J'ai beaucoup aimé
Titre : Obscure et céleste (Oscura e celeste)
Auteur : Marco MALVADI
Traduction : Nathalie BAUER
Parution : en italien en 2023,
en français (Seuil) en 2025
Pages : 352
Présentation de l'éditeur :
1631. Alors que l’Europe est déchirée
par la guerre, la peste fait rage à Florence en dépit des prières et des
processions. Croyant pouvoir apaiser le courroux de Dieu, le grand-duc
de Toscane charge le chanoine Cini de s’assurer que le couvent de San
Matteo d’Arcetri n’abrite pas, comme on le murmure, des rencontres
galantes.
L'homme y retrouve Galilée, son ancien maître, installé depuis peu dans les environs pour se rapprocher de ses deux filles, cloîtrées dans ce monastère. L’aînée met au propre le Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, dont la parution prochaine suscite une grande nervosité dans les milieux ecclésiastiques.
L'homme y retrouve Galilée, son ancien maître, installé depuis peu dans les environs pour se rapprocher de ses deux filles, cloîtrées dans ce monastère. L’aînée met au propre le Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, dont la parution prochaine suscite une grande nervosité dans les milieux ecclésiastiques.
C'est alors qu’on découvre le corps sans vie d’une jeune moniale au pied du
beffroi renfermant la lunette astronomique que Galilée a offerte au
couvent. Suicide ou meurtre ? Dans une atmosphère de tension extrême, le
maître et son ancien élève s’emploient à résoudre ce mystère.
Une intrigue criminelle menée tambour battant, qui met en scène un Galilée fort malicieux dans un XVII ͤ siècle marqué par les enjeux de pouvoir, les rivalités entre les différents ordres religieux et une Inquisition toujours menaçante.
Une intrigue criminelle menée tambour battant, qui met en scène un Galilée fort malicieux dans un XVII ͤ siècle marqué par les enjeux de pouvoir, les rivalités entre les différents ordres religieux et une Inquisition toujours menaçante.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Marco Malvaldi est né à Pise en 1974. Il
est l’auteur d’une série policière, de romans policiers historiques et
de livres de vulgarisation scientifique. Au Seuil, il a publié Le Cheval des Sforza, qui fait revivre Léonard de Vinci dans la Florence des Médicis.
Avis :
Jouant avec malice des codes du polar pour nous instruire en toute légèreté, Marco Malvadi a choisi cette fois Galilée et ses démêlés avec l’Église catholique pour une réflexion aussi érudite que divertissante sur la science face à l’obscurantisme.
Nous voici dans la Florence du XVIIᵉ siècle ravagée par la peste, où science et foi s’affrontent en silence. Le récit s’ouvre sur la mort suspecte d’une nonne dans un couvent austère, situé à quelques pas de la maison de Galilée, affaibli mais toujours animé par sa soif de vérité. Ce point de départ, digne d’un polar, devient le prétexte d’une enquête menée par le savant et son ancien élève, le chanoine Cini — duo inattendu mais efficace, oscillant entre rigueur intellectuelle et intuition humaine.
Vieillissant mais n’ayant rien perdu de sa lucidité, parfois ironique, toujours habité par le doute, Galilée est ici présenté, loin du héros ou du martyr, sous l’angle très humain et intime d’un auteur fortement préoccupé des autorisations nécessaires, censure oblige, à la publication de son dernier livre, et d’un père très attaché à l’une de ses filles, Maria Celeste, recluse dans le couvent en question. Présence affective, cette dernière est aussi un appui intellectuel, une voix douce dans un monde dur, en fait ni plus ni moins que ce qui rattache la pensée du savant à ses émotions. Surtout, elle est celle qui comprend les enjeux et les risques du livre de son père, et qui, par sa manière de faire exister la pensée dans un monde cloîtré, s’engage à ses côtés en un acte de résistance douce.
