jeudi 5 novembre 2020

[Setterfield, Diane] Il était un fleuve

 


 

Coup de coeur 💓💓

 

Titre : Il était un fleuve (Once Upon a River)

Auteur : Diane SETTERFIELD

Traductrice : Carine CHICHEREAU

Parution : en anglais en 2018
                   en français en 2019 (Plon)

Pages : 480

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Une auberge au bord de la Tamise, une nuit de solstice d’hiver, quelque part au XIXe siècle. Un étranger gravement blessé pousse la porte, avec dans ses bras une petite noyée. L’homme s’appelle Henry Daunt. Quant à la fillette morte, personne ne connaît son nom. Quelques heures plus tard, elle revient à la vie. Doit-on parler de magie ou ce phénomène peut-il s’expliquer par la science ? Et, surtout, qui est cette miraculée ? Amelia, la fille des Vaughan, enlevée deux ans plus tôt, Alice, la fille de Robin, le bâtard mulâtre des Armstrong, ou une petite gitane du camp d’à côté ? À moins qu’il ne s’agisse de la fille du batelier, le Silencieux, mort il y a plusieurs siècles et qui fait désormais traverser la rivière aux âmes… Une année durant, Henry, secondé par l’infirmière Rita Sunday,va explorer toutes les pistes.

À la fois conte, enquête et roman historique sur les premières heures du darwinisme, mêlant folklore, suspense et une juste dose de romantisme, le nouveau roman de Diane Setterfield est nimbé de la même aura puissante qui a fait le succès de son best-seller Le Treizième Conte.

  

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Née en 1964, Diane Setterfield a étudié la littérature française à Bristol avant de se lancer dans l’écriture. Phénomène éditorial, Le Treizième Conte lui a valu une reconnaissance mondiale. Il était un fleuve est son troisième ouvrage. Tous ses romans ont été publiés en français chez Plon. Elle vit aujourd’hui dans le Yorkshire.

 

 

Avis :

Dans ce village du bord de la Tamise au milieu du 19e siècle, l’on vit au rythme des humeurs du fleuve qui, de tout temps, a fait l’objet de persistantes légendes, peuplées de noyés et de fantômes, longuement relayées autour des bières servies à l’auberge Swan. Lorsqu’un jour surgit le photographe Henry Daunt, blessé, avec dans les bras une fillette méconnaissable, qui paraît d’abord morte noyée avant de revenir miraculeusement à la vie, les spéculations vont bon train : s’agit-il de l’une ou l’autre des enfants des environs récemment portées disparues ? Les imaginations ne tardent pas à s'échauffer, n'excluant pas les hypothèses les moins rationnelles...

Toute l’originalité de cette histoire vient d’abord de son atmosphère, soigneusement campée entre réalité et fantasmes, en un lieu propice aux croyances magiques, à une époque où la superstition peine encore à s’effacer devant les avancées de la science. Dans les esprits ordinaires, la photographie flirte ainsi encore avec la magie, le darwinisme avec l’inimaginable, et l’inexpliqué avec la sorcellerie. Alors, un fleuve qui, par ses crues, ses courants et ses brouillards, emmêle si bien son cours à celui de l’existence de ses riverains, prend naturellement une dimension bien vite surnaturelle, telle une frontière entre deux mondes, un miroir dont les deux faces seraient la vie et la mort, et où se refléteraient bien des ombres et des secrets.

Dans cette ambiance liquide aux teintes de plomb et d’étain et aux odeurs de marécage, se dessinent, restitués en profondeur et avec le plus grand réalisme, des personnages singuliers que l’ignorance, la peur et les duretés du quotidien font d'autant plus dériver au vent des croyances et des rumeurs. La vie, dans l’ensemble, ne leur fait guère de cadeaux : deuils et pertes jalonnent le temps, frappant particulièrement les femmes en couche et les très jeunes enfants.

Tout est dès lors posé pour le déroulement d'une intrigue savamment construite qui, tel le courant imprévisible de la Tamise, emportera irrésistiblement le lecteur dans ses mille méandres et ramifications. Ce conte profondément original et attachant, joliment brodé autour des thématiques de l'écoulement de la vie, des mystères de la naissance et de la mort, et des difficultés de la parentalité, s'avère une lecture enchanteresse à nulle autre pareille. Coup de coeur. (5/5)

 

 

Citation : 

L'été, il coupait des roseaux, l'hiver, il fabriquait des paniers, et tout le monde venait lui en acheter, car c'était un bon artisan et il ne vendait pas cher sa production. Il n'avait pas d'enfants qui pussent le décevoir, pas d'épouse pour le tourmenter, ni aucune autre femme pour lui briser le cœur. Il était taiseux sans être morose, saluait très agréablement tout le monde, et ne se disputait avec personne. Il n'avait pas de dettes. Aucun vice avéré ou supposé. Un matin, il entra dans le fleuve, des pierres plein les poches. Quand son corps heurta une barge qui attendait son chargement à quai, on alla visiter son cottage, où l'on trouva des pommes de terre dans une jarre de pierre, et du fromage. Il y avait aussi du cidre dans un flacon, et sur la cheminée une blague à tabac à moitié pleine. Sa disparition sema la consternation. Il avait du travail, à manger, de quoi se détendre : que pouvait-il désirer de plus ?
 
La pluie d’été explosait mollement sur ses épaules en grosses gouttes tièdes qui semblaient contenir leur double poids d’eau. C’était le soir, mais il ne faisait pas encore nuit, et la lumière tombait sur les feuilles mouillées et les flaques des chemins, nimbant tout d’un scintillement argenté. Les gouttes incessantes donnaient au miroitement du fleuve un fini grêlé. 

 

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