Coup de coeur 💓
Titre : Tressaillir
Auteur : Maria POURCHET
Parution : 2025 (Stock)
Pages : 336
Présentation de l'éditeur :
« J’ai coupé un lien avec quelque chose d’aussi étouffant que vital et
je ne suis désormais plus branchée sur rien. Ni amour, ni foi, ni
médecine. »
Une femme est partie. Elle a quitté la maison, défait sa vie. Elle pensait découvrir une liberté neuve mais elle éprouve, prostrée dans une chambre d’hôtel, l’élémentaire supplice de l’arrachement. Et si rompre n’était pas à sa portée ? Si la seule issue au chagrin, c’était revenir ? Car sans un homme à ses côtés, cette femme a peur. Depuis toujours sur le qui-vive, elle a peur.
Mais au fond, de quoi ?
Dans ce texte du retour aux origines et du retour de la joie, Maria Pourchet entreprend une archéologie de ces terreurs d’enfant qui hantent les adultes. Elle nous transporte au coeur des forêts du Grand Est sur les traces de drames intimes et collectifs.
Une femme est partie. Elle a quitté la maison, défait sa vie. Elle pensait découvrir une liberté neuve mais elle éprouve, prostrée dans une chambre d’hôtel, l’élémentaire supplice de l’arrachement. Et si rompre n’était pas à sa portée ? Si la seule issue au chagrin, c’était revenir ? Car sans un homme à ses côtés, cette femme a peur. Depuis toujours sur le qui-vive, elle a peur.
Mais au fond, de quoi ?
Dans ce texte du retour aux origines et du retour de la joie, Maria Pourchet entreprend une archéologie de ces terreurs d’enfant qui hantent les adultes. Elle nous transporte au coeur des forêts du Grand Est sur les traces de drames intimes et collectifs.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Maria Pourchet est écrivaine. Elle est notamment l’autrice de Rome en un jour (2013), Toutes les femmes sauf une (Prix Révélation de la SGDL 2018), Feu (2021) et Western (Prix de Flore 2023).
Avis :
Après Feu et Western, Maria Pourchet boucle une trilogie consacrée à des femmes en rupture. Mais là où les précédents récits s’enflammaient ou s’insurgeaient, Tressaillir est une histoire de retrait sans fracas. Michelle, la narratrice, quitte son compagnon Sirius et leur fille Lou, non par colère ni par désir d’ailleurs, mais pour sortir d'une vie devenue trop lourde et trop étroite. Ce départ qui n'est pas une échappée a tout d’une chute et d’une désagrégation consentie.
Réfugiée dans une chambre d’hôtel impersonnelle, elle laisse son corps s’affaisser et sa pensée se disperser, gestes suspendus et repères dissous dans le brouillard de la dépression. Pourtant, tout au fond, malgré la peur ancienne et mal identifiée qui sape sa confiance, quelque chose résiste. Elle ne part pas pour se libérer, mais pour se protéger. Ce qu’elle fuit, c’est moins l’homme qu’elle quitte que l’image d’elle-même qu’elle ne parvient plus à soutenir. Elle se tourne vers une relation antérieure, espérant y trouver un abri : non pas l’amour, mais un regard qui ne menace pas.
Ce qui entrave Michelle ne vient pas seulement du présent. Le roman laisse affleurer un souvenir enfoui, un traumatisme diffus lié à la forêt vosgienne de son enfance, hantée par l’affaire Grégory. Jamais nommé frontalement, ce drame collectif agit comme une ombre portée, imprégnant les lieux, les silences et les peurs. Quelque chose s’est figé là, dans cette région natale, qui continue de travailler Michelle à son insu, la maintenant sous l’emprise invisible d’un passé non résolu et d’un malaise transmis sans mots qui l’empêchent d’avancer, de se détacher et de se reconstruire.
A vif, syncopée, traversée de sarcasmes et d’éclats poétiques, l’écriture reflète cette tension. Avec ses phrases qui heurtent, bifurquent et s’interrompent, c'est une voix qui se débat et tente de se maintenir dans le langage comme on tente de rester debout.
Jamais nommée, la dépression est partout, dans le ralentissement, l’effacement du désir et l’impossibilité de se projeter. Pourtant, au bout du tunnel qu’est le roman, une lueur apparaît quand un psychiatre ouvre discrètement un espace de parole. Ce n’est ni une solution ni une promesse, mais un déplacement, une variation minuscule dans le regard porté sur soi, qui suffit à desserrer la peur et la sensation de menace.
Tremblante et incertaine, Michelle incarne pourtant le refus des rôles imposés, des récits convenus et des justifications attendues. Contrainte au retrait parce qu’épuisée, elle incarne un féminisme si discret qu’il ne s’énonce jamais, mais pulse comme une nécessité vitale. Sa rébellion surgit d’un instinct de survie, quand la fatigue d’exister et la peur héritée rendent toute adhésion impossible. Cette asphyxie, cette démission sans éclat, Maria Pourchet en fait la matière vive d’un roman traversé par une langue nerveuse, sarcastique, incandescente – où la souffrance ne se raconte pas, mais s’éprouve. Coup de coeur. (5/5)
Citations :
J’ai depuis quelques jours un passé. Je pensais l’avoir depuis un moment, vingt-cinq ans minimum, mais je confondais. Avec une région verte et noire, avec mes cheveux courts et des garçons vite faits, avec des problèmes de fric et des gens que je ne vois plus. Une friche où s’égaraient des chats perdus, ma mère, l’école, la forêt, apprendre à nager, apprendre à lire, le corps troué de l’adolescence, la jeunesse ratée, les amours tristes, les doux, les endurants, démissionner, enfanter. Je pensais avoir vécu, évasivement, mais vécu.
En réalité, le passé vient d’arriver.
Le passé s’installe à l’instant où on exécute la décision d’en finir avec ce qui ne s’appelle déjà plus une existence. Qui s’appelle un temps. Puisqu’il en précède un autre dont on ne sait rien. Qui pourrait tout aussi bien m’engloutir. L’opération est d’une intense brutalité, docteur.
Paris on vient pour commencer et on y reste pour pouvoir recommencer.
Treize ans, effarouchée et sans grâces manifestes, dans la tribu collégienne qui classe et qualifie les individus selon quatre critères – la force, la beauté, l’obéissance, l’utilité – je ne suis reconnue pour rien. Que faire sinon disparaître. Et la disparition est à portée de main qui s’emporte partout, un livre. C’est donc à cet âge que j’ai lu tous les livres disponibles. Un par jour, un par nuit.
Le langage produit chez ceux qui le possèdent des effets de pouvoir et de surplomb et occasionne chez ceux qui ne le possèdent pas des effets de paupérisation et de faiblesse. Comme le fric et la beauté.
Aimer non pas un corps, pas un amour, aimer plus élémentaire et plus fort parce que aimer un semblable sans l’attente d’aucune métamorphose, d’aucun serment mais le contraire : se jeter pour quelques heures dans le réconfort du même, silencieux. Aimer pour la peau, aimer parce que c’est humain, aimer pour une fois comme les animaux ne sauraient pas. Cela n’arrive qu’ainsi, n’arrive qu’à deux camarades coincés loin de chez soi entre la fatigue et l’abandon. Et tandis qu’Éric embrassait mes seins, mon sexe, en ronronnant dans sa gorge l’air de folk de la voiture, pas encore décidé à faire plus que réchauffer nos os grandis au même endroit, je lui promis de ne plus jamais l’oublier.
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