L’enquête elle-même progresse lentement, à l’image du rythme du couvent, entre soupçons, silences et secrets. Mais ce n’est pas tant la résolution du crime qui importe que ce qu’elle révèle : les tensions entre savoir et dogme, les violences invisibles faites aux femmes, la solitude des esprits libres dans un monde clos, avec toujours pour fil rouge le traité de Galilée, son Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, dont la publication retardée, en incarnant à la fois l’espoir d’une vérité scientifique partagée et la menace d’un affrontement avec l’Église, se fait le véritable enjeu dramatique du récit, le miroir du conflit entre savoir et obscurantisme, la métaphore de la vérité suspendue qui cherche à se faire entendre, le tout subtilement veiné, pour la complicité souriante du lecteur, d’une malice nourrie d’anachronismes savoureux et de digressions piquantes qui achèvent de tourner en dérision les absurdes aveuglements du dogme religieux.
D’une manière qui interroge autant qu’elle divertit, Marco Malvadi réussit à faire dialoguer les étoiles et la boue, la logique et la foi, le père et le penseur. Sa plume, sobre mais précise et volontiers moqueuse, donne à voir une époque sans la figer et rend hommage à une figure historique sans l’idéaliser. Il livre au final une intéressante méditation sur les rapports entre science et dogme, lumière et obscurité, raison et pouvoir. (4/5)
Nous voici dans la Florence du XVIIᵉ siècle ravagée par la peste, où science et foi s’affrontent en silence. Le récit s’ouvre sur la mort suspecte d’une nonne dans un couvent austère, situé à quelques pas de la maison de Galilée, affaibli mais toujours animé par sa soif de vérité. Ce point de départ, digne d’un polar, devient le prétexte d’une enquête menée par le savant et son ancien élève, le chanoine Cini — duo inattendu mais efficace, oscillant entre rigueur intellectuelle et intuition humaine.
Vieillissant mais n’ayant rien perdu de sa lucidité, parfois ironique, toujours habité par le doute, Galilée est ici présenté, loin du héros ou du martyr, sous l’angle très humain et intime d’un auteur fortement préoccupé des autorisations nécessaires, censure oblige, à la publication de son dernier livre, et d’un père très attaché à l’une de ses filles, Maria Celeste, recluse dans le couvent en question. Présence affective, cette dernière est aussi un appui intellectuel, une voix douce dans un monde dur, en fait ni plus ni moins que ce qui rattache la pensée du savant à ses émotions. Surtout, elle est celle qui comprend les enjeux et les risques du livre de son père, et qui, par sa manière de faire exister la pensée dans un monde cloîtré, s’engage à ses côtés en un acte de résistance douce.
L’enquête elle-même progresse lentement, à l’image du rythme du couvent, entre soupçons, silences et secrets. Mais ce n’est pas tant la résolution du crime qui importe que ce qu’elle révèle : les tensions entre savoir et dogme, les violences invisibles faites aux femmes, la solitude des esprits libres dans un monde clos, avec toujours pour fil rouge le traité de Galilée, son Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, dont la publication retardée, en incarnant à la fois l’espoir d’une vérité scientifique partagée et la menace d’un affrontement avec l’Église, se fait le véritable enjeu dramatique du récit, le miroir du conflit entre savoir et obscurantisme, la métaphore de la vérité suspendue qui cherche à se faire entendre, le tout subtilement veiné, pour la complicité souriante du lecteur, d’une malice nourrie d’anachronismes savoureux et de digressions piquantes qui achèvent de tourner en dérision les absurdes aveuglements du dogme religieux.
D’une manière qui interroge autant qu’elle divertit, Marco Malvadi réussit à faire dialoguer les étoiles et la boue, la logique et la foi, le père et le penseur. Sa plume, sobre mais précise et volontiers moqueuse, donne à voir une époque sans la figer et rend hommage à une figure historique sans l’idéaliser. Il livre au final une intéressante méditation sur les rapports entre science et dogme, lumière et obscurité, raison et pouvoir. (4/5)
Citations :
Pour être certains en toute chose, dit Ignace de Loyola dans ses Exercices spirituels, nous devons toujours nous en tenir à ce critère : ce que je vois blanc je le crois noir si l’Église hiérarchique le décide ainsi. (Pour les incrédules : Exercices spirituels, « De la soumission à l’Église », Treizième règle). De cette vision particulière du monde, pour ainsi dire, vient la trinité des jésuites, qui n’est pas constituée d’un père, d’un fils et d’un fantôme, mais de trois concepts : ordre, hiérarchie et vérité.
