lundi 28 septembre 2020

[Vargas Llosa, Mario] Le héros discret





J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Le héros discret
           (El héroe discreto)

Auteur : Mario VARGAS LLOSA

Traducteurs : Albert BENSOUSSAN
                         et Anne-Marie CASES

Parution : en espagnol (Pérou) en 2013,
                   en français en 2015 (Gallimard)

Pages : 480

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :   

Après plusieurs romans situés dans les géographies les plus éloignées dans l’espace et dans le temps (le Congo belge, le Tahiti de Gauguin), Mario Vargas Llosa revient au Pérou et fait de son pays natal le décor du Héros discret. Il nous dépeint la situation actuelle d’une société dopée par une croissance économique sans précédent mais qui voit également se développer la corruption, la cupidité et le crime.
À Piura, Felícito Yanaqué, patron d’une entreprise de transports, est l’objet de chantage et d’intimidations mafieuses. Aussi frêle de corps qu’énergique de caractère, il saura cependant y faire face, et son opiniâtreté d’homme du peuple qui s’est élevé à la force des bras, fera de lui un héros national. À Lima, Ismael, patron d’une riche compagnie d’assurances, se voit menacé par ses deux fils, qui convoitent sa fortune en souhaitant sa mort. Là encore, l’homme saura répondre à ces menaces, et sera tout aussitôt doté par le romancier d’une aura héroïque. Mais il ne faut pas prendre leur épopée trop au sérieux. Car entre le mélodrame et le vaudeville, Vargas Llosa s’amuse, et nous amuse, avec ces deux histoires qu’il mène avec brio et dont le résultat final est une œuvre drôle, corrosive et magistralement écrite.
Le lecteur y reconnaîtra souvent le ton moqueur de La tante Julia et le scribouillard et de Tours et détours de la vilaine fille. Mais il retrouvera surtout avec plaisir l’univers de don Rigoberto et de Fonchito, du sergent Lituma et du capitaine Silva, tous à nouveau réunis dans ce portrait critique du Pérou contemporain.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Prix Carlos-Fuentes (2012)
Prix de la Liberté de la fondation Max-Schmidheiny (1988)
Prix mondial de la Fondation Simone et Cino del Duca (2008)
Prix Nobel de Littérature (2010)
Prix Roger-Caillois (pour l'ensemble de son œuvre) (2002)

 

 

Avis :

A Piura, au Pérou, un entrepreneur sorti de la misère à la force du poignet devient un héros national en résistant, malgré les intimidations, à la tentative de racket dont il est l’objet. Au même moment,  à Lima, le riche patron d’une compagnie d’assurances invente un stratagème pour échapper aux manœuvres de ses deux fils, trop pressés de capter l’héritage paternel. Contre toute attente, ces deux histoires sont finir par se télescoper…

Avec une dérision aussi pétillante que mordante, l’auteur, prix Nobel de littérature, s’amuse à nous livrer un divertissement brillamment troussé qui, sous ses dehors moqueurs, n’en livre pas moins le tableau sans concession d’un Pérou contemporain en pleine mutation, où la croissance économique s’assortit d’une flambée du crime et de la corruption. Pour résister à la violence et préserver leur intégrité, les personnages, attaqués sur leur flanc le plus tendre, font devoir faire preuve d’une opiniâtreté et d’une inventivité proprement héroïques, tant la norme péruvienne semble avoir intégré le mensonge et les pratiques mafieuses à tous les échelons.

Habilement construite et superbement écrite, cette farce satirique tendre et désabusée se lit d’un trait, enchantant le lecteur, curieux de découvrir où le mèneront l'enquête policière et la cruelle ironie de l’auteur : tandis que les rebondissements se multiplient, se dessinent les portraits attachants de modestes protagonistes sortis malgré eux de l’ordinaire de leur existence, juste parce qu’ils refusent de renier leurs principes les plus essentiels. (4/5)

 

 

Citations :

Don Rigoberto s’enferma parmi ses livres, disques et gravures pour lire la composition de Fonfon. « La liberté et le mal » était très courte. Elle soutenait que Dieu, en créant l’homme, avait probablement décidé qu’il ne serait pas un automate, avec une vie programmée de la naissance à la mort, comme celle des plantes et des animaux, mais un être doué de libre arbitre, capable de décider de ses actes pour son propre compte. C’est ainsi qu’était née la liberté. Mais cette faculté dont l’homme fut doté avait permis à l’être humain de choisir le mal et, peut-être, de le créer, en faisant des choses qui contredisaient tout ce qui émanait de Dieu et qui représentaient, plutôt, la raison d’être du diable, le fondement de son existence. Ainsi le mal était un fils de la liberté, une création humaine. Ce qui ne signifiait pas que la liberté fût mauvaise en soi ; non, c’était un don qui avait permis de grandes découvertes scientifiques et techniques, le progrès social, la disparition de l’esclavage et du colonialisme, les droits de l’homme, etc. Mais c’était aussi l’origine de cruautés et de souffrances terribles qui ne cessaient jamais et accompagnaient au contraire le progrès comme son ombre.
 
Dans ce pays, on ne peut construire un espace de civilisation, même minuscule, conclut-il. La barbarie finit par tout dévaster.
 
La fonction du journalisme à notre époque, ou, du moins, dans notre société, n’était pas d’informer, mais de faire disparaître toute distinction entre le mensonge et la vérité, de remplacer la réalité par une fiction où se manifestait la masse abyssale de complexes, de frustrations, de haines et de traumatismes d’un public rongé par le ressentiment et l’envie. Une autre preuve que les petits espaces de civilisation ne prévaudraient jamais sur l’incommensurable barbarie.
 
Son père était peut-être pauvre, mais il était grand par sa droiture d’âme, parce que jamais il n’avait fait de mal à personne, ni manqué aux lois, ni gardé rancune à la femme qui l’avait abandonné en lui laissant un nouveau-né sur les bras. Si c’était vrai ce qu’on racontait du péché, de la méchanceté et de l’autre vie, il devrait maintenant être au ciel. Il n’avait même pas eu le temps de faire le mal, sa vie avait été de travailler comme une bête dans les métiers les plus mal payés. Felícito se rappelait l’avoir vu tomber le soir mort de fatigue. Mais, par exemple, jamais il n’avait laissé personne lui marcher dessus. C’était, d’après lui, ce qui faisait qu’un homme valait quelque chose ou était une lavette. Ça avait été le conseil qu’il lui avait donné avant de mourir dans un lit sans matelas de l’Hôpital ouvrier : « Te laisse jamais marcher dessus, mon fils. »

Dans la vie c’est toujours comme ça. Les bonnes choses elles ont toujours leur mauvais petit côté et les mauvaises leur bon petit côté.

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