dimanche 28 septembre 2025

[Majdalani, Charif] Le nom des rois

 


 



J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Le nom des rois

Auteur : Charif MAJDALANI

Parution : 2025 (Stock)

Pages : 216

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur : 

« Et d’un seul coup, le monde qui servait de décor à tout cela s’écroula. J’en avais été un témoin distrait, mais le bruit qu’il provoqua en s’effondrant me fit lever la tête et ce que je vis alors n’était plus qu’un univers de violence et de mort. C’est de celui-là que je suis devenu contemporain. J’avais été, durant des années, dispensé d’intérêt pour ce qui se passait autour de moi par ma passion des atlas, par les royautés anciennes et inutiles et par les terres lointaines et isolées, les berceaux de vieux empires oubliés. Désormais, l’histoire se faisait sous mes yeux et je la trouvais  moche, roturière et vulgaire. »
Dans ce récit de passage à l’âge adulte porté par une écriture ample et élégante, Charif Majdalani raconte la disparition d’un pays et explore ce qui subsiste de l’enfance lorsqu’elle capitule devant les fracas du monde.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Charif Majdalani est écrivain et professeur à l’université Saint-Joseph à Beyrouth. Il est l’auteur d’une dizaine de livres dont Histoire de la grande maison (Seuil, 2005), Villa des femmes (Seuil, prix Jean Giono 2015), Beyrouth 2020 : Journal d’un effondrement (Actes Sud, prix spécial du jury Femina 2020) et Dernière Oasis (Actes Sud, 2021).

 

 

Avis :

Le nom des rois commence dans une enfance beyrouthine bercée par les atlas, les généalogies impériales et les rêveries solitaires. Le narrateur, jeune garçon fasciné par les figures de conquérants et de souverains oubliés, consigne dans ses carnets les noms de dynasties disparues comme d’autres collectionnent les timbres. Ce goût pour les lignées et les empires ne relève pas d’une simple érudition : il traduit une quête d’ordre dans un monde qui vacille.

Entre salons bruissant de conversations feutrées, montagnes resplendissant de majesté silencieuse et soirées rassemblant un gotha cosmopolite pour des parties de cartes sous les lampes tamisées, le Liban des années 1960 apparaît d’abord comme un décor lumineux, presque irréel. Ce pays, que l’on surnommait la Suisse du Moyen-Orient, semble suspendu dans une forme d’élégance heureuse. Mais cette paix n’est qu’apparente. Des bruits sourds montent du dehors, des rumeurs traversent les murs et, bientôt, le monde s’effondre. 

La guerre civile, qui éclate en 1975, transforme le roman en récit d’apprentissage. L’enfant rêveur devient adolescent dans un pays déchiré. A mesure qu’il découvre une histoire réelle qui, dans sa brutalité et sa confusion, n’a rien de noble, ses illusions tombent et ses figures héroïques perdent leur éclat. En même temps que le regard change, la langue glisse d’un lyrisme proustien à une tonalité plus âpre et désenchantée. On quitte les fastes pour les ruines et les récits pour les silences.

Sans jamais revendiquer l’autobiographie, la narration s'ancre dans une mémoire intime transfigurée par la fiction. L’enfance beyrouthine, les rêveries impériales et le glissement vers la guerre semblent émerger d’un vécu personnel, stylisé avec pudeur. S’il ne raconte pas la vie de l’auteur, le roman en recueille les échos, les atmosphères et les obsessions. Ce regard d’enfant, qui filtre le réel sans le réduire, confère à la guerre une dimension abstraite, presque mythologique, dans une distance entre souvenir et invention, entre histoire et imaginaire, où le texte puise sa justesse.

Dans sa langueur mélancolique, l’écriture explore avec obstination les replis de la mémoire. Charif Majdalani écrit en français avec une élégance orientale, tout en ampleur, détours et raffinement syntaxique qui donnent au texte sa respiration, sa densité et sa musique intérieure. L’histoire se tisse dans les interstices du souvenir, entre clartés fugitives et ombres persistantes. 

Ne cherchant ni à reconstituer ni à juger le passé, l’auteur en capte les reflets, les silences et les rémanences dans ce qui constitue moins une chronique qu’un chant discret, les noms comme des balises dans le brouillard de la mémoire. Ce qui s’efface laisse des traces, et ce sont elles que l’écriture recueille, avec pudeur et fidélité, comme on ramasse les fragments d’un monde qui ne reviendra pas, mais qui continue d’habiter les mots. (4/5)

 

 

Citation :

Mon enfance et mon adolescence étaient en train de s’achever là, et je ne me rendais pas tout à fait compte qu’elles s’achevaient aussi avec la fin du pays qui leur avait servi de décor. 


 

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