La vérité, qui doit être une seule, à savoir ce que l’Église affirme.
La hiérarchie : il faut obéir à cette même Église, faute de quoi la liberté se transformera en libre arbitre, l’homme se changera en animal et le monde privé de direction plongera dans le chaos ; et il n’existe qu’une seule direction, la vraie (en d’autres termes, l’Église, comme on l’a peut-être déjà dit).
Enfin, le troisième concept, fondamental pour notre affaire : l’ordre. Non dans le sens monastique du terme, ni même dans celui d’une tâche à accomplir, mais plutôt tel que nos mères l’entendaient : toute chose à sa place, et sa place est nécessairement toujours la même. Et si nos mamans, qui nous aimaient pourtant beaucoup, enrageaient autant que des sangliers en janvier quand elles trouvaient une paire de chaussettes au salon, imaginez comment réagissait un général des jésuites quand on ôtait la Terre du centre de l’univers.
Exactement ce à quoi s’employait Galilée dans son nouveau livre.
La vérité, qui doit être une seule, à savoir ce que l’Église affirme.
La hiérarchie : il faut obéir à cette même Église, faute de quoi la liberté se transformera en libre arbitre, l’homme se changera en animal et le monde privé de direction plongera dans le chaos ; et il n’existe qu’une seule direction, la vraie (en d’autres termes, l’Église, comme on l’a peut-être déjà dit).
Enfin, le troisième concept, fondamental pour notre affaire : l’ordre. Non dans le sens monastique du terme, ni même dans celui d’une tâche à accomplir, mais plutôt tel que nos mères l’entendaient : toute chose à sa place, et sa place est nécessairement toujours la même. Et si nos mamans, qui nous aimaient pourtant beaucoup, enrageaient autant que des sangliers en janvier quand elles trouvaient une paire de chaussettes au salon, imaginez comment réagissait un général des jésuites quand on ôtait la Terre du centre de l’univers.
Exactement ce à quoi s’employait Galilée dans son nouveau livre.
L’ignorance, ma fille, consiste à ne pas se satisfaire de la vérité : à ne pas reconnaître l’erreur qui réside dans nos hypothèses et suppositions, quand celles-ci ne parviennent pas à correspondre à la réalité, à ce qui se produit vraiment ; et à continuer de les soutenir en dépit de l’évidence. Et les choses que nous ignorons sont si nombreuses, par rapport à celles que nous savons vraiment, que considérer la vastitude de notre insuffisance in toto nous écraserait comme une grappe de raisin. Il est dangereux de croire que l’on sait une chose lorsqu’on l’ignore, comme le disait le sage Socrate ; mais, si je ne la sais pas, comment faire pour m’en rendre compte et pour la reconnaître ?
Alors, c’est peut-être ici qu’on comprend la perfection de Dieu : dans l’infinie distance qui nous sépare de Lui, une distance qui ne pourra jamais être comblée par la somme de nos actions. Chaque découverte augmente nos connaissances, comme une échelle qui se dresse dans les cieux, de plus en plus haut, et qui nous permet de regarder de plus en plus près la voûte céleste ; et de même que, en regardant du haut d’une tour, on distingue la construction d’une ville, de même, du haut de cette échelle, on voit plus distinctement ce qui se passe au sol. Mais, si Dieu est infini, cette échelle aura beau croître, elle ne pourra jamais l’atteindre. Il y aura toujours quelque chose au-delà de nos connaissances ; la cause qui meut le Soleil et les étoiles nous sera toujours inaccessible, obscure et céleste comme toute volonté de Dieu.
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