mardi 16 septembre 2025

[Dunant, Ghislaine] Un amour infini

 


 




Coup de coeur 💓

 

Titre : Un amour infini

Auteur : Ghislaine DUNANT

Parution : 2025 (Albin Michel)

Pages : 176

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur : 

Elle est descendue en retard, elle voulait encore fumer une cigarette, fumer seule, une fois de plus. Pour sentir le temps qui passe, ne plus savoir qui elle est, ni ce qu’on peut vouloir d’elle.
Ce roman installe le lecteur au cœur d’une rencontre de trois jours sur l’île de Ténérife, en juin 1964, prévue mais bouleversée par un événement tragique, entre un astrophysicien d’origine hongroise qui a dû fuir l’Europe et s’exiler aux États-Unis et une mère de famille française.
Alors que rien ne devrait les rapprocher, leurs conversations sur leurs passés distincts et l’exploration de l’île vont les ouvrir profondément l’un à l’autre. Le ciel, l’univers, l’histoire de la Terre… Les sujets de l’astrophysicien rejoignent la sensibilité de celle qui a observé le mystère de la toute petite enfance et a toujours eu une approche sensitive des êtres. Leur désir réciproque va s’accompagner de la puissance des éléments qui les entourent.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Ghislaine Dunant est née à Paris en 1950. Elle a déjà publié trois romans chez Gallimard, un récit, et un essai chez Grasset : Charlotte Delbo, la vie retrouvée, qui a été couronné du prix Femina de l’essai. Elle a consacré sa vie à l’écriture depuis 1987, tout en en élevant ses deux enfants avec son compagnon, artiste peintre.

 

 

Avis :

Il est des romans qui ne racontent pas, mais qui exhalent leur histoire. Un amour infini est de ces rares-là. Ghislaine Dunant y compose une partition délicate, presque suspendue, autour d’une rencontre imprévue entre Louise, femme française en voyage, et Nathan, astrophysicien hongrois en exil. Trois jours sur l’île de Ténérife suffisent à faire vaciller les certitudes, à ouvrir une brèche dans le tissu serré du quotidien.  

Cela aurait pu n’être qu’une histoire d’adultère, une aventure au sens romanesque. C’est une parenthèse cosmique, un glissement subtil dans l’ordre des choses. Tels deux astres qui s’attirent sans se heurter, Louise et Nathan se découvrent dans le silence des volcans et dans les ruelles de La Laguna comme dans autant d’interstices du temps. L’amour n’est pas un événement. Sans jamais chercher à le capturer, le roman en souligne l’inéluctabilité, comme une force gravitationnelle inscrite dans la matière même du monde, une force ancienne et patiente qui affleure enfin à la surface.  

Nathan, homme de science et d’exil, porte en lui les cicatrices d’un passé traversé par la guerre, la fuite et la perte. Affleurant sans jamais s’imposer, son drame personnel est là, dans les silences, les phrases retenues ou les regards qui s’attardent sur l’horizon. La pudeur douloureuse dans lequel il se dissout donne à la rencontre une densité particulière, comme si l’amour, ici, n’était pas une échappée mais une reconnaissance mutuelle de ce qui a été traversé.

Jouant un rôle presque chamanique, la nature n’est pas décor, mais, élément actif du récit et miroir des états intérieurs, se fait révélatrice des failles et des élans. Entre volcans endormis, forêts primaires et ciel immense, les paysages de Ténérife enveloppent les personnages comme pour mieux les déposséder de leurs repères et les rendre disponibles à une forme d’écoute nouvelle. Au contraire d’un enfermement, l’isolement insulaire se révèle une chambre d’écho où les voix intimes peuvent enfin se faire entendre, alors que, semblant peindre chaque scène à la lumière lente du couchant, la prose sensuellement contemplative de Ghislaine Dunant capte les vibrations du monde avec une précision presque tactile.

Pour la première fois, Louise n’est ni épouse ni mère, mais simplement elle-même face à un homme qui ne demande rien, n’attend rien, mais reconnaît. Muette et profonde, cette reconnaissance agit comme une lumière douce sur les zones d’ombre de sa vie.

Et lorsque le roman s’achève, il ne tranche ni ne conclut, mais choisit la douceur dans l’impasse, une forme de paix discrète, presque murmurée. D’une délicatesse rare, ce dénouement ne résout rien mais apaise, comme si l’amour, même fugace, pouvait réconcilier sans réparer.

Un amour infini est un roman de l’éphémère autant que de l’éternel. Il ouvre, éclaire et modifie imperceptiblement la trajectoire intérieure de ses personnages en même temps que celle du lecteur. Comme une étoile filante qui ne laisse pas de trace visible, mais dont le passage transforme le ciel. Coup de coeur. (5/5)

 

 

Citation :

La lumière dissout tant de choses sur ce plateau où rien ne fait ombre. Elle dissout les mesures de la vie ordinaire, elle dissout la vie ordinaire. 

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