant, qui gardera religieusement l’os de l’un de ses doigts. Cinquante ans plus tard, une fillette découvre par hasard la boîte contenant la relique, et libère sans le savoir l’âme et le secret de Sreelakshmi.
A travers ce destin, la grande romancière Anita Nair, l’auteure mondialement connue de Compartiment pour dames, évoque avec sensualité et audace la condition féminine en Inde et dans le monde. Une ode à la liberté et au désir.

  

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Anita Nair vit à Bangalore. Depuis son premier succès, Compartiment pour dames, traduit en 29 langues, elle s’est imposée comme un des auteurs phares de la littérature indienne. Elle a publié une dizaine de romans, dont Quand viennent les cyclones, L’Inconnue de Bangalore, Dans les jardins du Malabar et L’Abécédaire des sentiments chez Albin Michel.

 

 

Avis :

Auteur vilipendée en Inde pour avoir directement évoqué la sensualité féminine dans ses romans, Sreelakshmi se suicide en 1965. Quelque cinquante ans plus tard, la découverte fortuite d’un fragment de ses os, conservé comme une relique par son amant, réveille le fantôme de la jeune femme : au fur et à mesure que l’osselet passe de main en main, la disparue se retrouve à même d’observer et de commenter l’existence de plusieurs femmes dans l’Inde d’aujourd’hui.

En entrecroisant le destin de ces femmes séparées par un demi-siècle, le récit dessine peu à peu un motif qui se répète inlassablement au fil du temps : celui des drames de la condition féminine en Inde. Car, si la tentative d'émancipation de Sreelakshmi dans les années soixante peut paraître en avance sur son temps, force est de constater que les histoires des autres femmes et filles du roman jusqu'à nos jours ne sont que les multiples répliques d'un scenario quasi immuable. Discrimination à la naissance, difficulté d’accès à l’éducation et à la vie professionnelle, harcèlement et violences le plus souvent impunis continuent à marquer une société fortement attachée à des traditions et des conventions qui accordent aux hommes tout pouvoir sur les femmes.

Sur la base d'un parti-pris narratif parfaitement maîtrisé et au fil d'une narration fluide au style agréable qui sait tenir le lecteur en haleine tout en suscitant son émotion, Anita Nair dresse ainsi le triste constat d'une sorte de fatalité qui semble peser en Inde. Malgré tous les progrès de l'ère moderne, la condition féminine y demeure catastrophique. A l'instar des personnages de ce roman, quantité de femmes indiennes en paient le prix tous les jours. (4/5)


Citations : 

Mais c’était une journée sans alcool dans l’État du Kerala. Apparemment, ils faisaient ça le premier jour de chaque mois. Toute vente de spiritueux était interdite pendant vingt-quatre heures, afin d’empêcher les hommes de dilapider leur salaire et donner le temps aux femmes de leur soutirer assez d’argent pour payer le loyer, les courses, les frais de scolarité des enfants, et rembourser une énième mensualité pour le frigo, la télé, le générateur, le puits ou l’emprunt pour l’or.

« Regarde autour de toi et tu relativiseras. » Parfois, c’est aussi bête que ça.

Comment le monde avait-il pu changer autant en cinquante ans ? Et si peu en même temps ? Les rumeurs, la médisance et la destruction irresponsable de vies ont toujours été. Sauf qu’à présent, elles s’aidaient de gadgets pour procéder encore plus vite.

Fantômes et écrivains se ressemblent davantage que vous le croyez. Nous  pouvons être tout ce que vous voulez. Nous pouvons entendre vos pensées  même si vous ne les confiez pas. Nous pouvons lire les silences et  retranscrire vos histoires comme si elles nous étaient arrivées.                                

Durant ces années-là, Maya prit aussi conscience du cadeau fait au chromosome masculin. Les hommes ne s’encombrent pas des questions douloureuses. C’est le rôle des femmes. Regardez Pandore. Si elle était un homme, elle se contenterait de fourrer sa boîte d’un coup de pied sous le lit et d’aller faire un tour sur Facebook : loin des yeux, loin du cœur. Mais pas Pandore. Ni sa descendante, Maya. Elles ouvriraient la boîte et porteraient le fardeau de la culpabilité toute leur misérable vie, celle d’avoir enfanté du chagrin en ce bas monde.
 

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